Le nouveau président américain (y en a-t-il eu un après Obama?) vient de faire connaitre quelques-uns des membres de son futur cabinet. Certains journalistes ont mis en évidence le caractère polyglotte de ces nouvelles personnes tellement rafraichissantes.
À commencer par le secrétaire d’État Anthony Blinken, qui a étudié à Paris et parle français couramment. Il est en bonne compagnie avec John Kerry, ancien secrétaire d’État, nommé représentant spécial pour le climat. M. Kerry parle aussi le français. Pour compléter le tableau francophone, soulignons que la vice-présidente Kamala Harris étudié à Montréal lorsqu’elle était plus jeune et qu’elle a une connaissance de notre langue.
Le responsable de la sécurité nationale, Alejandro Mayorkas est hispanophone.
Présidents francophones
Petite colle pour vous tous. Qui est le dernier président américain francophone?
- Richard Nixon
- Ronald Reagan
- Franklin Roosevelt
- John Kennedy
RÉPONSE…
Franklin Delano Roosevelt (1933-1945). Ça fait un bail. Le président Roosevelt a d’ailleurs prononcé un discours partiellement en français à Québec en 1936. M. Roosevelt parlait aussi allemand.
Son oncle, Theodore Roosevelt parlait lui aussi le français ainsi que l’allemand. Il lisait aussi l’italien.
On sera surpris d’apprendre que quelques présidents américains d’un passé plus lointain parlaient notre langue : John Adams, Thomas Jefferson, James Monroe et John Quincy Adams.
Pourtant, la langue française a connu quelques déboires aux États-Unis. Rappelons-nous également que lorsque la France a refusé d’entrer en guerre contre l’Iraq, en 2003, le candidat démocrate à la présidentielle de l’année suivante a dû cacher le fait qu’il parlait français. Il s’agissait de… John Kerry.
Oui, parler français peut parfois être mal vu aux États-Unis. Parlez-en à Mitt Romney, candidat républicain en 2012 et francophone. Certains trouvaient remettaient en question son allégeance américaine et trouvaient qu’il était trop français…
Une méfiance envers les langues étrangères
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’apprentissage des langues étrangères suscite peu d’intérêt aux États-Unis. Cela peut être attribuable à une tradition bien implantée d’anti-intellectualisme, mais aussi au caractère dominant de la culture américaine dans le monde. Pourquoi se casser la tête à maitriser l’espagnol, puisque les hispanophones qui s’installent aux États-Unis doivent apprendre l’anglais? Pourquoi se mettre à l’italien et à l’allemand? On parle l’anglais en Italie et en Allemagne. On reconnait cette arrogance des grandes nations qui refusent de s’incliner devant la culture des autres pays.
Pourtant, certains présidents de notre époque ont appris des langues étrangères.
Le président Clinton a appris l’allemand et l’a utilisé lors d’un discours devant la porte de Brandebourg, après la chute du Mur. Un autre démocrate avant lui, Jimmy Carter pouvait s’exprimer en espagnol, tout comme George W. Bush. Détail navrant, certains commentateurs – probablement unilingues – s’étaient amusés des erreurs de Bush dans la langue de Cervantès, au lieu de saluer ses efforts.
On comprend que plus tard Barack Obama a déploré le fait que les Américains n’apprenaient à peu près jamais de langue étrangère. De fait, moins d’un Américain sur cinq parle une langue étrangère, alors que la population états-unienne est très diversifiée.
Un voyage dans l’univers
Je parle à des convertis. Toute personne qui s’investit dans une autre langue fait une incursion – que dis-je, un voyage – dans une autre culture. Lorsque je parle en anglais, en allemand ou en italien, je deviens une autre personne. En allemand, par exemple, je deviens plus affirmatif, je décide de l’ordre d’importance des éléments d’une phrase. En italien, j’ai tendance à être plus emphatique.
On reproche souvent aux Américains d’être insensibles aux réalités étrangères. Nul doute que des études linguistiques plus soutenues seraient porteuses de changements hautement désirables dans leur mentalité.
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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.
On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.
Il y a également une petite musique d’arrogance inverse dans ce billet dont, comme toujours, on ne peut que partager l’essentiel ; ces changements « hautement désirables dans leur mentalité », prétend-on leur en intimer l’ordre ?
Je suis le premier à rétorquer aux contempteurs des difficultés des Français en langues étrangères (comprendre : en anglais) qu’ils ne seront jamais aussi nuls en la matière que les anglophones (et que la comparaison avec les romanophones italiens et espagnols leur est beaucoup moins défavorable qu’avec les Scandinaves de langue germanique biberonnés aux séries en V.O.)
La négligence des autres langues par les anglo-saxons découle mécaniquement de leur leadersh… domination. Dès lors, avant que d’adresser d’étonnantes leçons, essayons déjà de rivaliser.