Écrire un blogue

Il y a plus de six ans, je me lançais dans la grande aventure d’écrire un blogue. Comme j’enseignais la traduction et que je lisais romans, journaux et magazines, il m’était facile de trouver du grain à moudre. Au début, du moins.

Les fautes courantes lues et entendues un peu partout se bousculaient au portillon et j’avais l’impression que le sujet était inépuisable. Les anglicismes qui pullulent au Canada, à l’instar des moustiques l’été et des tempêtes de neige l’hiver, ont meublé beaucoup de chroniques. Les conversations saisies dans la rue, au restaurant étaient également des sources précieuses de solécismes et d’impropriétés. L’éternité ne me suffirait pas pour épuiser le sujet.

Plus de quatre cents articles plus tard, la tâche est plus ardue. Malheureusement, les médias me sont encore très utiles; ils continuent de propager les fautes et se corrigent rarement. Et quand ils le font, les voici repartis pour une nouvelle tocade linguistique… faire en sorte que… problématique… historique…

Écrire un article en double, pour découvrir que son aîné dormait quelque part dans mon blogue est toujours aussi agaçant. Le mettre au goût du jour n’est pas une mauvaise idée et la version rafraîchie est souvent aussi lue que l’original. Il faut dire que mon lectorat augmente lentement au fil des adhésions à mon fil Twitter.

La relative popularité de mes écrits engendre cependant une certaine pression, celle de produire. De gratter un peu partout pour déceler des sujets intéressants. Pour la première fois de ma vie, la peur de la feuille blanche me saisit.

Ma j’arrive toujours à trouver quelque chose.

Tout auteur qui saisit la plume avec un peu trop de zèle s’expose à voir ladite plume faire des pâtés… Le littoral de ce blogue est parsemé de coquilles que ses fidèles lecteurs ramassent patiemment. Toute personne qui écrit sait qu’après la troisième lecture on ne voit plus rien. Même un éléphant assis sur la table du salon peut passer inaperçu. Alors, les petites fautes d’accord, les homonymes confondus… vous n’y pensez pas?

Plus agaçantes sont les inexactitudes qui ne manquent pas de se pointer le nez, parce que oui, le blogueur ne sait pas tout. Parfois il aire, erre, pardon. Heureusement, il y a toujours quelques bons Samaritains qui se dévouent. Certains se dévouent plus que d’autres.

Car le rapport avec les lecteurs a son importance. Sinon à quoi bon écrire un blogue? L’auteur a l’impression d’expédier un texte dans l’espace pour le voir disparaître au-delà de notre galaxie.

L’une de mes belles surprises a été de découvrir un public aussi passionné de français que je le suis. Un public souvent érudit qui m’a appris un tas de choses. Bien sûr, il y a eu quelques accrochages, généralement avec des Français qui ne tolèrent absolument pas que l’on ose critiquer les anglicismes qu’ils enfilent comme des perles. Leur morgue et leur suffisance sont insupportables. J’ai souvent tenté d’expliquer la sensibilité des Canadiens envers les anglicismes, mais ils ne semblent pas comprendre du tout.

J’ai souvent été rassuré de lire le point de vue aussi éclairant qu’équilibré de Français établis ici. Ils comprennent mieux nos appréhensions et savent doser leurs interventions. En les lisant, on constate que notre insécurité culturelle déforme quelque peu notre jugement en ce qui a trait aux anglicismes, même si certaines de nos inquiétudes sont parfaitement fondées.

En tout cas, l’aventure se poursuit.

4 réflexions sur « Écrire un blogue »

  1. Pour avoir moi-même tenté l’expérience d’un blogue aujourd’hui agonisant, j’ai une assez bonne idée du travail que cela représente. Chapeau donc à André Racicot ! Même si je ne partage pas toujours ses idées ou points de vue, je sais reconnaître l’effort et la volonté de promouvoir une langue de qualité.

    Le hic, c’est que je ne partage pas cette idée, largement dominante au Québec et au Canada, que toute observation sur la langue doit forcément être négative. On tombe vite dans cette tradition presque ininterrompue depuis le milieu du 19e siècle des chroniques de langue qui font la chasse aux anglicismes, solécismes et autres impropriétés.

    Pour des raisons que l’on sait, l’anglicisme occupe la place de choix dans les cibles des grammairiens et puristes canadiens et québécois. Et cela amène inévitablement ces derniers à se lamenter sur le prétendu laxisme des Français en matière d’emprunts.

    Or, pour des raisons tout aussi évidentes, l’emprunt à l’anglais en France ne soulève pas les mêmes passions qu’au Canada. C’est que les Français ont compris depuis longtemps qu’il suffit d’intégrer phonétiquement un emprunt, quitte à en modifier l’orthographe si nécessaire, pour que cet emprunt cesse d’être un anglicisme, et on n’en parle plus. Qui aujourd’hui se rappelle que le mot bébé nous vient tout droit de l’anglais.

    L’emprunt est plutôt un moyen d’enrichissement. Pourquoi réinventer la roue ? S’il y a une langue qui prend tout ce qui passe si cela fait son affaire, c’est l’anglais. Quand on entend les mots «coup, dossier, chargé d’affaires» à la télé américaine comme je viens de faire ces jours-ci, je me demande pourquoi nous, francophones nord-américains, nous devons toujours agir comme si les mots anglais étaient une maladie honteuse.

    Que les Français appellent master – prononcé mastère – le diplôme universitaire que nous appelons maîtrise au Canada, cela ne choque personne en France. On n’oserait jamais faire pareil chez nous. On crierait au meutrre de la langue, au laxisme, etc.

    À mon avis, la chasse aux anglicismes ne donne rien. Bien au contraire, je prétends que les chroniques de langue aident à répandre les anglicismes qu’elles sont censées combattre en attirant l’attention dessus. Quand j’entends Guy Bertrand de Radio-Canada s’en prendre à tel ou tel mot dans ses capsules linguistiques, je ris dans ma barbe en disant que bien malgré lui M. Bertrand est en train de répandre la faute tout en voulant la corriger.

    Les emprunts à l’anglais naissent, vivent un certain temps et disparaissent ou finissent par s’intégrer parfaitement. Plein d’emprunts liés à la technologie automobile vont disparaître avec la généralisation de la voiture électrique. Les nouveaux termes seront probablement en français puisqu’ils naissent dans le contexte actuel. Mais c’est à voir.

    Qui aujourd’hui pense que des mots comme toune, fast food, top, drum, starter, brake et job parmi tant d’autres ont disparu? Et que dire des emprunts récents comme foodie, selfie, DJ, rap, food truck, fashionista, etc ?

    Quand je lis Le dictionnaire des difficultés de la langue française au Canada publié en 1967 par Gérard Dagenais, je suis toujours frappé par son actualité. Certes les changements sociaux, culturels et technologiques ont entraîné des changements de vocabulaire mais nombre de formes critiquées sont toujours bien vivantes comme j’ai eu l’occasion de le démontrer à plusieurs reprises dans mes commentaires de ce blogue.

    Alors, pourquoi pas faire une chronique de langue autrement ? Au lieu de s’acharner sur les fautes et les dites impropriétés, au lieu toujours prendre comme référence un certain usage de France, au lieu de s’en prendre aux anglicismes, ne pourrait-on pas imaginer une chronique qui porterait sur les changements, les nouveautés et les innovations langagières ? On pourrait parler des difficultés et de solutions possibles sans tomber dans le purisme. Enfin, on pourrait parler des propositions pour moderniser la langue, y compris bien sûr l’écriture inclusive. Alors, au turbin.

    1. Monsieur Allard,

      Je me demande depuis un bout de temps pourquoi vous me lisez puisque vous êtes fondamentalement en désaccord avec le genre de chronique que je rédige.

      Toutes les semaines, vous cherchez la petite bête dans tout ce que j’écris. Si dans de rares cas vous êtes d’accord avec l’idée générale de mon texte, vous trouvez toujours le moyen de pointer ce que vous percevez comme une erreur quelque part.

      Dans votre dernier épître, vous dévoilez vos batteries. Vous soutenez que les blogueurs comme moi qui signalent les fautes courantes perdent leur temps. D’après vous, aborder ces erreurs a pour effet de les propager. Je ne sais pas de qui vous tenez cette idée saugrenue dont je n’ai pas encore fini de mesurer l’absurdité.

      Ce sont pourtant des langagiers comme Guy Bertrand, qui vous fait sourire, qui ont contribué à l’essor de la langue française au Canada. Des progrès considérables ont été réalisés en terminologie, et ce dans bien des domaines, comme l’aéronautique et l’automobile.

      Bien entendu, on continue de dire brake et bien d’autres mots du genre, mais les progrès sont indéniables. Je vous conseille d’écouter l’émission RPM à Canal V. Vous constaterez que les animateurs ne sont pas des puristes, mais que, pourtant, ils emploient des termes précis et français pour décrire la réalité. Ainsi, ce qu’on aurait appelé jadis un char hybride branchable se dit véhicule hybride enfichable. Trouvez-vous vraiment qu’ils se ridiculisent en employant un terme que des Français aussi bien que des Sénégalais peuvent comprendre?

      Je comprends très mal votre attitude. Prêcher un usage plus rigoureux serait une perte de temps. Au contraire, admettons toutes les fautes de syntaxe, les impropriétés, les anglicismes, etc. Si tout le monde dit « pallier à » ou « lutte à », c’est qu’il y a sûrement une bonne raison à cela. Passons l’éponge, c’est pas grave! La rigueur, vous connaissez?

      Votre raisonnement bancal conduit tout droit au chaos. À quoi bon écrire des dictionnaires et définir la grammaire? L’usage populaire tranchera. En fin de compte, vous faites l’apologie de l’erreur. Édifiant.

      Soit dit en passant, mes chroniques ne sont pas toutes axées sur les erreurs courantes. Un bon nombre de mes quatre cents articles portent sur divers phénomènes linguistiques, les emprunts à l’allemand et à d’autres langues. Certains militent en faveur d’une réforme de l’orthographe et de la grammaire.

      Vous dites vous-même que vous êtes incapable de rédiger un blogue. Il est en effet plus facile de faire la mouche du coche dans le mien pour vous faire valoir. Si vous estimez qu’il devrait y avoir plus de chroniques positives, eh bien je vous invite à les écrire vous-même et à cesser de me harceler.

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