Je ne pensais jamais écrire un billet sur le mot mitaine. La popularité de la photo prise de Bernie Sanders, bien emmitouflé sur les marches du Capitole, m’a convaincu qu’il valait la peine d’en parler.
Ses mitaines tricotées ont fait le tour de la planète et on ne compte plus les trucages pour le faire apparaitre sur des toiles de grands maitres aussi que dans des scènes de la vie quotidienne.
Les médias français ont parlé des moufles du sénateur américain et ce détail a attiré mon attention, puisqu’au Canada il est question de mitaines. De prime abord, je croyais à un anglicisme, puisque les anglophones parlent de mittens. Pourtant ce n’est pas vraiment le cas. Il s’agit d’un régionalisme courant au Canada, mais aussi en Suisse et dans certaines régions françaises. L’anglais a donc repris un terme qui se fait plus rare en français moderne.
Les Européens emploient donc moufles, un mot que l’on ne voit à peu près jamais sous nos contrées enneigées. Il s’agit bel et bien d’une pièce de vêtement qui couvre entièrement la main, sans séparer les doigts.
Quant à mitaine, il revêt maintenant le sens suivant, selon le Petit Robert : « Gant qui laisse à nu les deux dernières phalanges des doigts. » Cette définition surprendrait n’importe quel Canadien.
Le dictionnaire en question retient toutefois l’expression canadienne à la mitaine, qui signifie faire les choses à la main, sans moyens techniques. Un peu comme cette chronique pleine de doigté.
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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.
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M. Racicot,
Vous avez oublié de parler de l’expression » être une mitaine »! (Comme dans » Ne sois pas une mitaine! » ou » Ne fais pas ta mitaine ! »)
Merci pour vos chroniques, elles me sont très utiles. (Celle où il était question de Washington DC est tombée à point ces temps-ci.)
Merci de votre commentaire. Mon père disait qu’un mauvais lanceur au baseball était une mitaine ou encore un chaudron!
Étant donné que l’étymologie de « quétaine » ne semble pas établie à ce jour, pourquoi ne pas tenter l’hypothèse d’un mot-valise formé de la première syllabe de « Québec » et de la seconde de « mitaine » ? Si, comme certains le prétendent, « quétaine » est une francisation de K-Tel, l’entreprise championne des repiquages en matière de chansons populaires, soit. Mais rien n’empêche d’y repérer la possibilité d’un mot-valise a posteriori.
Permettez-moi d’ajouter un autre sens au mot « mitaine », que l’on entend dans les Cantons de l’Est. Dans certaines petites villes, les aînés parlent de « mitaines » pour désigner des églises protestantes, que l’on appellerait sans doute des temples en France. Je ne sais pas cependant si le mot « temple » sous-entend un édifice plus imposant que ces minuscules églises protestantes.
Je croyais que ce mot « mitaine » était exclusivement en usage en Estrie. Or une amie de Québec dont le grand-père Écossais était presbytérien allait reconduire sa grand-mère à l’église tandis que lui, me disait cette amie, se rendait à sa « mitaine ».
Ici il s’agit bien d »un anglicisme puisque le mot « mitaine » est une déformation du mot « meeting ».
Merci pour ce commentaire pertinent. Je n’aurais jamais pensé à faire le rapprochement avec «meeting ».
Bonjour
Le mot mitaine est très ancien et il est présent dès le 12e siècle. Il semble avoir eu initialement en France le sens (moderne) de gant (alors synonyme de moufle), le gant jeté à l’adversaire pour le défier en combat singulier, ou être synonyne de moufle. Son origine est incertaine, possiblement du gallo-romain (« mite »), et ferait allusion à la fourrure du chat (= mite) ou d’un autre animal, évoquant chaleur et douceur, Il est rapidement passé en anglais : l’Oxford English Dictionnary trouve ‘mitten(s) » dès les années 1200 avec ce même sens de gant. C’est surtout au début du 19e siècle que l’on parle des mitaines, avec un retour en force à la fin de ce siècle. C’est en Europe une sorte de gant avec une seule séparation entre le pouce et les 4 autres doigts, ou une séparation entre chaque doigt, laissant les deux dernières phalanges libres.
S’il a existé des modèles en dentelle et broderies, les mitaines ont surtout été associées avec le travail manuel, et notamment celui des femmes dans des logis mal chauffés…. ou des écrivains désargentés (pléonasme!). En outre, la fabrication de mitaines ne nécessitait pas, à l’époque préindustrielle, les compétences requises pour la fabrication de gants en cuir.
Il a gardé le sens argotique et limité de gant de boxe.
Enfin, le « dictionnaire général de la langue française au Canada » de Belisle (1955 env.) signale effectivement l’emploi du mot mitaine au Québec pour désigner aussi les réunions du culte protestant (« à mitaine », également cité dans le dictionnaire de Léandre Bergeron (1980).
De nos jours en Europe, les mitaines ne sont plus que de (rares) accessoires de mode ‘chic’ bien distinctes des gants (aux doigts séparés et complètement couverts) et des moufles (les quatre derniers doigts se tenant au chaud…).
C’était mon grain de sel du jour. Merci beaucoup pour votre intéressant blogue.
Dans ma jeunesse dans les cantons de l’est ( disons les années 40, et 50 et plus, on disait la petite mitaine et tout le monde savait que c’était la petite église anglaise ou protestante .
Exemple : tu vires à droite passé la petite mitaine .