En France, le français vole parfois bien bas. On a l’anglicisme facile pour tenter de se faire croire qu’on parle anglais. Ce petit jeu innocent finit par irriter.
La concurrence féroce qui règne dans les cieux de l’aviation a amené l’apparition des transporteurs low cost. Quand j’ai entendu cette expression dans la bouche d’un Français, je me suis dit : « Ah non! C’est pas vrai. » Encore un de ces anglicismes spontanés qui va survoler le ciel avant de se perdre dans les nuées.
Eh bien non. Le terme affreux et inutile se trouve dans le Petit Robert. On en a même fait un substantif : « Le modèle économique du low cost. », signale le dictionnaire. Celui-ci recommande l’expression française à bas prix.
Au Québec, on parle des transporteurs à rabais. Ces deux traductions soulignent l’inutilité flagrante de l’anglicisme.
Lorsque j’ai traversé l’Atlantique pour la première fois, je l’ai fait à bord d’un vol nolisé, traduction de charter, autre anglicisme qui figure dans le Robert. Le dictionnaire propose vol affrété, expression inusitée chez nous. Et sans doute en France aussi. Pourtant, affréter entre dans la définition de noliser.
Jadis, un avion s’écrasait. Aujourd’hui, il se crashe. Considère-t-on que le verbe anglais a plus d’impact, plus de punch? L’anglais s’exprime parfois par onomatopées. Le verbe anglais s’entend, il résonne dans nos têtes. Il est irrésistible pour certains.
Un écrasement est moins spectaculaire, d’autant plus que le substantif a un champ sémantique assez étendu. On peut affirmer que la rectitude politique écrase la liberté de parole; les policiers ont écrasé les émeutiers; les Canadiens ont écrasé les Maple Leafs (au hockey).
Le verbe crasher s’applique aux tragédies aériennes : il est donc plus précis. Néanmoins, son emploi est assez rare de ce côté-ci de l’Atlantique. Nous avons encore ce réflexe curieux de défendre le français. Les loopings linguistiques de l’Hexagone sont autant d’acrobaties aériennes qui nous désolent. On a parfois l’impression que le français tombe en vrille.
« Low cost » est d’autant plus regrettable que le mot « holocauste » est très fréquent en France et se retrouve dans certaines phrases en position de quasi homophone des plus ambigus ! Évoquer le transport des déportés de l’holocauste pendant la guerre en prend une teinte assez grimaçante.
Mais que ne ferait-on pas pour un anglicisme aussi grossier…
Monsieur,
Je vous saurais gré de bien vouloir remplacer mon intervention précédente (non encore publiée car en attente de modération) par celle-ci (j’y ai apporté de légères modifications et corrigé quelques erreurs). Merci.
Bonjour,
Je crois qu’il est temps d’arrêter de porter des jugements aussi péremptoires qu’infondés du style : « En France, le français vole parfois bien bas. » Que faudrait-il dire de celui du Québec ? Et du Nouveau-Brunswick ?
Certes, le niveau de français dans l’Hexagone baisse et cette tendance est inquiétante, surtout lorsqu’on observe l’anglomanie (terme à la mode) ambiante dans les pays francophones européens (France, Suisse, Belgique et Luxembourg).
Il reste que le niveau de langue de la population générale (dans les médias, le gouvernement, les entreprises, les établissements scolaires, etc.) demeure très largement supérieur à celui du Québec, et que dire des autres zones francophones au Canada.
Pour réagir plus précisément à votre billet, on dit en effet en France : « un vol charter, des vols charters » et « affréter un vol ». Le verbe noliser n’y est pas utilisé.
Le terme « low cost » participe de la paresse et du snobisme, mués en ignorance, et n’a pas sa place dans la langue soutenue.
Par contre, la formulation qui semble avoir cours au Québec (transport à rabais) peut faire sourire, vu la proximité avec la locution « au rabais »… 🙂
[Pour ce qui est de votre remarque, Chambaron, je ne vois pas ce qu’elle vient faire ici, car elle est, à mon sens, à la fois déplacée et complètement hors de propos.]
M. Racicot, comme vous l’avez dit plusieurs fois – et à juste titre – dans votre blog(ue), le français au Canada est une langue de traduction.
En effet, elle continue de perdre depuis longtemps toute sa spontanéité, toute son imagination et toute sa verve sous les coups de boutoir linguistico-idéologiques, entre autres, assénés de toutes part depuis plusieurs décennies.
Cette évolution a notamment créé une situation d’« insécurité linguistique » (cf. la création de l’OQLF et l’offre pléthorique d’ouvrages normatifs sur le marché québécois de la langue et de la traduction) et un éloignement – fort perceptible de ce que d’aucuns et d’aucunes aiment à appeler la « norme québécoise » – du français dit international (comprendre : européen).
Aussi suffit-il pour s’en convaincre de lire, par exemple, les sites en français du gouvernement du Canada ou les journaux québécois francophones (La Presse, Le Devoir) pour constater, dans la plupart des cas, le manque de naturel de la langue utilisée; cette langue que vous, Francophones du Canada, défendez pourtant (heureusement !), mais que vous maltraitez allègrement jusque dans ses fondements (syntaxe profondément anglicisée, formulations complètement bancales et non idiomatiques, anglicismes de toutes sortes, etc.).
Comprenez bien que je ne me pose pas en donneur de leçons (maudzit Français), mais bien en observateur et surtout, en professionnel de la langue qui constate cet état de fait tous les jours dans son travail…
Soit dit en passant : je suis canadien et j’habite au Canada anglophone.
Permettez-moi de conclure en vous félicitant, malgré mon entrée en matière et mes sorties quelque peu antagonistes, pour le contenu de votre blog(ue).
Cordialement.
JCD
Cher monsieur, vous allez être surpris, mais je suis largement d’accord avec vous ! Les Québécois sont mal placés pour faire la leçon aux Européens, car la qualité du français ici est déplorable. Comme vous le soulignez, même les médias maltraitent le français. Je pense quand même que la complaisance des Européens envers l’anglais mérite d’être dénoncée.