On dit souvent que la dépression est le mal du siècle, mais l’anxiété ne laisse pas sa place, surtout en période de pandémie. L’anxiété, qui vient du latin anxietas, est cette appréhension de l’imminence d’un évènement dangereux. Les personnes éprouvant cette émotion sont anxieuses.
L’anglais anxiety a le même sens que son équivalent français. Son adjectif anxious a aussi le même sens qu’anxieux. On relève toutefois une définition assez surprenante :
Intensely, desirous, eager
Le Collins donne comme exemple : anxious for promotion.
On pourrait penser qu’il s’agit d’un sens spécifique à l’anglais, cette langue ne concordant pas toujours avec le français, comme nous le savons.
Être anxieux de…
Pourtant une petite surprise nous attend au détour. Pas besoin d’éprouver de l’anxiété… pour être anxieux. En effet, l’expression être anxieux s’entend au sens d’être désireux, impatient de faire quelque chose. Le Larousse précise : « attendre quelque chose avec une grande impatience ».
Le calque syntaxique parait évident. Tant le Dictionnaire des anglicismes de Colpron que le Multidictionnaire sanctionnent l’expression, la dénonçant comme un anglicisme.
La cause semble entendue, mais attendons un peu avant de crier au calque!
Ni le Robert ni le Larousse n’indique que cette expression vient de l’anglais, ce qui est déjà suspect. Eh bien le calque n’est pas du tout là où on le croit.
Surprise! Le Trésor de la langue française recense l’expression « être anxieux de »:
Qui éprouve, témoigne de l’anxiété, dont l’extrême tension nerveuse résulte d’une attente vécue dans le plaisir.
Cette tournure m’a toujours parue suspecte et quelque peu absurde. Être anxieux n’est pas un état agréable et attendre avec impatience un évènement heureux ne génère pas d’anxiété au sens classique du terme.
Pas étonnant que bien des langagiers tiquent. Dans son célèbre ouvrage, Meertens suggère « être très désireux, soucieux, avide de… » Une variante : « Souhaiter vivement, tenir beaucoup à… » Il semble donc que c’est finalement l’anglais qui a calqué le français, comme cela s’est produit souvent. Être langagier rend parfois anxieux, n’est-ce pas?
Salut André,
J’ai publié dans L’Actualité langagière (vol. 9, no 1, 2012) un article sur des mots qui, en espagnol, s’emploient correctement dans le même sens que leur jumeau anglais. Ansioso est un deux ceux-là. Je disais ceci (la définition est tirée du dictionnaire de la Real Academia) :
Enfin, j’ai aussi appris que l’on peut être « anxieux » de faire ou de vivre quelque chose sans que cela implique de la nervosité, de la crainte, voire de la peur. Estar ansioso (ansiosa) por (ou de) partage avec l’anglais to be anxious to le sens de « désirer ardemment quelque chose » (que tiene deseo vehemente de algo). Vargas Llosa le confirme :
… todo el país estaba lleno de directores, actores, bailarines y músicos ansiosos por poner a la sociedad española al día, de hacer cosas nuevas. [Tout le pays grouillait de directeurs, d’acteurs, de danseurs et de musiciens désireux de moderniser la société espagnole, de faire des choses nouvelles.]
(Ouvr. cité)
Si bien que quand mes amis [cubains] me disent qu’ils sont ansiosos por verme de nuevo, je sais qu’ils ont hâte de me revoir…