Combattre le télémarketing

Cette semaine, nous sortons un petit peu du domaine linguistique.

Le télémarketing a toujours été un fléau, mais il devient de plus en plus insupportable. Les Canadiens sont inondés d’appels importuns, dont environ 40 pour 100 sont frauduleux. Même problème aux États-Unis. Récemment, la revue britannique The Economist indiquait que les Américains sont excédés par les appels des télévendeurs. En outre, les efforts déployés par les autorités fédérales ne donnent pas toujours les résultats souhaités.

Au moins, Washington se préoccupe de la question, contrairement au gouvernement canadien qui a complètement laissé tomber la population.

La Liste nationale des numéros de téléphone exclus

Cette liste est en vigueur depuis dix ans. Grâce à elle, vous pouvez vous soustraire aux appels des télévendeurs… du moins en théorie.

C’est du moins ce qu’essaie de vous faire croire le CRTC. Dans un véritable document de propagande https://crtc.gc.ca/fra/dncl/10ann.htm, l’organisme fédéral présente la Liste comme un grand succès. On bombarde le public de chiffres bruts qui ne veulent rien dire. Le CRTC se vante des 13 millions de numéros inscrits sur la Liste, ainsi que des 18 603 télévendeurs inscrits eux aussi. Mais encore? Le gouvernement protège vraiment le public?

La vérité est tout autre. Des statistiques recueillies par l’émission La Facture à Radio-Canada https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1147504/echec-appels-indesirables-crtc-liste-numeros-exclus-telecommunications montrent sans doute possible que la loi de 2008, déjà pleine de trous, est inopérante.

Sur les 1,3 million de plaintes reçues, seulement… 167 ont conduit à des amendes. Oui vous avez bien lu. Autrement dit, une plainte sur 10 000 donne des résultats. Autant s’acheter un billet de loterie. C’est clair, dénoncer des numéros au CRTC est une pure perte de temps. D’autant plus qu’aucun suivi n’est exercé auprès du consommateur. Pas étonnant que les télévendeurs s’en donnent à cœur joie.

Dans une entrevue à La Facture, le directeur de l’application de la loi du CRTC, Alain Garneau, révèle que seulement 15 agents sont affectés au traitement des plaintes. Une poignée de fonctionnaires contre une horde de télévendeurs dotés de robots, d’équipement électronique et de téléphonistes formés pour vous embobiner.

Or l’émission La Facture nous apprend aussi que 40 pour 100 des appels de télémarketing ne sont rien d’autre que de la fraude.

L’inertie du gouvernement fédéral

Le gouvernement a le culot d’essayer de nous faire croire qu’il défend les consommateurs. Dans son document de propagande, le CRTC annonce fièrement qu’il accroît la coopération avec dix organismes d’application de la loi du monde entier. Pendant ce temps, le nombre d’appels importuns continue de grimper.

En 2016-2017, toujours selon le même document, Ottawa annonce son intention de forcer les compagnies de téléphonie à bloquer certains numéros importuns. Près de dix ans après l’avènement de la Liste, on commence à envisager de prendre des moyens plus musclés pour défendre le public. Bravo !

Bis : Pendant ce temps, le nombre d’appels importuns continue de grimper.

Parlons-en des compagnies de téléphonie. Bell, Rogers et Vidéotron ne lèveront pas le petit doigt pour vous défendre. Elles n’ont aucun intérêt à vous aider. Ces géants bloqueront des numéros quand le gouvernement fédéral sortira de sa torpeur et leur ordonnera de le faire. Pas avant.

Mais comment expliquer l’inertie du fédéral ?

Parce qu’Ottawa considère le télémarketing comme une industrie légitime. Dixit le CRTC :

Le CRTC continuera de s’adapter à un environnement numérique en constante évolution et d’appuyer les pratiques légitimes en matière de télémarketing.

Il serait intéressant de demander aux Canadiens si une industrie qui les dérange à toute heure du jour pour leur vendre des produits dont ils n’ont pas besoin, faire pression sur eux, quand il ne s’agit pas de les induire en erreur, est une entreprise légitime.

Le télémarketing est un fléau qui ne devrait tout simplement pas exister.

Que faire ?

La pire erreur pour les consommateurs est de baisser les bras. Oui, on peut se défendre contre le télémarketing.

1. La défense passive

La première chose est de se doter d’un afficheur. C’est la première ligne de défense qui nous permet de filtrer les appels.

Mais le talon d’Achille des consommateurs est la crainte de manquer un appel important. Cette crainte injustifiée nous amène à répondre à tous les appels, ce qui est une grave erreur dont profitent les flibustiers du télémarketing.

Pensez-y bien : vos amis et votre parenté ont-ils des numéros masqués ? Est-ce que leur numéro commence par 1-888, 1-877, 1-800 ? Possèdent-ils un numéro ésotérique comme 1381395069375 ? Sûrement pas. Alors pourquoi répondre à de tels numéros ?

Et même si le nom de vos amis et parents ou leur numéro n’apparaît pas sur l’afficheur, ils vont vous laisser un message, ce que les télévendeurs ne font à peu près jamais.

Votre médecin, votre banque cachent leur numéro ? Eux aussi vont laisser un message. Votre dentiste ne vous appellera pas cinq fois pour vous fixer un rendez-vous : il n’a pas de temps à perdre.

Conclusion : ignorer systématiquement les appels d’origine inconnue est une stratégie gagnante.

Répondre aux télévendeurs revient à les encourager à appeler, même si vous refusez leurs services. En plus, ces gens vous dérangent et vous font perdre votre temps.

Un autre moyen de défense passive consiste à faire débrancher votre ligne terrestre. Les appels se font moins nombreux sur les téléphones cellulaires… pour l’instant. Mais des listes de numéros d’abonnés de Rogers et autres se vendent régulièrement sur le Web. Ce n’est qu’une question de temps avant que nos appareils personnels soient pris d’assaut. Mais au moins, il est possible de bloquer les numéros, ce qui est déjà ça de pris.

2. Faire pression sur les politiciens

La loi instituant la Liste nationale des numéros de téléphone exclus a été adoptée sous les conservateurs. Le parti de Stephen Harper avait un préjugé favorable envers l’entreprise privé et s’il a fait adopter la loi en question, c’est à la suite des pressions des consommateurs auprès de leur député.

On ne sera pas surpris que la loi comporte toute une série d’échappatoires pour permettre à des partis politiques, entreprises avec qui vous faites affaire, organismes de charité, journaux, maisons de sondage, etc. de vous appeler, même si votre nom est sur la liste d’exclusion.

Ce que peu de gens savent, c’est que vous pouvez demander à votre concessionnaire automobile, à une organisation qui vous appelle de cesser de le faire. D’après la loi elle est tenue de le faire.

J’ai personnellement écrit à mon député fédéral Steven McKinnon ainsi qu’au porte-parole néo-démocrate en matière de consommation Pierre Nantel pour dénoncer le laisser-aller dans le domaine du télémarketing. Ils ne m’ont jamais répondu.

Mais il ne faut pas baisser les bras. Maintenant imaginons ce qui arriverait si tous les députés fédéraux recevaient tous les mois des dizaines de lettres de protestation. Si les électeurs demandaient à les rencontrer à ce sujet. Si des pétitions étaient déposées à leurs portes…

Vous pouvez aussi tenter d’écrire au ministre responsable, même si j’ai des réserves à ce sujet… Mon expérience est la suivante :

1. Le ministre met un temps fou à vous répondre (7 mois pour la ministre Joly, dans un autre dossier). 2. La lettre reçue est en langue de bois. On comprend vos préoccupations, mais il y a ceci et cela… Le gouvernement a à cœur les intérêts des Canadiens, etc. Il ne faut pas se laisser décourager. Les élections fédérales auront lieu cet automne et des candidats viendront frapper à votre porte. Belle occasion pour dénoncer cette coquille vide qu’est la liste des numéros exclus et de demander des engagements clairs au sujet du télémarketing.

3. Utiliser les médias

Il n’est pas facile d’avoir l’attention des médias, car tout le monde les sollicite. Cependant, les journalistes réagissent lorsqu’un sujet devient chaud. À nous d’alimenter le brasier en écrivant des lettres aux journaux, en racontant notre frustration à TVA, au Journal de Montréal, à Radio-Canada, La Presse, Le Devoir, etc.

Personnellement, j’ai fait paraître des lettres dans les journaux pour dénoncer la jungle du télémarketing ; j’ai présenté un dossier de toutes mes démarches à l’émission Enquête et c’est finalement La Facture qui a décidé de traiter la question.

Les journalistes de La Facture exercent un suivi de la question, alors n’hésitez pas à leur communiquer des informations qui enrichiront le dossier. Ils sont aux aguets.

Le télémarketing abusif fait l’objet de l’émission de La Facture du mardi 22 janvier, à 19 h 30. J’y relate mes démêlés avec les télévendeurs, les compagnies de téléphonie qui se foutent de nous, etc. Également à l’émission une dame tout aussi excédée que moi qui piège les télévendeurs.

À ne pas manquer.

Une réflexion sur « Combattre le télémarketing »

  1. Bon courage! Il est dommage que le consommateur doive payer pour éviter ces appels importuns, car bien entendu, la fonction Afficheur n’est pas gratuite! Les compagnies de téléphone n’ont absolument aucun intérêt à agir contre les délinquants. Le cabinet de voyance de Montréal, les vendeurs de thermopompes, les préposés indiens au service à la clientèle de Microsoft (soi-disant), la dame qui m’appelle de Suisse pour me vendre de la crème peuvent tous dormir tranquilles… Même le robot qui se contente de me répondre «Good bye» quand je décroche le combiné. Il y a quelques mois, je recevais un appel de Microsoft TOUS les matins, vers 8 h 30! Microsoft voulait vraiment m’aider paraît-il.

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