Best-seller

Le froid qui s’abat sur nos chaumières nous pousse dans les retranchements de la littérature lorsque nous rentrons pour nous réchauffer. Quoi de plus douillet que de se blottir dans les pages d’un excellent roman ?

Certains préfèrent de la littérature plus songée tandis que d’autres se tournent vers un best-seller. Ce terme anglais a fait recette. Il désigne un livre qui a obtenu un grand succès de librairie. On pourrait donc parler d’un succès de librairie, d’un grand ou d’un meilleur vendeur, sans utiliser l’anglicisme.

Pourtant, best-seller s’est bien incrusté dans l’usage, il figure dans les dictionnaires et fait donc partie des emprunts à l’anglais qui ne font plus sourciller. Dommage ? Peut-être.

Vous êtes rivés à votre fauteuil ? Vos paupières s’affaissent, il est temps d’aller au lit. Néanmoins, vous continuez de tourner les pages sans pouvoir vous arrêter. En anglais on parle d’un page-turner, terme qui ne s’est pas encore imposé sous nos latitudes, mais qui sait ? Le français, dans ce cas-ci, est moins expressif que l’anglais : un livre captivant, passionnant, qui se lit d’une traite. Bref, l’emprunt est ici inutile.

Nous nous souvenons tous de la silhouette ventripotente d’Alfred Hitchcock, le maître du suspense, disait-on. Certains auteurs populaires ont repris ses recettes, créant un genre en soi, le suspense.

Ce mot rime avec angoisse. Les romans policiers nous réservent des moments qui font naître un sentiment d’attente angoissée. C’est le suspense. Ce terme existe depuis un bon bout de temps dans notre langue et, comme on s’en doute, il vient du français suspens. Un autre anglicisme qui n’est en fait qu’un gallicisme en anglais. Les exemples sont innombrables.

Le suspense a maintenant un petit cousin, le thriller, une œuvre qui procure des sensations fortes. La parenté avec suspense me paraît évidente. Toujours est-il que cet anglicisme a été accueilli à bras ouverts outre-Atlantique, avec à la clé, comme toujours, une prononciation fantaisiste : srileur, nous dit le Robert. Rien de très captivant, hélas.

Une réflexion sur « Best-seller »

  1. J’aime bien ce blogue parce qu’il soulève des questions intéressantes et stimulantes. Encore une fois, on peut se poser la question : Qu’est-ce qu’un anglicisme ? ou peut-être mieux formulée : Quand est-ce qu’un anglicisme cesse de l’être.

    Tout d’abord, il faut faire un distinguo entre un mot français d’origine anglaise mais totalement intégré et l’anglicisme proprement dit, c’est-à-dire perçu comme étranger au français et provenant de l’anglais.

    Bestseller nous vient de l’anglais, personne ne le nie. Il ne s’est pas «incrusté» en français, comme par intervention divine. C’est que les Français l’ont adopté et adapté. Évidemment, cela nous agace, nous les francophones du Québec et du Canada. C’est sûr que nous aurions préféré «succès de librairie» ou «meilleur vendeur», quoique ce dernier fasse un peu calque de l’anglais. Comme quoi l’emprunt est parfois mieux que le calque.

    Et comme le français européen est généralement vu comme le modèle à suivre dans les milieux cultivés au Canada, il n’y a pas de raison de refuser le terme bestseller. On a fait la même chose avec job, briefing, gang et weekend.

    Le hic dans tout ça, c’est que ce phénomène des emprunts anglo-saxons acceptés en français européen met à mal toute notre obsession québécoise et canadienne avec les anglicismes. Il y a donc les bons anglicismes (venus de France) et les mauvais anglicismes (venus du Québec et du Canada).

    Pourquoi donc est-ce que bestseller est acceptable et copie (exemplaire) d’un livre ne l’est pas ? La seule raison semble être une sorte de norme purement arbitraire : c’est comme ça. On peut bien sûr invoquer des raisons historiques ou étymologiques. Comme on l’a vu avec pallier et pallier à.

    Mais le bon usage est roi. Si des usagers respectés utilisent bestseller et thriller, c’est la norme.

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