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Trump : Que va-t-il se passer?

Trump président? Cela paraissait inconcevable il y a quelques mois… et pourtant, le voici propulsé à la Maison-Blanche.

Mais l’exercice du pouvoir pourrait s’avérer beaucoup plus ardu que ne le croit le nouveau président.

La crainte du despotisme

Tout le système politique américain est construit en réaction au despotisme perçu du roi anglais George III qui n’a pas tenu compte des doléances des colons américains. Cela a conduit à la Révolution américaine. Dans le nouveau pays, la crainte de porter au pouvoir un despote est devenue une obsession nationale.

En 1787, les Américains élaborent ce qui est devenu la Constitution des États-Unis. Le premier garde-fou dressé est le Collège électoral. En gros, ce sont des représentants des États qui désignent officiellement le président des États-Unis. Ce sont eux que les électeurs américains choisiront en novembre, car ils ne votent pas directement pour le président.

Le Collège est censé protéger les électeurs contre leur propre étourderie. En théorie, il doit barrer la route à tout candidat qui cherche à devenir un dictateur. Bien entendu, ce filtre est une illusion, car il repose sur le principe que les grands électeurs du Collège seraient plus avisés que la majorité de la population.

Or, les grands électeurs ne sont pas un corps de philosophes, loin de là. Ce sont des personnalités désignées par les partis : de vieux militants, des collecteurs fonds, des personnes bien en vue. Mais certainement pas de grands penseurs. Comme ils sont étiquetés démocrates ou républicains, il est peu probable qu’ils voteront contre leur propre candidat. En fait, certains États interdisent le changement d’allégeance.

Depuis la fondation des États-Unis modernes, en 1787, seul une dizaine ont changé d’avis.

Le Collège électoral ne joue donc pas le rôle qu’on lui a attribué à l’origine.

Un président entravé

Une fois au pouvoir, le président n’est pas au bout de ses peines, tant s’en faut. Tout ce qu’il fait est scruté à la loupe par le Congrès et ce dernier peut lui mettre des bâtons dans les roues et entraver toutes les initiatives qui lui déplaisent.

On aurait tort de comparer le président états-unien au premier ministre canadien. Au risque d’en surprendre quelques-uns, c’est le second qui a plus de pouvoir. En effet, le chef du gouvernement canadien peut faire nommer les sénateurs, les juges à la Cour suprême et choisir les ambassadeurs à peu près comme bon lui semble.

Rien de semblable pour le président américain. Il doit obtenir l’imprimatur du Sénat.

Le système américain repose sur le  jeu de poids et de contrepoids. Personne n’a les coudées franches. Le Congrès surveille tout ce que fait le président, mais ne peut le renverser. Le président peut toutefois opposer son véto à toute loi qu’il juge abusive. La Cour suprême s’assure que la présidence et les parlementaires n’outrepassent pas leurs pouvoirs.

Le président américain n’a rien à voir avec un chef de parti canadien. Il est désigné par une convention, mais n’est pas chef de parti. S’il perd ses élections, il ne revient sous la forme d’un chef de l’opposition. Il s’éclipse.

Il a donc relativement peu d’ascendant sur les membres du Congrès. Ces derniers siègent parfois depuis de longues années et ne doivent rien au président nouvellement élu. En plus, la discipline de vote telle qu’on la connaît au Canada n’existe pas. Le président ne jouit pas d’une majorité asservie qui vote automatiquement pour lui à tout coup.

Au Congrès, les majorités se font et se défont à chaque vote. Des républicains voteront contre le président Trump et des démocrates pourront l’appuyer dans certains cas. Le président Trump devra donc continuellement négocier avec le Congrès pour que ses initiatives deviennent force de loi. Il risque de trouver cela très difficile. Pas question de mettre à la porte les représentants et les sénateurs… En effet, le président ne peut dissoudre le Congrès. Il doit vivre avec…

De plus, l’un des rôles du Congrès est justement de surveiller tout ce que fait le président. Ce dernier n’a pas les coudées franches, bien au contraire.

Pour compliquer les choses, un président ne peut présenter directement de projet de loi, car il ne siège pas au Congrès. Certains parlementaires pourront le faire en son nom. Mais, par la suite, rien n’est gagné d’avance.

Le Congrès pourra défaire le projet de loi présidentiel. Le chef d’État n’est pas tenu de démissionner et la vie continue.

Le Congrès peut non seulement contrecarrer les initiatives présidentielles, mais s’opposer systématiquement à lui. On l’a vu clairement avec le président Obama, incapable de faire adopter une législation plus restrictive dans le commerce des armes à feu.

Le Congrès exerce surtout un rôle de surveillance. Un président qui essaierait de le bousculer, de lui forcer la main sans arrêt, se heurterait à une farouche opposition.

Le vieux réflexe américain de se méfier de tout pouvoir absolu pourrait bien jouer.

Un éventuel président Trump qui chercherait à aller trop loin en ne respectant pas les limites strictes de son pouvoir, en refusant de tenir compte du Congrès et en essayant de gouverner par décret déclencherait une crise. Il pourrait voir le Congrès se dresser contre lui et le destituer.

Destitution du président

Les pères de la Constitution de 1787 ont voulu s’assurer que jamais un président ne puisse intimider le Congrès pour le forcer à adopter des lois abusives. La Constitution prévoit une procédure en destitution appelée impeachment. Elle permet la mise en accusation du président s’il est formellement accusé de crime grave (high crime) et de délit (misdemeanor).

Ce sont là deux termes très vagues, soit, mais les parlementaires n’hésiteraient pas à qualifier de crime grave, voire de trahison, toute action d’un président qui pencherait vers une forme ou une autre de pouvoir personnel.

Qu’arriverait-il? La destitution, tout simplement.

Dans ce processus complexe, la Chambre des représentants peut adopter un acte d’accusation appelé Bill of Impeachement. Celui-ci énonce des chefs d’accusation. La Chambre passe le relai au Sénat qui se prononce sur les chefs d’accusation. Si l’un d’entre eux est retenu à la majorité des deux tiers, le président est destitué.

Cela n’est jamais arrivé. Nixon n’a jamais été destitué, mais les représentants avaient décidé de le mettre en accusation. Il a préféré démissionner.

Il est bien sûr trop tôt pour prédire un tel scénario. Mais il est très clair que tout politicien qui entend jouer au matamore une fois rendu à la Maison-Blanche se heurtera très vite à l’ensemble de la classe politique américaine. Et la possibilité que les tribunaux s’en mêlent est aussi très réelle.

En fin de compte, l’élection de Trump pourrait constituer un test capital et révélateur de la solidité des institutions américaines.

Géorgie ou Georgie?

Comme tout le monde le sait, l’État américain de Georgie s’écrit sans accent, tandis que le pays caucasien Géorgie prend l’accent. C’est d’ailleurs la meilleure façon de les distinguer, sur le plan de la graphie.

Malheureusement, il s’agit d’un mythe. On écrit Géorgie tant pour l’État américain que pour le pays du Caucase. Que le nom de l’État américain dérive de celui d’un roi anglais appelé George (sans accent) ne change rien.

Dans les deux cas, on a tout simplement francisé le nom en lui donnant un accent aigu. D’ailleurs, les dictionnaires le confirment.

Soit dit en passant, bon nombre de pays voient leur nom francisé : Éthiopie, Inde, Mongolie. La Géorgie du Caucase fait partie de ce groupe. (Son nom en géorgien est Saqartvelo.) D’autres, au contraire, gardent le même nom, comme le Bangladesh.

Le Géorgie rejoint un certain nombre d’États américains dont  le nom a été traduit en français : la Californie, le Nouveau-Mexique, la Floride, entre autres.

Les cas de polysémie dans les toponymes sont plutôt rares. On peut penser à la Macédoine, région de la Grèce, mais aussi ex-république yougoslave devenue souveraine en 1993. Suite aux protestations du gouvernement hellénique, cette dernière a pris le nom de Macédoine du Nord.

Les institutions américaines

Dans des articles précédents, je me suis penché sur les expressions Amérique et Américain ainsi que sur États-Uniens. J’y faisais état de l’influence de nos voisins du sud sur la langue française.

On oublie souvent que le vocabulaire politique américain a aussi déteint sur notre langue; c’est ce qu’on appelle des américanismes. Certains d’entre eux sont passés dans les dictionnaires.

État des lieux

On lit constamment dans les médias l’expression l’administration américaine, l’administration Trump-Pence, bien qu’on parle très peu du vice-président. Le fait de désigner un gouvernement sous le vocable d’administration est clairement un anglicisme. Bien entendu, il est tout à fait correct de parler de l’administration publique en général, mais, en français, un gouvernement est un gouvernement.

Autre anglicisme qui a la cote : la convention républicaine, démocrate. Il s’agit plutôt d’un congrès. Mais là encore, l’expression est passée dans les dictionnaires.

Parlant de congrès, comment ne pas souligner que le Parlement des États-Unis s’appelle justement le Congrès? Il est divisé en deux chambres : la Chambre des représentants et le Sénat. Quant au président, il réside à la Maison-Blanche.

Un faux raisonnement

La grande question qui se pose, lorsqu’on traite des États-Unis, est la traduction des noms d’organismes officiels. On entend souvent le raisonnement suivant : il ne faut pas traduire ces noms parce que le français n’est pas langue officielle aux États-Unis. Voilà un raisonnement spécieux qui ne tient pas la route, quand on y pense bien. Tous les noms mentionnés ci-dessus sont des traductions officieuses; traductions essentielles, parce qu’autrement il faudrait parler de la White House, du American Congress, du president of the United States…

Le français n’est pas non plus la langue officielle du Japon. Faudrait-il énoncer les noms de partis japonais, les termes premier ministre, empereur en langue nipponne, sous prétexte qu’il n’existe aucune traduction officielle? On voit bien que ça ne fonctionne pas. Depuis des siècles, nous utilisons des traductions officieuses pour décrire les réalités étrangères. Et cela vaut pour les États-Unis.

Revenons à notre question : faut-il traduire les noms d’organismes américains. Oui certes, mais il faut tenir compte de l’usage. Certains d’entre eux se traduisent couramment : les Centres de contrôle et de prévention des maladies; la Réserve fédérale américaine; le Bureau du représentant américain au commerce.

Par contre, d’autres expressions restent en anglais : l’inénarrable Surgeon General, une sorte de directeur général de la santé. On pourrait aussi penser à l’Office of Management Budget, qui est un peu le Conseil du Trésor de nos voisins.

De fait, la majorité des noms d’organismes états-uniens restent en anglais. Les exceptions sont généralement bien connues.

Certains noms s’énoncent avec des sigles, eux aussi bien connus. Pensons à la CIA, au FBI et à la NASA. Ces organismes voient parfois leur appellation traduite de manière approximative : l’Agence spatiale américaine, la Police fédérale, l’Agence (centrale) de renseignement.

Et les majuscules?

Se pose la question des majuscules. J’entends souvent dans mes salles de cour la réflexion suivante : « Il ne faut pas mettre la majuscule à ces noms, parce qu’ils ne sont pas officiels. » Faux raisonnement, encore une fois. Procédons par l’absurde : le congrès américain, le parti démocrate, la maison blanche…

Ces exemples suffisent, je crois.

Il est pratique courante, en français, de mettre la majuscule initiale aux noms d’institutions. S’abstenir de le faire pour les organismes étrangers revient à créer deux catégories d’appellations, ce qui nous place parfois devant des choix difficiles, et nuit à l’uniformité des textes.

Pour une fois, faisons les choses simplement.

Les noms de lieu aux États-Unis

Pour les vacances, beaucoup prendront la route de l’Amérique des États-Unis. De la toponymie en Amérique… petit divertissement pour langagiers en goguette.

Lorsque j’ai rédigé un lexique sur les noms géographiques, j’ai vite constaté que la traduction des noms de lieux n’avait rien de logique. Bien entendu, on a traduit en français les toponymes des pays voisins de la France, soit l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique… mais pas l’Angleterre, pour cause de guerre de Cents Ans, probablement. À part Londres et Édimbourg, les grandes villes britanniques restent telles quelles : Manchester, Birmingham, Liverpool, Glasgow… Même les noms de régions font l’objet de bien peu d’attention.

Le même phénomène s’observe aux États-Unis. Petite question : quelles sont les deux seules villes dont le nom est traduit en français?

La réponse ne vient pas spontanément, n’est-ce pas? Philadelphie et La Nouvelle-Orléans.

Deux autres villes possédaient des graphies francisées : New-York et Détroit. La première a perdu son trait d’union, tandis que l’autre a été dépouillée de son accent aigu. Très fâchant, soit dit entre nous, car Détroit porte un nom français, parce que fondée par les Français. Voir mon article à ce sujet.

Nos cousins ont exploré une bonne partie du territoire états-unien : personne n’a oublié que la Louisiane a été vendue par Napoléon; le ville de Saint Louis a été baptisée en l’honneur d’un roi de France, même si sa graphie a été anglicisée. D’ailleurs, le pays regorge de toponymes français : Juneau, Pierre, Racine, Providence, Maine, Vermont, etc. Soit dit en passant, certains noms semblent provenir du français, mais il n’en est rien. Ce sont des formes francisées de noms amérindiens; un bel exemple : l’Illinois. Ces mots sont aujourd’hui prononcés à l’anglaise, bien entendu, mais on ne peut les considérer comme des traductions.

Car traductions il y a. Notamment les noms d’États, Californie, Floride, Pennsylvanie, Nouveau-Mexique… Ici apparaît une première incongruité : pourquoi n’a-t-on jamais traduit New Jersey et New Hampshire? Il aurait été tout aussi facile de les transposer en français que pour des noms comme la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Dakota du Nord, le Dakota du Sud.

Deuxième incongruité, celle-là toute québécoise, la prononciation des nasales inexistantes dans Wisconsin, Michigan, et Boston, que nos cousins européens s’escriment à prononcer à l’anglaise, dans la mesure de leurs moyens… Wisconnesinne, Michiganne et Bostonne… Pourtant, Houston, Oakland ne subissent pas de semblables altérations au Canada; on les prononce à l’anglaise. Pourquoi les trois premiers, mais pas les deux derniers? Mystère. En revanche, les Européens francophones prononceront la nasale dans Clivelande… pour Cleveland, cette fois-ci prononcé correctement par les francophones canadiens.

Morale de cette histoire : ne pas chercher de logique. L’usage est un méandre irrationnel et malheureusement incontrôlable.

Le plus amusant, dans tout cela, c’est qu’un plus grand nombre de toponymes états-uniens ont finalement été traduits en français que de toponymes britanniques. Il faut dire qu’il existe une relation de complicité entre la France et les États-Unis qui peut expliquer ce phénomène.

États-Uniens ou Américains?

Tout le monde s’entend pour dire que le terme Américains, pour désigner les habitants des États-Unis, est une impropriété, dans la mesure où son sens véritable qualifie les habitants de l’Amérique, vue en tant que continent et non de pays.

L’usage en a cependant décidé autrement. Dès la naissance des États-Unis, la question du nom des habitants s’est posée avec acuité, car, quand on y songe bien, il est difficile de construire un nom d’habitants avec un terme qui décrit le régime politique d’un pays. Habituellement, un pays possède un nom propre. Les colons se sont donc rabattus sur le nom du continent, pour le meilleur et surtout le pire….

À défaut de mieux, Americans s’est donc implanté, tout comme le mot America qui en est venu à désigner le pays, au lieu du continent. De fait, nos voisins du Sud utilisent America au sens de continent uniquement quand ils parlent de la « découverte » de l’Amérique par Christophe Colomb; autrement, America est le nom de leur pays, point à la ligne et coup de pistolet au plafond.

L’erreur a fini par déborder sur d’autres langues, dont le français. Et certains ont également fini par se révolter, à bon droit.

L’expression États-Uniens, ou Étasuniens ou Étazuniens, est apparue en français en 1955, si l’on se fie au Petit Robert. Contrairement à ce que l’on peut croire, états-unien employé comme gentilé ou comme adjectif n’a rien de saugrenu ou de péjoratif, bien au contraire. On peut le voir régulièrement dans certains médias, dont Le Devoir, dans lequel il remplace avantageusement américain.

Il ne faut donc pas hésiter à l’employer.