Les dictionnaires font-ils banqueroute?
On pourrait le penser, car il y a clairement dissonance entre la définition stricte qu’ils donnent au terme banqueroute et l’usage courant.
Tout d’abord un peu d’étymologie. Banqueroute est la traduction calquée de banca rotta. En Italie, le comptoir d’un banquier qui faisait faillite était brisé, d’où l’expression « banc cassé ».
Un peu partout, on traite banqueroute comme un synonyme de faillite. Pourtant, tant le Robert que le Larousse, et d’autres ouvrages, définissent le mot comme une faillite délictueuse.
Il faut consulter le précieux Trésor de la langue française pour lire la définition suivante : « Impossibilité déclarée de faire face à ses engagements et de payer ce qu’on doit. » C’est le vocabulaire du droit qui introduit la notion de délit.
Étrangement, ce détail n’est pas signalé dans les grands ouvrages. Une banqueroute est par définition malhonnête, point à la ligne. Pourtant, dans l’immense majorité des cas, une banqueroute est une faillite.
Et cet usage n’est pas récent, puisque le Trésor signale l’adéquation banqueroute/faillite dès le XIXe siècle. Les grands dictionnaires se cramponnent donc à une définition largement démentie par l’usage.
Un autre cas de « crispation lexicale » dont j’ai déjà parlé : lors de, toujours associée à l’antériorité, alors que l’expression est utilisée pour le futur ou pour des énoncés intemporels.
Signalons, en terminant, que banqueroute a pris la signification d’échec total. D’où la première phrase de cet article…
Votre blogueur prend quelques semaines de vacance en Italie, où il espère ne pas faire banca rotta. Retour en octobre.