Francisons, bon sang !
La préparation d’une série de conférences sur la Russie soviétique m’a amené à constater les disparités dans les sources francophones quant à l’orthographe de certains noms russes.
Certains d’entre eux sont francisés, comme Lénine, qui prend l’accent aigu. Pour d’autres, comme Grigory Ordjonikidze, on omet l’accent aigu, pourtant plus précis, bien que l’on voie de temps à autre Ordjonikidzé. Autre personnage du régime bolchévique, Nikolaï Iejov, parfois écrit Iéjov.
Prenons ce dernier cas. Le prénom est bien translittéré : Nikolaï est le juste reflet de la prononciation russe; le A et le I sont deux lettres distinctes qui se prononcent aïe et non è. Pourtant, le nom de famille Iéjov reçoit souvent un E, que l’on pourrait prononcer comme un E, un É ou un È. Imprécision agaçante.
J’ai déjà discuté de Saint-Pétersbourg, appelée Petrograd (sans accent), avant de devenir Leningrad, toujours sans accent. Illogisme manifeste d’autant plus qu’on a francisé Lénine en le coiffant d’un accent aigu.
Soit dit en passant, l’ancienne capitale impériale est située sur la Neva, qui devrait s’écrire Néva. Francisons ! Bon sang !
Dans un autre article, j’ai parlé des finales en I allongé, que l’on symbolise en français par un Y… Enfin pas toujours. Le flottement le plus évident touche Lev Bronstein, connu sous le nom de Léon Trotsky… du moins chez certains auteurs, car le compagnon de Lénine voit son nom simplifié en Trotski, notamment dans le Larousse.
On observe la même omission pour le maréchal Toukhatchevski. Comme pour Trotsky, son nom russe comporte I allongé en finale : Тухачевский. On devrait donc écrire Toukhatchevsky. Ce que font d’ailleurs les anglophones : Tukhachevsky.
De fait, les noms russes comportant cette finale en I allongé devraient s’écrire avec le Y en français. On aurait donc Dostoïevsky et non Dostoïevski.
Bolchevik
Les communistes radicaux de Russie étaient appelés les bolcheviks. Cette graphie choc, rude comme un coup de canon en 1812… Un peu à l’écart du français, elle a mis du temps à être francisée… jusqu’à un certain point. On a vu apparaitre bolchevique, toujours sans accent. La réforme orthographique de 1990, conspuée par bien des traditionnalistes, nous a donné bolchévique et bolchévisme. Mais une simple consultation des ouvrages et des textes en ligne sur cette idéologie montre clairement que l’usage reste fluctuant, quelque cent ans après la Révolution russe.
Encore plus d’accents aigus!
La problématique de la non-utilisation de l’accent aigu pour les noms étrangers touche bien d’autres toponymes et gentilés, comme je l’ai relaté dans d’autres articles parus dans ce blogue.
Des noms de pays comme Bélarus ou Guatémala gagneraient à être francisés.
Détroit, ville fondée par les Français, mais écrite encore trop souvent à l’anglaise dans les textes de l’Hexagone.
Le nom d’États étasuniens comme la Géorgie et le Névada, peut s’écrire en français
Tous ces flottements illogiques nuisent à l’uniformité du français. Francisons ! Francisons ! Vive l’accent aigu !
Je ne sais pas ce que ça vaut, mais on m’a expliqué un jour que les noms en ski étaient purement russes, alors que les noms en sky étaient juifs, qu’ils s’agissent de russes ou de polonais. Quelqu’un peut confirmer (ou infirmer)?
… ce qui se vérifierait, si cela est fondé, dans le cas de Volodymyr Zelensky, lui-même juif.
J’aurais dû vérifier avant d’écrire. Je viens de chercher si cela était attesté, mais cela ne l’est apparemment pas. Mea culpa.
Vénézuéla, bon dieu!