Les politiques du gouvernement américain polarisent la population. Elles sont divisives, diront certains rédacteurs bien au fait de l’anglais.
Le verbe polariser est un autre brillant exemple de faux ami ayant fait intrusion dans le discours public, sans attirer l’attention. On peut sans nul doute le qualifier d’anglicisme insidieux; les amateurs de polars parleront du crime parfait.
Tant au Parlement du Canada que dans la fonction publique de ce pays, l’anglais polarize est systématiquement rendu par polariser.
Une consultation des dictionnaires vient tempérer notre enthousiasme.
La polarisation est « L’action de concentrer en un point (des forces, des influences). » – Le Petit Robert.
Le Petit Larousse, quant à lui, parle de concentrer l’attention sur quelque chose.
Comme on le voit, on est assez loin du sens anglais. « To break up into opposing factions or groupings, a campaign that polarized the electorate. » D’ailleurs, le Robert-Collins traduit « Être polarisé sur quelque chose » par « To be centered on something. »
À l’ONU, on traduit polarize par « cristalliser davantage les divergences d’opinions. »
Un autre exemple de l’Unesco : « Past scheme often polarize the community. » rendu par « Jusqu’ici, les projets avaient tendance à diviser la communauté. »
Diviser, voilà la clé. Renvoyer les gens dans des camps opposés. Semer la division, la discorde.
Mais le faux ami est tellement tentant…
Polarisant
Ce qui polarise est forcément polarisant… Logique implacable de l’anglicisme. Quand on y pense bien, force est de constater que la soi-disant polarisation accentue les clivages, la division. Donc, il serait judicieux de dire que la question de l’avortement est un sujet clivant — et non pas divisif, comme le pense un certain premier ministre.
On peut aussi utiliser le verbe cliver.
PR :
2¨ (1932) Fig. Séparation par plans, par niveaux. Le clivage des opinions, entre des opinions. « Un nouveau clivage social prenait vie sous son regard » (Gracq).