L’expression a mauvaise presse. Elle serait un calque de l’anglais through. Il faut l’éviter à tout prix. On serait tenté de dire que à travers à elle seule est une légende urbaine en soi.
Peut-on voyager à travers le Canada ?
Peut-on passer à travers une épreuve?
Peut-on passer à travers une pile de livres?
Grossiers anglicismes que tout cela? Voyons voir.
La définition la plus courante de l’expression est de traverser une chose dans toute sa longueur ou son épaisseur. On pense à une balle de pistolet qui passe à travers un mur. L’expression sœur passer au travers de quelque chose a un sens semblable, soit de passer d’un bout à l’autre, de part en part.
Voyager à travers le Canada
Prenons le premier exemple. On peut effectivement voyager à travers le Canada. Les grands dictionnaires donnent des exemples dans ce sens. La plus intéressante vient du Trésor de la langue française : « En parcourant, en franchissant, en pénétrant quelque chose. » Parmi les exemples cités : « Marcher à travers un jardin. »
Le Petit Robert, de son côté, parle de voyager à travers le monde entier. Un coup d’œil au Multidictionnaire et au Dictionnaire des anglicismes, de Colpron, ne permet pas de trouver quelque condamnation que ce soit.
Une conclusion s’impose : voyager à travers le Canada n’est PAS un anglicisme. Un vrai anglicisme serait de parler à travers son chapeau. Parler à tort et à travers serait plus français.
Passer à travers une épreuve
On croit discerner l’ombre menaçante de l’anglais pass through an ordeal. De fait, il serait plus exact de dire passer au travers d’une épreuve. En effet, la locution passer au travers peut avoir le sens de « échapper à un danger à quelque chose de fâcheux », selon le Robert. Ici, c’est l’idée de se faufiler, d’éviter les obstacles, qui prime.
Certains feront valoir qu’une personne peut avoir fait face aux évènements, alors qu’au travers évoque l’idée de se défiler.
Passer à travers une pile de livres
Rien n’est moins sûr dans ce cas-ci. Les ouvrages ne donnent aucun exemple probant qui irait dans ce sens. Bien sûr, on pourrait se cramponner à la définition originale de « un bout à l’autre, de part en part » figurant dans le Trésor et décider de donner un sens figuré à cette expression. Donc, lire sa pile de livres d’un bout à l’autre.
Toutefois, ce ne serait pas une bonne idée de dire passer au travers d’une pile de livres. L’expression au travers recèle la notion d’obstacles, de danger.
Comme on le voit, la crainte de commettre un anglicisme peut parfois nous pousser vers un purisme excessif.
En lisant vos articles sur les fautes de traduction, je suis tombé sur ceci (à propos de l’expression « à travers » :
Le Petit Robert, de son côté, parle de voyager à travers le monde entier. Un coup d’œil au Multidictionnaire et au Dictionnaire des anglicismes, de Colpron, ne permet pas de trouver quelque condamnation que ce soit.
Mon Colpron (4e édition, p. 366) dit le contraire. Qui dit vrai?
Cette locution est passée dans l’usage à un point tel qu’elle n’est plus considérée comme un anglicisme. C’est le cas aussi de drastique, informel, jadis condamnés, mais maintenant acceptés.
Sans oublier le verbe « réaliser » dans le sens d’une prise de conscience.