Depuis un bon bout de temps, les médias ont aboli les mots débats, discussions, échanges de vues, etc. pour lui substituer le suave conversation. La volonté envahissante de tout atténuer, de ne froisser personne, finit par se répercuter sur le vocabulaire. Que nous le voulions ou non, nous vivons tous dans un safe space médiatique.
Les termes à la mode sont une plaie de la prose journalistique; j’en ai abondamment parlé dans d’autres billets. Dans le cas qui nous occupe, l’influence de la langue américaine est évident.
Le mot conversation n’a pas la même portée que débats ou discussions. Converser, c’est parler de tout et de rien, de manière spontanée, sans nécessairement échanger des points de vue. Dans une conversation, on trottine avec légèreté, on ne court pas le marathon, bien plus exigeant.
Le gouvernement du Québec compte élargir l’accès de l’aide à mourir. Il ne fait nul doute que cette initiative ne suscitera pas l’unanimité et certains s’y opposeront avec véhémence. Le débat pourra être poli, tout en retenue, mais il ne s’agira pas d’une simple conversation.
Une conversation peut cependant aller plus loin qu’un simple entretien. Le terme peut être utilisé comme synonyme de pourparlers. Par exemple, un syndicat peut avoir des conversations avec la partie patronale au sujet de la gestion des horaires. Cependant, si les choses s’enveniment, il ne sera plus question d’une simple conversation mais de discussions voire de débats.
Par conséquent, même si les termes énumérés ci-dessus sont voisins, ils ne sont pas de parfaits synonymes. Une conversation, un bavardage ou un entretien ne sera jamais une vraie discussion.
J’ai eu cette discussion à mon travail. J’ai réussi à faire accepter à mon client le titre « Discussions pancanadiennes » pour « National Conversations ». Outre le sens des mots eux-mêmes, il y a aussi, à mon avis, un aspect culturel à la chose. J’estime assez bien connaître la culture anglophone de l’Ontario et, sans vouloir tomber dans les généralisations, je dirais quand même que, dans la culture anglophone, discuter peut être perçu comme un comportement négatif, une remise en cause de la parole de quelqu’un, un manque de politesse. Dans la culture francophone que je connais, il est normal et même souhaitable de discuter. Cela dit, je sais que les choses changent et que les anglophones de l’Ontario sont parfaitement capables d’échanger aussi des points de vue. Bref, j’espère vraiment ne froisser personne avec mon petit mot, mais plutôt inviter à la réflexion et à la discussion. 🙂
Votre commentaire est très éclairant. Il y a en effet un aspect culturel dans cette histoire qui explique bien des choses. Merci et continuez de me lire.