La question s’est posée lors des Jeux olympiques d’été de 2008 et elle se pose encore une fois pour les jeux d’hiver de 2022. Convient-il de reprendre l’appellation traditionnelle de Pékin ou bien faut-il adopter Beijing?
Cette question en amène une autre : pourquoi deux graphies pour une seule ville? Il y a pourtant belle lurette que nous disons Londres au lieu de London, Barcelone au lieu de Barcelona ou Moscou au lieu de Moskva.
Romanisation du chinois
La France utilise toujours un système de romanisation du chinois mis au point au XVIIe siècle par des jésuites. C’est ce système qui nous a donné Pékin, Nankin et Canton. À la fin des années 1950, le président Mao a demandé que l’Occident utilise le système pinyin. Celui-ci a entraîné une mutation spectaculaire de certains noms, dont celui du Grand Timonier, devenu Mao Zedong.
Des villes comme Pékin, Nankin et Canton ont brusquement changé de nom pour devenir Beijing, Nanjing et Guangzhou. Une mère ne reconnaitrait plus son enfant. Les anglophones ont adopté ces nouvelles appellations, tandis que les francophones, plus conservateurs, s’en tiennent aux graphies plus traditionnelles. Il semble que les anglophones acceptent plus facilement les endonymes, ces noms de lieu qui correspondent à ce que l’on dit dans la langue d’origine.
L’usage actuel
Tant les journaux que les dictionnaires de la francophonie continuent de parler de Pékin et non de Beijing. Ce dernier nom est parfois mentionné dans les ouvrages de référence, mais l’entrée principale est toujours à Pékin.
Il est donc très clair qu’en français on dit Pékin. Le nom de la capitale chinoise peut être vu de deux manières : une transcription maladroite du chinois ou encore une traduction. Par exemple, Florence est une traduction de l’italien Firenze. Dans les deux cas, il s’agit d’exonymes.
Colonialisme et racisme?
Une lectrice m’a fait observer que certains noms issus de la colonisation continuent d’être utilisés, comme c’est le cas de Pékin. Elle donne aussi comme exemple la Biélorussie, qui est le nom russifié du Bélarus.
Je respecte ce point de vue, mais il me semble que, de nos jours, on finit par voir du racisme partout, y compris dans la terminologie. À ce compte-là, il faudrait renoncer à parler du Caire et dire al-Qahira pour ne pas rappeler le colonialisme britannique.
Ce qui devrait intéresser le langagier, c’est qu’actuellement, dans la francophonie, on dit encore Pékin. Je ne pense pas que la toponymie soit toujours contaminée par le racisme et le colonialisme; le problème c’est plutôt le conservatisme des francophones.
Il n’est pas exclu qu’un jour l’endonyme Beijing finira par être adopté en français, mais pour l’instant ce de n’est pas le cas.
Exonymes et endonymes
Le français, comme toutes les langues, n’est pas parfaitement rationnel. C’est un point de vue que je défends dans mon ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français.
Le français préfère l’exonyme Pékin à l’endonyme Beijing. Par contre il accepte plus volontiers l’endonyme Mumbai que Bombay, ancien nom sous la colonisation anglaise. Il a aussi adopté l’endonyme Myanmar et délaissé l’ancienne appellation Birmanie.
Toutefois, certains exonymes classiques comme Biélorussie, Nouveau–Mexique et Lisbonne persistent alors les vrais noms, les endonymes, sont : Belarus, New Mexico et Lisboa. Qu’on aime ça ou pas, la logique varie selon les cas.
Le tandem Pékin et Beijing est justement le résultat de ces incohérences.
Intéressante discussion, merci!
Merci pour cette intéressante analyse dont je partage quasiment tout.
Seul bémol, quand vous écrivez « Il semble que les anglophones acceptent plus facilement les endonymes, ces noms de lieu qui correspondent à ce que l’on dit dans la langue d’origine », vous occultez la question de la prononciation.
Ainsi les Anglois disent Parisss et non Paris. L’appropriation des mots étrangers passe d’abord par la bouche.
D’autre part, je vois et entends plus souvent parler de Birmanie que de Myanmar.