Voir la lumière au bout du tunnel. On l’entend sans cesse, tant les dirigeants que les citoyens, tous épuisés, écœurés par cette pandémie chinoise qui s’éternise.
Cette expression épidémique aussi bien que virale vient pourtant de l’anglais : to see light at the end of the tunnel.La traduire par Voir la lumière au bout du tunnel parait tout ce qu’il y a de plus logique.
Traduction
Alors il y a un tunnel? Très bien, on pourrait tout simplement voir le bout du tunnel… mais encore? Sortir du tunnel, de l’impasse, s’en sortir, etc. Et pourquoi pas : se sortir de l’impasse sanitaire.
D’où vient le calque?
Un esprit anglais dans un corps sain… pourrait-on faire valoir. En fait une subtile différence de perspective subtile entre les deux langues.
L’ennui étant que la langue de Shakespeare n’a pas tout à fait la même optique que celle de Molière.
L’anglais a une vision cinématographique de la langue; il décrit fidèlement ce qu’il voit. Et que voit-on au bout d’un tunnel? La lumière. Donc tout se tient.
Le français est une langue analytique qui ne décrit pas tout ce qu’il voit : il en fait la synthèse, sans nécessairement donner tous les détails. Par conséquent, on dira en français : voir le bout du tunnel. Pour un francophone, il est évident qu’au bout d’un tunnel on ne peut voir autre chose que de la lumière; le préciser devient superflu.
Comme on le voit, cette tendance de l’anglais à tout décrire peut mener à des erreurs de traduction, même si dans le cas présent, ce n’est pas très grave.
Mais parfois, suivre fidèlement la démarche de l’anglais peut conduire à des phrases inutilement lourdes.
Le rapport a été reçu, lu, analysé et commenté. (Anglais)
Le ministre a demandé et obtenu un rapport sur la situation. (Anglais)
Le rapport a été commenté. (Français)
Le ministre a obtenu un rapport sur la situation. (Français)
Très éclairant, toutefois sortir du tunnel (youpi) n’est pas substituable à voir (la lumière au) bout (espoir que youpi).
Ça dépend s’il fait nuit quand on sort du tunnel !
On évoque souvent le génie de la langue. On pourrait aussi parler d’une vision du monde propre à chaque langue (cinématographique pour l’anglais et synthétique pour le français, comme vous l’avez mentionné). Si on considère les langues dans leurs familles, pourquoi certaines visions du monde propres à chacune n’en recouperaient-elles pas d’autres ? Par exemple, prenons la grande famille des langues indo-européennes. Ses sous-familles partageront certes une vision du monde avec elle, tout en développant les leurs propres. Et ainsi de suite, de sorte que la famille des langues latines, tout en possédant sa vision du monde en conservera aussi une en commun avec les familles germanique, slave, hellénique, etc. Donc, le français, qui a son génie, sa vision du monde particulière peut en partager une partie avec l’anglais, l’allemand ou le bulgare. Et cette partie commune proviendrait du fond indo-européen. C’est la raison pour laquelle une expression comme « on n’est pas sorti du bois » ne me choque pas. J’y vois beaucoup plus un indo-européanisme qu’un anglicisme. Les Anglais ont trouvé cette analogie ? Ç’aurait pu être nous. Elle aurait été tout aussi évocatrice et n’aurait pas blessé notre syntaxe. Nous avons inventé « on n’est pas sorti de l’auberge », « auberge » étant un euphémisme pour « prison ». Le « bois » peut en être une aussi (une prison), si l’on s’y perd. La « lumière » est nécessaire, dans l’expression « voir la lumière au bout du tunnel ». Car elle pourrait ne pas s’y trouver (au crépuscule ou en pleine nuit). La mentionner n’est donc pas inutile. Et elle donne de l’espoir à ceux pour qui la sortie d’un tunnel ne signifie pas de prime abord une entrée dans la clarté des choses. Bien amicalement.
Je vous remercie de votre commentaire intéressant. Il est exact que les langues empruntent parfois des figures de style à leur voisine. Un bel exemple est « Ce n’est pas ma tasse de thé », qui figure maintenant dans les dictionnaires français, mais qui vient d’Angleterre, on s’en doute.
Dans certains cas, le côté imagé de l’anglais devient irrésistible : « Le chat est sorti du sac » est nettement plus attrayant que « On a connu le fin mot de l’histoire ».
Tomber sur « …écœurés par cette *pandémie chinoise* qui s’éternise » en début d’article ne donne vraiment pas envie de continuer à le lire. Difficile de comprendre comment une personne avec votre intelligence pourrait écrire ce genre de propos.
Je pense énoncer deux évidences : 1) Les gens en ont marre de la pandémie; 2) la pandémie a commencé en Chine. Je ne vois pas au juste pourquoi je n’aurais pas le droit de le dire.
Ça n’en fait pas une pandémie chinoise parce qu’elle a commencé en Chine. Ce genre propos ne fait qu’entretenir la haine envers les personnes d’origine asiatique qui a émergé depuis le début de la pandémie.