Donner sa langue au chat

La révolution informatique qui se déroule sous nos yeux a transformé notre façon de vivre. Je me désole d’accourir à mon téléphone intelligent dès que j’entends l’alerte d’un nouveau courriel, d’un texto ou d’un j’aime sur Facebook (pour le plus grand plaisir de toutes les entreprises qui m’espionnent).

J’ai l’impression d’être un chien qui réagit à l’appel de son maitre. Suis-je devenu un cyberzombie?

Les lecteurs européens s’étonneront, voire s’amuseront, des expressions imprimées en gras. Devant ces termes énigmatiques, ils seront tentés de donner leur langue au chat. Ce sont pourtant les termes que l’on utilise au Québec pour smartphone, email, SMS et like.

Le mot chat lui-même pose maintenant problème. De côté-ci de l’Atlantique, ce mot renvoie à un félin, alors qu’en Europe il désigne une conversation en direct entre internautes. Bref, un envoi rapide de courriels. Ce qu’on appelle au Québec le clavardage.

Clavardage est un ingénieux mot-valise. Il combine clavier et bavarder. Or, quand on chatte, on bavarde justement par claviers interposés. Courriel relève de la même logique : courrier électronique.

Mais voilà, ce ne sont pas des mots anglais et c’est pourquoi ils sont considérés comme des curiosités en Europe. Le Robert leur appose l’étiquette de « régionalismes ».

La traduction en français de néologismes est une spécialité au Canada. La survie du français en Amérique du Nord passe par la traduction systématique des expressions nouvelles issues du monde anglo-saxon. Et, ne soyons pas modestes, nos traductions sont souvent très inspirées.

Je le réitère : la situation est très différente en France, en Belgique et en Suisse; le besoin pressant de traduire y est beaucoup moins présent. En outre, l’anglais américain y brille de mille feux. On enfile les anglicismes dans la conversation comme des perles dans un collier.

Il est quand même triste de voir que nos efforts de traduction et de francisation suscitent aussi peu d’intérêt sur le Vieux Continent.

 

 

 

4 réflexions sur « Donner sa langue au chat »

  1. Pour l’anecdote, avoir de la chatte (ou être chatté), c’est aussi avoir de la chance, en argot de France.
    Plus sérieusement, depuis quand le ‘ch’ se prononce-t-il ‘tch’, et depuis quand le ‘t’ final se prononce-t-il en français? Une fois ces mots entrés dans le dictionnaire, ils devraient suivre les règles de la prononciation française, comme pipeline, qui doit se prononcer comme dans pipe et dans Line, et non pailleplaïne.
    De la même façon, le Petit Robert donne comme phonétique pour thriller [sriler], comme si ‘th’ devait se prononcer ‘s’. Je suis peut-être un dinosaure, mais de mon temps, un ‘t’, même suivi d’un ‘h’, comme dans théorie, ça se prononçait ‘t’.
    Et on dira après ça que le français est compliqué!

  2. Les références au Québec fleurissent dans les échanges lorsqu’il s’agit d’éviter les américanismes. Ceux qui sont conscients du problème savent la chandelle que nous vous devons en matière de lutte contre l’asservissement linguistique. Le mot « courriel » est même devenu ici un emblème de la résistance et permet d’identifier un rebelle mieux que n’importe quel mot de passe…
    En revanche – et cela est mal connu – nous faisons aussi un peu de résistance passive et nombre de mots que vous dénoncez dans vos billets n’ont pas « pris » et ont été d’entrée balayés par un vocable français sans même livrer bataille. C’est un peu long pour être développé dans ces lignes, mais VTT pour « mountain bike », planche à voile pour « windsurf » sont des exemples anciens mais connus.
    Bien entendu, cela est à moduler selon les thèmes et les catégories de la population, mais disons qu’il y a suffisamment d’ilôts de résistance pour éviter la submersion.
    Je profite aussi de ce billet pour dire que ces questions se règlent par d’autres méthodes que la traduction forcée et parfois acrobatique par des mots un peu artificiels : il s’agit de simplement de le dire précisément avec des mots déjà existants, quitte à être légèrement plus long. Ainsi beaucoup – dont moi – emploient « message électronique » au lieu de courriel. Le remplacement est si parfait qu’on n’attire même pas l’attention. Au lieu de forger le stupide « mot-dièse » qui n’a aucun succès contre ??????? (hashtag), on peut employer le tout simple « mot-clef » déjà implanté et plus souple. Le ???? (buzz) est un simple bruit médiatique et votre ???? (chat) des « échanges sur X » (où X est le nom de la plateforme utilisée).
    Autrement dit, sauf réelle innovation technologique, il est souvent inutile de traduire mais simplement de décrire avec l’immense stock de mots de notre fonds lexical. Gain de temps, de clarté et d’énergie !
    De toute façon, luttons…

    N.B. J’utilise depuis peu des caractères Unicode pour les italiques et les gras. Faites-moi savoir si cela est illisible sur certains écrans.

  3. Bonjour,
    La défense du français au Québec me semble quand même être à deux vitesses. Oui, beaucoup de termes anglais sont traduits (service au volant, mini-maison, etc.), mais que dire des mots directement issus de l’anglais et/ou qui sont mal traduits ? Exemples : les évidents choker (de choke) ou joke ou performer (le verbe), et les plus subtils comme « condition » pour dire l’état de quelque chose, « à date » (directement tiré de « to date »), une cane (boîte de conserve), « éventuellement » qu’il faut comprendre à l’anglaise (au final) et non pas à la française (le cas échéant) ? Je ne dis pas qu’en Europe c’est mieux, avec les anglicismes, mais si on veut défendre une langue, il me semblerait cohérent d’utiliser des termes qui existent depuis longtemps en français et non pas de franciser des mots anglais. Non ?

    1. Vous avez raison. Le français québécois est lourdement contaminé par l’anglais. C’est pourquoi nous avons le réflexe de tout traduire. En Europe, le français ne subit pas les mêmes assauts de l’anglais et on ressent moins la nécessité de le défendre avec acharnement.

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