Le mot prétention m’est toujours apparu suspect. Les exemples suivants, puisés dans La Presse et Le Devoir alimentaient mes doutes.
Selon les prétentions de la Poursuite…
Le juge Christian Immer a toutefois considérablement réduit leurs prétentions.
Des prétentions juridiques différentes ou opposées.
Une étude qui n’avait aucune prétention scientifique.
Il s’agissait pourtant de remplacer prétention par allégation, affirmation, etc. Aucun doute, le français canadien se vautrait encore dans l’ignoble fange des anglicismes.
Pourtant, une courte vérification dans le Collins sema le doute dans mon esprit. Le mot anglais pretension a le sens d’une affirmation exagérée, le fait de prétendre être quelqu’un de plus important qu’en réalité. Dixit :
1. a pretext or allegation
2. a claim, as to a right, title, distinction, etc.
3. assertion of a claim
4. pretentiousness; ostentation
On n’est plus très loin de la définition que donne le dictionnaire en ligne Usito :
Revendication d’un droit réel ou supposé, d’un privilège jugé mérité.
Par ailleurs, le Robert ne retient pas le sens de simple allégation :
Haute idée que l’on se fait de ses propres capacités. Estime trop grande de soi-même.
Une incursion dans Trésor de la langue française a permis d’isoler la remarque suivante :
Dans quelques textes, prétention prend des valeurs qui se rattachent au sens II de prétendre et tend à signifier « affirmation catégorique, abusive ».
Le mot en l’objet n’est donc pas carrément fautif, mais il me parait s’éloigner du sens traditionnel du terme retenu dans les ouvrages de langue. Le Trésor considère qu’il est marginal de lui attribuer le sens d’allégation ou d’affirmation.
Je dirais que c’est beaucoup une question de régime du mot: outre le sens lié au fait d’être prétentieux, il y a aussi l’idée d’une «prétention à quelque chose», c’est-à-dire le «fait de revendiquer qqch. en vertu d’un droit que l’on affirme, d’un privilège que l’on réclame. → exigence, revendication» (cf. Le Petit Robert).
Je ne pense pas que ce soit attesté pour faire référence au «fait de prétendre quelque chose». Ce ne serait pas illogique, mais l’usage semble en avoir voulu autrement, si l’on se fie aux définitions des dictionnaires de français.
Quant aux dictionnaires bilingues (Collins ou autre), je ne les considère pas comme des sources fiables, car j’y ai vu trop d’erreurs ou d’imprécisions au fil du temps.