Fausse balle

Dans un texte précédent, j’ai parlé des traductions farfelues faites en Europe au sujet du baseball, sport peu connu sur le Vieux Continent. En lisant un manuel sur la psychopathologie, traduit en Belgique, j’ai trouvé le texte suivant. Les expressions en gras sont de grossières erreurs de traduction.

« Lors de la seconde mi-temps du match de base-ball des « All Stars », le gardien de seconde base de l’équipe des Dodgers de Los Angeles, Steve Sax, rattrapa une balle facile, se redressa pour la lancer au gardien de la première base, Al Oliver, qui se trouvait à moins de 12 mètres de lui. Il lança la balle trop loin et le manqua. Il s’agissait là d’une erreur stupéfiante, même si, lors de rencontres de niveau des « All Stars », les grossières bévues sont courantes. Mais les supporters avertis de base-ball y reconnurent un des mystères de cette saison 1983 : Sax, 23 ans, star nationale de première ligue, semblait incapable d’effectuer des passes simples vers la première base (sur les 27 erreurs commises cette même année, 22 consistaient en cette passe.)

Chuck Knoblauch, le gagnant du trophée du « Gant d’or » de 1997, fut celui qui, lors de la saison 1999, commit le plus d’erreurs (26), dont la plupart étaient des erreurs de passe… Lors de la saison de 2001, il fut déplacé sur l’aile gauche du terrain. »

Ce texte est une atrocité. Les termes clés ne correspondent pas à la terminologie du base-ball, telle que mise au point au Canada français par des personnes qui connaissent ce sport et parfois le pratiquent. Elles sont nettement mieux placées pour définir le vocabulaire que des personnes qui n’ont aucune idée du déroulement d’une partie de baseball.

Pour un Nord-Américain, le texte ci-dessus est presque incompréhensible. Imaginez qu’un Nord-Américain écrive un article sur le football européen en ignorant totalement le vocabulaire établi… Comment réagiriez-vous?

Le traducteur européen a manqué de professionnalisme à plusieurs égards.

Il est évident que ce traducteur :

  • Ne connaît rien au baseball.
  • A traduit les mots clés en y allant un peu au hasard.
  • N’a fait aucun effort pour trouver une source fiable pour la terminologie.

C’est ce dernier point qui est le plus choquant. La totalité du vocabulaire du sport national américain a été traduit en français – oui, je sais, quelle excentricité de traduire des termes anglais ! On voit bien que ça ne se fait plus…

Donc les sources existent, mais les Européens les ignorent superbement.

Pour donner une idée de l’hécatombe, voici les termes exacts qui auraient dû être employés.

La seconde mi-temps : la deuxième partie de la manche (il n’y a pas de mi-temps au baseball)

Les « All Stars » : le match des étoiles

Le gardien de seconde base : le joueur de deuxième but

Le gardien de la première base : le joueur de premier but

Star nationale de première ligue : joueur étoile des ligues majeures

Passes simples : des lancers ou des relais faciles

Des erreurs de passe : des erreurs de lancer, des mauvais lancers

L’aile gauche du terrain : le champ gauche (le terme proposé par le traducteur est sidérant)

Bien entendu, il s’en trouvera pour dire que le traducteur a cherché à adapter le texte pour un public européen. Mais le métier de traducteur ne consiste-t-il pas à employer le vocabulaire établi, dans un domaine? Depuis quand les traducteurs se livrent-ils à des acrobaties terminologiques pour masquer leur ignorance?

Alors qu’aurait dû faire le traducteur? Consulter la base terminologique du gouvernement du Canada, Termium. Le vocabulaire du baseball y est consigné. Il aurait pu également s’adresser à l’ambassade du Canada ou à la Délégation générale du Québec : on aurait trouvé une personne compétente pour répondre à ses questions.

Le Larousse

Ce dictionnaire encyclopédique tente, tant bien que mal, d’expliquer le baseball aux Européens. Je salue ses efforts. Il signale la filiation de ce sport avec le cricket anglais. Le terme base est utilisé pour traduit l’homonyme anglais. Mais le dictionnaire se fourvoie en définissant une base comme un piquet. Il n’y a pas de piquet au baseball…

La base, appelée but en Amérique, est un coussin carré.

Suit un article sur Joe DiMaggio dont voici un extrait :

« En 1941, il a effectuer (sic) 56 parties de suite en frappant au moins un coup sûr… »

Le Larousse vient de frapper une (autre) fausse balle.

Une réflexion sur « Fausse balle »

  1. Sur SuperÉcran, je viens de regarder distraitement un énième film mal traduit en France : « Fences ». Qui parle aussi de baseball, et de manière aussi yogiaberrante.

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