Micro-trottoir

Vox populi, vox Dei, dit l’adage. À la lumière de ce qui se passe dans les médias électroniques ces temps-ci, je serais porté à dire Vox populi, vox niaiseries.

La prolifération des micros-trottoirs dans les bulletins télévisés, tant au Canada qu’en France, est exaspérante. J’y reviens ci-dessous.

Sur le plan linguistique

Le phénomène est bien répertorié dans les deux grands dictionnaires. Il s’agit d’une enquête faite auprès de passants, sélectionnés au hasard, à qui on demande de se prononcer sur un sujet de l’heure.

Micro-trottoir est un mot composé dont le pluriel est micros-trottoirs. Certains s’interrogeront sur le pluriel de micro, qui, dans le cas présent, n’est pas un préfixe signifiant « très petit », mais bien un diminutif de microphone. D’où l’accord.

On entend parfois l’expression vox populi pour désigner ces entrevues spontanées.

Sur le plan journalistique

Dans l’immense majorité des cas, les entrevues de passants n’apportent aucun élément d’information valable. Très souvent, les personnes interrogées n’ont aucune connaissance du problème évoqué; leur réaction est primaire et ne présente aucun intérêt. La mièvrerie envahit nos ondes.

Le phénomène se propage malheureusement. Les infos françaises commencent elles aussi à multiplier micros-trottoirs. Une différence notable, toutefois, le Français moyen arrive quand même à s’exprimer beaucoup mieux que le Québécois rencontré sur la rue. Ses phrases sont mieux construites, même si le propos n’est guère plus élevé.

Alors pourquoi s’entêter à réaliser des micros-trottoirs sur tout et sur rien? La prolifération de ces entrevues inutiles devient exaspérante.

Quelques cas de figure.

Le prix de l’essence augmente. Les personnes interrogées à la pompe sont toutes fâchées : on se fait avoir, ça monte tout le temps, etc. On n’entendra jamais personne dire que, finalement c’est une bonne chose, et que ça rend les gens plus conscients du prix réel de l’énergie.

Un père tue sa femme et ses enfants. Le voisinage est consterné, un si gentil monsieur, on ne se doutait de rien, c’est bien terrible. Le journaliste s’attendait à quoi au juste? Bien content qu’ils soient tous morts, leur chien jappait tout le temps?

Le prix Darwin revient à un brave journaliste de Radio-Canada Outaouais. Les enfants d’une école primaire sont séquestrés, car on craint qu’une personne armée ne fasse un carnage. L’alerte est levée. Le brave galopin en quête d’un prix Pulitzer se tient à côté d’une mère énervée. Elle voit apparaitre sa fille et le galopin en question lui demande « Comment vous sentez-vous? » Elle ignore le type et court vers sa fille.

Du grand journalisme.

Car nous en sommes là : l’émotion, la spontanéité remplacent le journalisme d’enquête.

Des solutions

Revenons au prix de l’essence. Au lieu d’interroger « le vrai monde », on pourrait peut-être enquêter sur la collusion des pétrolières pour fixer le prix de l’essence. Évidemment, c’est plus compliqué…

Le meurtre d’une famille par le père. Une petite enquête sur ce phénomène, son origine et les moyens pris par les autorités publiques pour le combattre. Mais c’est tellement plus simple de poser des questions aux gens.

Des réactions

Ma lettre à la directrice de l’information de Radio-Canada n’a reçu aucune réponse. Mes messages à divers journalistes locaux et nationaux n’ont rien donné, sauf dans le cas d’’une reporter du Téléjournal qui m’a dit qu’elle transmettrait mon message avec plaisir aux responsables de cette politique populiste.

Tiens donc. Ils ne sont pas tous d’accord avec la direction…

2 réflexions sur « Micro-trottoir »

  1. Bonjour André,
    Je suis du même avis que toi, mais je pense que le modèle américain est adopté au Canada et en France. Je n’écoute pas les nouvelles qui sont diffusées ailleurs, alors je ne peux pas me prononcer.
    À mon avis, Internet a changé la donne. Au départ, je croyais qu’Internet serait une mine d’informations fiables, mais la planète entière a adopté une autre voie. Internet est devenu la façon de régler ses comptes et de dire ou d’écrire n’importe quoi et beaucoup de gens semblent heureux de cette situation. Pour leur part, les plus jeunes sont nés avec un cell. ou un ordinateur dans les mains et ils ne connaissent rien d’autre. De plus, si une personne plus âgée ose dire quoi que ce soit, beaucoup de voix s’élèvent plus lui dire qu’elle est dépassée ! Triste constat.

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