On me pardonnera de paraphraser Victor Hugo pour le titre de cette chronique hors normes.
Je n’ai pas la prétention d’être un fin connaisseur de la littérature. Les courants littéraires me sont aussi étrangers que les courants marins. Mais j’aime lire et j’ai lu beaucoup pendant ma vie.
Je me suis amusé à scruter ma bibliothèque, presque sorti de mon corps, comme si je regardais ma vie défiler. Quels sont les livres qui m’ont marqué, que je relirais volontiers?
Je parle de livres de littérature « sérieuse »; j’ai donc exclu les romans policiers même si c’est un genre que j’adore. À une exception près…
Un seul livre de science-fiction aussi, un genre qui ne m’a jamais tellement plu.
Bien entendu, vous ne serez pas d’accord avec moi et c’est normal. Il y a sûrement un bouquin que j’ai manqué et que je devrais lire avant de partir pour l’éternité. Dites-moi lequel, ne vous gênez pas.
Voici donc la liste, pêle-mêle, sans ordre de préférence.
Vingt mille lieues sous les mers, de Jules Verne
Une épopée fascinante sous les océans.
Germinal, d’Émile Zola
Les luttes ouvrières du XIXe siècle narrées avec réalisme.
Du bon usage des étoiles, de Dominique Fortier
Le récit véridique et créatif de l’expédition Franklin à la recherche du passage du Nord-Ouest. Ce n’est que cent ans plus tard que l’on a découvert les restes de l’équipage, prisonnier des glaces.
L’orangeraie, de Larry Tremblay
Toute l’absurdité du conflit au Proche-Orient. Un jeune homme condamné par la maladie veut prendre la place de son frère pour commettre un attentat-suicide.
Monsieur Ripley, de Patricia Highsmith
Une histoire cynique d’un être absolument amoral qui usurpe l’identité d’un jeune homme riche pour s’emparer de sa fortune, après l’avoir assassiné. Le roman avait fait scandale.
Les piliers de la terre, de Ken Follett
Œuvre grandiose sur la construction des cathédrales au Moyen-Âge.
Kamouraska, d’Anne Hébert
On sent le souffle impétueux de la tempête, la poudrerie dans ce récit d’adultère.
Le monde selon Garp, de John Irving
Une histoire farfelue mais tout à la fois philosophique.
Les carnets du major Thompson, de Pierre Daninos
Les réflexions hilarantes d’un Anglais vieux style sur la France, réflexions qui révèlent tout aussi bien les failles de la perfide Albion.
Cent ans de solitude, de Gabriel Garcia Marquez
Un roman déroutant dans lequel présent, passé et futur se côtoient. L’ouvrage phare de Garcia Marquez.
Les misérables, de Victor Hugo
Un chef-d’œuvre mémorable, véritable fresque de la misère parisienne en pleine tourmente révolutionnaire, avec une galerie de personnages inoubliables.
La pourpre et l’olivier, de Gilbert Sinoué
Un portrait percutant de la vie pénible des premiers papes, pourchassés par l’Empire romain.
À l’Ouest rien de nouveau, d’Erich Maria Remarque
La vie atroce des soldats dans les tranchées durant la Grande Guerre, celle qui tue, disait-on. Dramatique, un récit qui nous prend jusqu’aux tripes.
La part de l’autre, d’Éric Schmitt
Que serait-il arrivé si Hitler avait réussi le concours des beaux-arts de Vienne et était devenu un artiste renommé?
Les raisins de la colère, de John Steinbeck
Le krach de 1929 vécu par des paysans américains ruinés. Leur marche dans le désert pour trouver un nouvel eldorado, la Californie. Un livre profondément touchant.
Des souris et des hommes, de John Steinbeck
L’histoire prenante de deux amis, dont l’un est légèrement déficient. Les deux roulent leur bosse, accumulant les petits boulots. Jusqu’à ce qu’un drame éclate.
Racines, d’Alex Hailey
L’histoire atroce de l’esclavage des Noirs aux États-Unis. Arrachés à leur terre natale, transportés sur les océans, vendus comme de la marchandise. Bouleversant.
La jeune fille à la perle, de Tracy Chevalier
Le fameux tableau de Vermeer. Une jeune fille sans instruction devient le modèle du célèbre peintre. Elle découvre un monde étrange, celui des catholiques.
La vie devant soi, de Romain Gary, alias Émile Ajar.
L’histoire amusante, mais porteuse de sens, d’un enfant musulman confié à une juive qui élève le fruit des entrailles des prostituées.
Sa Majesté des mouches, de William Golding
Maîtres et valets s’échouent sur une île déserte. Les vrais caractères se révèlent peu à peu et ce ne sont pas les riches qui ont le beau rôle…
Vol de nuit, d’Antoine de Saint-Exupéry,
Les premiers temps difficiles de l’aviation. Le pilote coincé dans la matrice inconfortable de son cockpit, où seules les étoiles lui tiennent compagnie.
La peste, d’Albert Camus
Une épidémie qui éclate, comme cela, sans raison, à Oran, en Algérie française. Toute l’impuissance de l’humanité devant l’absurdité de son existence. L’épidémie s’estompe et la vie continue.
1984, de George Orwell
Ce roman est peut-être le plus marquant du XXe siècle. Il est d’une actualité frappante et vient d’être retraduit.
Le procès, de Franz Kafka
Ce n’est pas pour rien qu’on qualifie certaines situations de « kafkaïennes ». Le roman traduit l’impuissance de l’humain devant le Léviathan bureaucratique, mais aussi devant les puissances économiques, son destin, bref, tout.
Crime et châtiment, de Fédor Dostoïevski
Le romancier pose une question fondamentale : a-t-on le droit de tuer son prochain?
Fondation, d’Isaac Asimov
La science permet maintenant de prédire l’avenir. Tout semble clair. Mais les experts se sont fourvoyés. Brillant.
Bien des livres de votre liste m’ont également marqué comme « Les raisins de la colère », que j’ai lu trop jeune si bien que je croyais que toute la littérature était tout aussi triste.
Finalement, il y a trois livres de science-fiction dans votre liste. Alors iI faut, peut-être, tenter au moins un livre de nouvelles de Ray Bradbury, il s’attache plus à la poésie des situations, qu’à la science-fiction elle-même.
Je n’aime pas trop les romans policiers non plus, sauf les « Sherlock Holmes ». Mais les livres de Sébastien Japrisot, dont un grand nombre ont fait l’objet de films, sont de la vraie littérature. Son nom n’est pas assez connu.
Dans le genre exception en matière de roman policier, je recommanderai le très surprenant « Le parfum », de Patrick Suskind. Un livre centré sur l’odorat qui reste passionnant de bout en bout, autant dire une performance.
Si vous voulez un choc littéraire, c’est évidemment « Voyage au bout de la nuit », de Céline, écrit avant qu’il devienne… ce qu’il est devenu.
Plus classique, J’ai adoré « regain », de Jean Giono. Une littérature de la France profonde, pauvre, attachée à la terre, loin du monde moderne, dont Marcel Pagnol s’est inspiré.
Et dans le genre histoire d’amour, « Le marin de Gibraltar » de Marguerite Duras. Beaucoup n’aiment pas son écriture, moi si.
Merci de vos intéressants commentaires. Japrisot est effectivement un très auteur; il est bien connu à cause de L’été meurtrier, porté
l’écran avec Isabelle Adjani. J’ai bien apprécié «Le parfum», un roman très original.