Titre du journal Le Monde, le 26 mars 2017 : Russie : l’opposant Alexeï Navalny et des centaines de personnes arrêtées lors d’une manifestation.
D’après la direction du journal, l’accord au féminin du verbe arrêter n’a pas suscité de commentaire négatif. Il semble que, pour une fois, des centaines de femmes ont fait pencher la balance du côté de l’accord au féminin, malgré la présence d’un seul homme.
Comme tout le monde le sait, le masculin fait office de genre neutre. D’où la lutte farouche menée par certains académiciens pour s’opposer à la tournure «Madame la ministre».
Quant à la règle donnant préséance au masculin dans l’accord du participe passé et de l’adjectif, elle amène son lot de hiatus, comme : «Les traducteurs et traductrices sont intuitifs.» «Les garçons et le filles de ce quartier sont beaux.»
C’est au prix d’une double pirouette arrière que l’on peut remédier cet irritant grammatical : «Les filles et les garçons de ce quartier sont beaux.»
Beaucoup pensent que l’accord de proximité a sa place en français. En tout cas, il ne s’agit pas d’une hérésie inventée par des féministes soucieuses de gommer la domination du genre masculin dans la grammaire française.
Qu’on l’aime ou pas, il faut reconnaitre que l’accord de proximité est plus euphonique. Maurice Grevisse signale que «La langue du Moyen Âge pratiquait ordinairement l’accord avec le donneur le plus proche.» Selon lui, les auteurs des XVIIe et XVIIIe siècles suivaient assez souvent cet usage.
Alors pourquoi le masculin en est-il venu à déclasser le féminin? D’aucuns soutiennent que cette prépondérance n’a rien à voir avec les deux sexes. Le masculin serait un genre neutre et n’aurait rien à voir avec le sexe. Vraiment? Alors pourquoi l’appelle-t-on masculin?
Pourtant, le grammairien Nicolas Beauzée disait en 1767 : «Le genre masculin est réputé le plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle.»
L’idée de rétablir l’accord de proximité fait son chemin, malgré la résistance bétonnée et peu surprenante que l’on observe en Europe. Des organisations féministes ainsi que d’autres voix estiment que cet accord serait un moyen d’intégrer à la langue française la révolution que constitue l’égalité hommes-femmes.
L’Office québécois de la langue française signale que l’accord de proximité n’est pas incorrect grammaticalement parlant.
Le journal Le Monde mentionne d’ailleurs les avancées réalisées au Québec, où des expressions comme écrivaine, auteure ont droit de cité depuis longtemps.
Ces termes suscitaient jadis railleries et mépris de l’autre côté de l’Atlantique. Or, les pays francophones européens ont commencé à dresser leurs listes de noms de profession féminisés. Le Robert estime que mairesse au sens d’épouse du maire est vieilli et donne la définition suivante : «Femme exerçant les fonctions de maire.» Il ajoute toutefois la mention RARE. Pas au Québec, en tout cas.
Comme on le voit, la résistance à la modernisation du français est toujours bien présente sur le Vieux Continent, même si on observe certains progrès. Ce n’est donc pas demain la veille que l’accord de proximité va s’imposer. Mais on a bien le droit d’espérer.
un petit papier à ce propos: «cherchez le noyé en amont»
http://navegandito.blogspot.ca/2016/03/chercher-le-noye-en-amont.html