Archives de catégorie : Anglicismes

Loger

 À quelle enseigne logez-vous? À celui des anglicismes si vous logez une plainte ou un appel. Rien à voir avec le véritable sens de ce mot qui signifie « habiter » ou « héberger », d’où la locution familière : à quelle enseigne logez-vous?

On peut donc loger à un hôtel, on peut loger quelqu’un chez soi et même loger une balle dans la cible, nous dit Le Robert.

 Toutefois, notre verbe doit être… délogé des expressions qui s’inspirent directement de l’anglais, d’autant plus qu’il est facile de trouver la bonne cooccurrence en français.

Loger une plainte : déposer une plainte.

Loger un grief : présenter, formuler un grief.

Loger une réclamation : faire une réclamation.

Loger un appel : faire un appel, téléphoner; appeler quelqu’un; passer un coup de fil à quelqu’un.

Dans un contexte juridique, loger un appel peut se rendre par interjeter appel, lorsqu’un avocat conteste la décision rendue par un tribunal.

 

 

 

 

Adresser

Le verbe adresser est source de multiples difficultés, à commencer par sa graphie, avec un seul D. L’écrire avec deux D revient à commettre un anglicisme morphologique (address en anglais, adresser en français).

Dans notre langue, on adresse une lettre, la parole à quelqu’un et on s’adresse à un auditoire. Adresser un auditoire est un autre anglicisme.

Dans le milieu des relations publiques, il est de bon ton d’adresser des problématiques. Rappelons qu’une problématique est un ensemble de problèmes et que ce terme est rarement pertinent lorsqu’on décrit une simple situation. Avis aux policiers.

Par ailleurs, l’expression adresser une question, adresser un problème, une situation relève de la phraséologie anglaise. On traite une question, on en discute; on s’attaque à un problème, on aborde un problème; on étudie une situation. Parfois le verbe anglais to address signifie résoudre, régler et seul le contexte peut indiquer la bonne traduction à adopter en français.

 

Agenda

Vous avez un agenda dont vous vous servez pour noter vos rendez-vous et les anniversaires. Il peut être aussi bien en format papier qu’électronique.

Cela dit, peut-on parler de l’agenda d’une réunion? Par vraiment; on plutôt d’un ordre du jour.

Tant pour les individus que les organisations, l’expression en l’objet ne peut convenir pour définir une ligne d’action. À moins de patauger dans le cloaque des anglicismes, il faut trouver un autre moyen de s’exprimer.

Les chroniqueurs politiques se délectent du mot agenda en parlant d’un gouvernement, de l’opposition ou d’un parti politique et il est bien difficile de les convaincre de jeter cette vilaine mâchée de gomme. Le plus souvent, les politiciens et leurs partis ont un programme, une liste des priorités.

Autre expression qui revient souvent dans les écrits sur la politique avoir un agenda caché. Ici, un peu d’imagination ne nuit pas et la solution est beaucoup plus simple qu’on ne l’imagine. Un gouvernement peut avoir des intentions cachées, des arrière-pensées, des desseins ou des projets secrets, des priorités secrètes. On pourrait dire également qu’il cache son jeu. Bref on peut se dispenser du hideux agenda caché. Avis aux intéressés, qu’ils inscrivent à leur agenda « À partir de demain, je n’emploie plus l’anglicisme agenda. »

Quitter

«Delphine vient de quitter, elle reviendra demain.  Josée a quitté pour la France hier soir. Après avoir passé vingt-cinq ans à La Baie, Martin a quitté sur un coup de tête.»

Voilà quelques exemples de phrases que l’on entend tous les jours, sans s’émouvoir. On le devrait, pourtant. Au Québec, le verbe quitter est employé systématiquement sans complément. Or ce genre de construction est non seulement fautif mais il peut aussi être porteur de confusion dans bien des cas.

En effet, si nos disons que tel sénateur au milieu d’une controverse a quitté, certains croiront qu’il vient enfin de démissionner, alors qu’il pourrait tout simplement être sorti de la pièce.

Il faut savoir que le verbe quitter est transitif, c’est-à-dire qu’il exige un complément. On ne quitte pas tout court, mais on quitte quelque chose. Revenons à nos phrases.

«Delphine vient de quitter le bureau, elle reviendra demain. Josée est partie pour la France hier soir. Après avoir passé vingt-cinq ans à La Baie, Martin a démissionné sur un coup de tête.»

Si le dernier cas est clairement un anglicisme, il me semble que les deux premiers s’inspirent aussi de l’anglais qui emploie to quit de manière intransitive. «He had to quit – il a dû partir.»

On retiendra de tout ceci que le verbe partir peut facilement remplacer quitter lorsqu’on est tenté de l’utiliser sans complément.

 

Livraison de services

Lu dans Le Devoir de ce matin (soupir).

On a beau être pressé par le temps (toujours?), il est un peu décourageant de lire ce genre de choses dans un journal de bonne tenue. Enfin.

J’imaginais le citoyen en train d’appeler le gouvernement et de commander une brochette de services… Vous faites la livraison?

C’est le mot prestation que l’on aurait dû utiliser, un mot trop souvent oublié.

Article plus complet sur la question ici.

Significatif

On l’entend partout, ce qui lui donne des accents de vérité. Significatif est comme le monoxyde de carbone : il nous empoisonne à notre insu. Adjoint à un nombre, il en gonfle l’importance : des augmentations significatives du taux de chômage, entre autres exemples.

Le commun des mortels qui l’entend et le lit tous les jours sera sûrement étonné d’apprendre que significatif a un sens plutôt restreint dans notre langue : qui est porteur de signification, qui est révélateur, éloquent ou expressif.

Un geste significatif. Une défaite significative du parti au pouvoir dans un élection partielle (en ce sens qu’elle démontre son impopularité).

Ici nulle trace de quantité, contrairement à l’anglais significant, dont le terme en vedette est une mauvaise traduction.

On parlera donc d’une augmentation considérable, importante, des coûts, des inscriptions, des mises en chantier, etc. Faites passer le message.

Éventuellement

«Il est mort éventuellement.»  Voilà une phrase toute innocente que l’on pourrait lire un peu partout sans que la plupart des gens n’y voient de problème. Pourtant, cette affirmation est un non-sens, tout simplement parce qu’éventuellement n’a pas du tout le sens qu’on lui attribue en général.

Beaucoup s’étonneront d’apprendre que le terme en l’objet veut tout simplement dire… peut-être. D’une manière éventuelle, nous disent les dictionnaires, c’est-à-dire si certaines conditions sont réalisées, selon les circonstances.

Le eventually anglais a un sens plus vaste et peut signifier par la suite, à la longue, ultérieurement, etc. Donc He died eventually a du sens en anglais, mais pas en français.

L’ennui c’est que presque toutes les occurrences du terme en français canadien sont teintées d’anglais à un point tel qu’on ne sait plus ce que les francophones ont en tête lorsqu’ils l’emploient. Par exemple si une personne dit «Pierre viendra éventuellement au concert.», il n’est pas clair pour qui pense en français si Pierre fera acte de présence s’il en a le temps ou s’il est assuré qu’il assistera au concert.

Il est pourtant si facile de se rappeler qu’éventuellement ne veut rien dire d’autre que peut-être ou le cas échéant.

Autre article : À toutes fins pratiques

Disposer de quelque chose

Avez-vous l’intention de disposer de vos vieux meubles? Le Canadien peut-il disposer des Sénateurs d’Ottawa au compte de sept à deux?

Ces deux phrases seraient correctes en anglais, mais pas en français. Dans les deux cas, le verbe disposer revêt un sens très courant dans les écrits journalistiques au point que le lectorat n’y généralement que du feu.

Disposer, dans le sens de se débarrasser de quelque chose

De fait, disposer signifie « avoir à sa disposition » et il n’a nullement le sens de défaire, de se débarrasser de.

Longtemps, il existait au gouvernement fédéral un monstre linguistique appelé Corporation de disposition des biens de la Couronne. Deux anglicismes pour le prix d’un; c’est ce qui arrive quand des fonctionnaires s’imaginent qu’ils n’ont pas besoin de traducteurs professionnels. Dans ce cas précis il aurait été plus pertinent de parler de l’aliénation des biens de l’État. En effet, aliéner a le sens plus noble de « se défaire de quelque chose ».

Disposer en français

En français, disposer signifie « avoir en sa possession » et « exercer son droit de propriété », ce qui implique, éventuellement, de se débarrasser d’un bien.

Le mot disposer se voit aussi dans le sens d’être capable de prendre ses propres décisions, d’être libre et indépendant. On parle d’ailleurs du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Le peuple québécois a le droit de disposer de lui-même.

Toute personne a le droit de disposer de son corps.

Dans le monde du sport

La langue des sports est trop souvent teintée d’anglais. « Le Canadien dispose des Sénateurs. » est un autre emprunt à la langue de Shakespeare. Ici, vaincre, défaire, l’emporter sur, avoir raison de auraient été préférables.

Bien oui, il faut souvent travailler très fort dans les coins pour parler français correctement. Disposer est un faux ami redoutable.

Législation

Il est très courant dans les médias d’employer législation comme un parfait synonyme de loi. Pourtant les journalistes font fausse route.

Avouons qu’il est facile de tomber dans le piège, puisque, encore une fois l’anglais, a un champ sémantique plus vaste que le français pour certains mots. C’est le cas pour legislation, qui peut désigner une loi en particulier.

La définition du dictionnaire Collins : “consists of a law or laws passed by a government.”

En français, la législation est l’ensemble des lois d’un pays. Par extension, une législation peut être un ensemble de plusieurs lois dans un domaine précis.

Il ne saurait donc être question d’une loi en particulier. La Charte de la langue française, la Loi sur la laïcité de l’État ne sont pas des législations.

On pourrait par exemple parler de la législation en environnement, étant entendu qu’il existe plusieurs lois dans ce domaine.

Il est encore plus erroné de parler d’une législation pour un projet de loi déposé au parlement. En effet, un projet de loi n’est pas une loi, puisqu’il n’a pas encore été approuvé par les députés, ni sanctionné par le chef d’État. Bien entendu, il est encore plus absurde de le qualifier de législation.

London, Ontario

L’un des nombreux indices montrant que les Québécois et francophones du Canada parlent en français mais pensent trop souvent en anglais est cette précision inutile pour la ville ontarienne de London. Pensons-y bien. La confusion entre la capitale britannique et cette ville n’existe qu’en anglais, car, dans notre langue, elles sont désignées par deux noms distincts : Londres et London.

Certains feront valoir qu’il est commode de préciser le nom de la province, parce qu’il n’est pas clair pour tous que London est située en Ontario. Peut-être, mais il faut alors se demander si on ferait la même chose avec Peterborough, Niagara Falls, St. Catharines ou Thunder Bay ou Toronto, quant à y être. Cela ne me semble pas si clair.

En tout cas, il faudrait se poser la question avant d’écrire systématiquement London, Ontario.