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Délai ou retard?

S’il est un faux-ami qui a la vie dure, particulièrement dans les médias, c’est bien délai. Le mot est le plus souvent employé dans le sens de retard, ce qui est son sens en anglais.

Il y a plusieurs délais à l’aéroport à cause de la tempête. On prévoit des délais dans la construction de cet immeuble.

En passant, si délai signifiait vraiment retard, il faudrait dire que les vols ont été délayés… On voit bien que ça ne colle pas. Dans les cas précités, le locuteur pense en anglais, car il faudrait parler de retard, et non de délai.

Mais qu’est-ce qu’un délai? Rien d’autre qu’une période de temps comportant une échéance à respecter.

Un truc pour faire la différence entre délai et retard : le retard commence là où le délai finit. Vous aviez un délai, vous ne l’avez pas respecté, vous êtes en retard.

Un délai peut aussi être une prolongation de temps accordée pour faire quelque chose. Le Petit Robert donne les exemples suivants : Demander, donner, accorder, prolonger, proroger, refuser un délai . Se donner un délai pour décider d’une chose ; s’accorder des délais par paresse : renvoyer, remettre au lendemain, retarder. Délai de réflexion.

En clair, vous aviez un délai de dix jours, vous ne l’avez pas respecté, donc vous êtes en retard. Votre client vous accorde un nouveau délai, donc une prolongation.

Le Trésor de la langue française précise qu’un délai peut être un « Ajournement, atermoiement, retard. Le moindre délai à la réalisation d’un de ses désirs, devenait pour lui une véritable torture. » C’est Zola que l’on cite.

Les dictionnaires courants ne mentionnent pas ce sens, qui semble être tombé en désuétude en Europe. Chose certaine, les auteurs d’ici ne s’inspirent pas de Zola quand ils voient des délais partout.

Juridiction

Encore un média qui écrit ce matin que le Québec est une juridiction.

Encore cet anglicisme grossier, ce faux ami qui nous envahit sous l’influence de l’anglais.

Or, un État ne peut être une juridiction.

Ce mot relève strictement du domaine judiciaire. Il désigne le domaine de compétence d’un tribunal ou encore un tribunal tout court. Par exemple, La Cour suprême est la plus haute juridiction du pays. La Cour d’appel fédérale a juridiction dans le domaine de l’immigration.

Le mot juridiction devient erroné lorsqu’il est employé pour désigner une autorité administrative, comme un État, un gouvernement. Il s’agit d’un anglicisme.

Sur le plan constitutionnel, les gouvernements ont des compétences, et non des juridictions. Ces compétences leur sont attribuées par la Constitution canadienne. Le terme juridiction ne peut être employé dans ce contexte, car il est lié au domaine judiciaire et les gouvernements ne sont pas des tribunaux.

Voici quelques exemples de phrases erronées :

  • Le Québec et d’autres juridictions s’opposent aux intrusions fédérales dans le domaine de l’éducation.
  • La santé est de juridiction provinciale.

Dans le contexte canadien, juridiction est souvent employé à tort pour désigner les provinces et les territoires. Le mot juridiction n’a pas sa place dans ces cas, parce que provinces et territoires ne sont pas des entités juridiques.

On pourrait dire que la santé relève des provinces, est du ressort des provinces.

Deux conclusions s’imposent : 1) Une juridiction est donc un tribunal, pas un gouvernement. 2) Les États fédératifs, provinces, cantons, Länder allemands n’ont pas de juridictions, mais des pouvoirs, des compétences. Ils ont autorité dans tel domaine, et non pas juridiction.