Le saviez-vous? La succursale des stylos Montblanc à Paris est située au 152 avenue des Champs Élysées. Celle de Montréal est quant à elle située au 1289, boulevard de Maisonneuve Ouest.
Les lecteurs à l’œil averti auront noté une légère différence d’énonciation : l’adresse parisienne se construit sans la virgule, tandis que celle de Montréal en prend une. L’adresse montréalaise suit les prescriptions de la Norme d’adressage de Postes Canada et de l’Office québécois de la langue française.
La virgule
Que vient donc faire cette virgule intempestive? Nul ne le sait. Pourtant, on la recommande dans tous les ouvrages canadiens de typographie; le Multidictionnaire la prescrit aussi.
Pourtant, ce signe de ponctuation ne joue absolument aucun rôle syntaxique. Si on l’omet, comme on le fait en France, il n’y a aucune conséquence. L’adresse se lit tout aussi bien avec elle que sans elle.
Le trait d’union
Un autre élément manque à l’appel dans l’adresse française : le trait d’union. De notre côté de l’Atlantique, il sépare les éléments du spécifique (aussi appelé déterminatif).
Prenons un exemple : une agence immobilière a pignon sur rue au 3 avenue Victor Hugo, à Paris. La même agence, à Québec, verrait son adresse déclinée ainsi : 3, avenue Victor-Hugo. L’adresse dans notre pays est plus compliquée. Le trait d’union sert à indiquer que l’élément déterminatif Victor-Hugo forme un tout; en outre, il s’agit d’une appellation administrative.
Et alors? Est-ce que l’adresse parisienne prête à confusion? Pas du tout. Le lecteur est assez intelligent pour distinguer l’odonyme avenue du déterminatif Victor Hugo.
La préposition de
Lorsque le spécifique est composé de plusieurs éléments, ils sont reliés par trait d’union, ce qui inclut aussi la préposition de.
1993, avenue-des-Canadiens-de-Montréal
Mais les choses se compliquent singulièrement au Canada lorsque le spécifique est un nom de personne contenant une préposition ou un article. Tenez-vous bien, ces éléments ne doivent PAS être suivis d’un trait d’union. Ce qui était assez simple devient déroutant. Regardez ce qui arrive à monseigneur de Laval :
45, rue Monseigneur-De Laval
La préposition est adoubée : la voilà avec la majuscule! Comble de tout, l’appellation composée perd un de ses traits d’union unificateur. On dirait que monseigneur a perdu son Laval en chemin. C’est comme si un cerveau fiévreux s’était ingénié à brouiller les cartes, juste pour entendre les hurlements des usagers de la langue.
Retour en Hexagone. Trouvons une adresse avec préposition ou particule. Le Grand Charles va nous aider.
Vous avez envie de vous évader? Pourquoi ne pas faire un saut à Paris et aller boire un verre au Bar de la Mer (sic)? Son adresse est le 18 avenue Charles de Gaulle. Tout simplement.
À Montréal, la même adresse serait libellée ainsi :
18, avenue Charles-De Gaulle
Conclusion
Les adresses au Canada ont de quoi nous faire perdre le nord. Les boussoles s’affolent en comparant nos graphies avec celles d’outre-Atlantique. Et elles n’ont pas tort, les boussoles.
Pour la France, il faut franchement différencier deux approches :
1. La typo ancienne et éprouvée des éditeurs et imprimeurs qui se rapproche de celle que vous trouvez trop lourde. Elle est bien détaillée dans ce passage de Jean-Pierre Lacroux (ouvrage ????????????????) C’est ma référence pour les ouvrages littéraires. http://www.orthotypographie.fr/volume-II/vehicule-voie_espace_public.html#Voie-et-espace-public.
2. La typographie contraignante des Postes françaises, qui a élagué tous les détails et s’impose comme une norme dans la vie courante.
http://www.orthotypographie.fr/volume-I/accolade-allemand.html#Adresse
Ce dernier article incorpore notamment une discussion sur la raison et l’usage de la virgule et les différentes habitudes en pays francophones.
Merci pour ces références. J’ai feuilleté quelques pages, et les réflexions ou (tentatives de) justifications qu’on y trouve sont très intéressantes. Parfois savoureuses. Je me promets d’y revenir.
Je ne pense pas me tromper en disant qu’on mettait naguère (il n’y a guère) aussi une virgule après le numéro civique en France. C’est la graphie traditionnelle.
De fait, je trouve encore la graphie avec virgule sur Internet (p. ex., http://mdph.doubs.fr/etablissements.html) ou, par exemple, dans les mentions légales des livres imprimés (il y a quelques années) en France.
C’est probablement là aussi sous l’influence de La Poste, pour des raisons de lecture optique, qu’on a supprimé la virgule. D’ailleurs, je crois vaguement me souvenir qu’on nous a demandé à une époque, quand j’étais encore là-bas, de ne plus mettre de virgule dans les adresses sur les enveloppes.
Les annuaires en ligne comme les Pages jaunes ont certainement aussi joué un grand rôle dans l’uniformisation des adresses sans virgule.