La chanson thème du Parti libéral du Canada était une véritable insulte à tous les francophones du pays. Ce couac exaspérant est symbolique à plusieurs égards, mais il est surtout révélateur des périls qui attendent toutes les personnes qui cherchent à s’improviser traducteur.
Il faut reconnaître l’ouverture du groupe The Strumbellas qui a cherché à produire une version française de l’hymne trudeauesque. Le groupe a voulu faire de la traduction, probablement en faisant quelques recherches dans Google Traduction. Le résultat est un monstrueux charabia.
Passons sur la désinvolture sidérante des libéraux qui voulaient conserver ce chant du sink. L’absence de sensibilité de cette formation vis-à-vis de notre langue est renversante, quand on pense que c’est le parti de Trudeau père – j’insiste, Trudeau père – qui a fait adopter la loi sur les langues officielles. Des loustics avancent que c’est Justin lui-même qui a fait la traduction… Ce ne serait pas étonnant, quand on l’écoute parler.
Cet incident met en évidence le statut précaire de la traduction au Canada. Il constitue une démonstration éclatante du danger à s’en remettre à des amateurs qui s’improvisent traducteurs.
Il nous rappelle aussi que des outils de traduction puisés un peu partout peuvent souvent produire une régurgitation putride qu’on pourrait appeler du traduit. Leur faire une confiance aveugle est périlleux. Certains outils donnent de meilleurs résultats que d’autres, certes, mais c’est quand même du traduit. Or, la seule façon de traiter du traduit, c’est de faire appel à des professionnels de la traduction, les seules personnes aptes à décider si ce qui vient de la machine – ou d’amateurs – est acceptable ou pas.
Souhaitons que la chanson charabiesque des libéraux marque les esprits.
Très bien dit. Je te felicites. Continue ton bon travail.
Merci Madeleine.
Direct, sans ambages et en plus, très bien écrit.
Bravo!
Merci, André, et mes sincères félicitations pour ton article empreint de vérité. Nous en avions vraiment besoin en cette année du cinquantenaire de la LLO et en cette période électorale.
Éloquent et excellent!
J’ajoute ma voix à celles des autres commentateurs pour féliciter l’auteur de ce billet. Je ne dirais pas cependant que la traduction est dans une situation précaire au Canada. Bien au contraire, les contraintes de la Lois sur les langues officielles et la Charte de la langue française ont fait et font encore les beaux jours de la traduction dans notre pays.
Le grand piège, comme le dit si bien l’auteur, c’est l’utilisation sans discernement des outils de traduction automatisée que l’on retrouve sur Internet. Il faut absolument faire contrôler le produit final par un traducteur humain.
Cela dit, j’avoue que je suis souvent stupéfait par le travail de Google Traduction et de DeepL Translator. Bien sûr il faut peaufiner le produit final mais lorsque 90% du travail est fait en quelques minutes voire secondes, il faut avouer que ces produits sont venus révolutionner le travail des traducteurs.
Merci mon frère pour cet article. Quelle belle pensée !
Je suis aussi de votre avis en ce qui concerne les traductions françaises, qui sont trop souvent effectuées par des entreprises anglophones utilisant fort probablement des outils en ligne de traduction.
Et comme les demandeurs n’ont pas une connaissance suffisante du français, les résultats sont souvent pitoyables!
Bonjour André,
Très bon billet, comme à l’habitude.
Parlant de « traduit », il y a une formulation que je vois souvent sur les traductions du gouvernement, soit « capacité mondiale » (ou pire, « capacité globale ») pour « global capacity ». Bien que cette traduction me semble acceptable dans un contexte concret du genre « Trois millions de citrouilles, soit x % de la capacité mondiale », elle me chicotte lorsqu’on parle de concepts abstraits.
Par exemple, cette phrase de la Chambre des communes:
« supporting UNFCCC aims for developing countries to improve their capacity for adaptation and strengthening global capacity to build resilience. »
Qui devient:
« appuyer les buts de la CCNUCC relativement aux pays en développement pour améliorer leur capacité d’adaptation; et renforcer la capacité mondiale d’accroître la résilience ».
L’utilisation de « capacité mondiale » dans cet exemple ainsi que dans toutes les situations un peu abstraites me semble maladroite. Pour votre part, y voyez-vous un problème, et si oui, que suggérez-vous en guise de solution?
Merci et bonne journée!
Toute la traduction sent l’anglais à plein nez. Comment peut-on appuyer des buts?
Je dirais: Aider la CNUCC à atteindre ses objectifs pour aider les pays en développement à mieux s’adapter; aider la communauté internationale à accroître la résilience.
La résilience de qui? Pas clair non plus. Souvent, mieux vaut reformuler et ne pas se laisser hypnotiser par les formulations obscures de l’anglais.
Merci d’avoir pris le temps de répondre à ma question!
Effectivement, la traduction de cet extrait laissait à désirer, c’est pourquoi elle a attiré mon attention lorsque je cherchais des exemples d’utilisation de « capacité globale ». Bien entendu, il faut éviter de se laisser trop influencer par l’anglais et la reformulation est de mise.
Je suis encore aux études et je dis dire que c’est l’une des choses qui me pose le plus de problème, je crois: réussir à reformuler les formulations obscures de l’anglais quand le contexte n’est pas toujours clair. J’imagine que l’aisance viendra avec la pratique.
Par curiosité je suis allé voir la version anglaise et la version française tant critiquée de la chanson en question. En fait, il y a deux ou trois lignes qui sont plutôt maladroites. Mais de là à dire un monstrueux charabia, c’est un peu exagéré. Je n’ai vu aucune faute d’orthographe ni de syntaxe. Le choix de quelques mots et la prononciation de «On lève la main haute» laissent à désirer mais ce n’est pas la fin du monde. Et faut-il rappeler, ce n’est pas le parti libéral qui fait ou approuvé la traduction.
Dans cet ordre d’idées, on pouvait lire dans le journal Le devoir du 12 août 2019 un article intitulé Le français malmené au ministère de l’immigration. Il était question d’un document officiel du ministère et truffé de fautes. Mais là on ne peut pas accuser un logiciel de traduction. C’est peut être plus grave. À sa décharge, je ne peux pas dire qu’il s’agissait d’un monstrueux charabia.