Français aérien

Dans un billet précédent, je vous avais parlé de la charmante Karine de Falchi, l’hôtesse pimpante de la chaine Air Exxion, dans Facebook.

Les billets égrillards, mais informatifs, de Karine nous éclairent sur divers aspects du monde de l’aviation.

Ces billets sont souvent ponctués d’anglicismes, dont la plupart pourraient facilement être traduits en français, si seulement on en avait la volonté. Là encore, différence de vocabulaire entre la France et le Québec. Et les topos de Karine le montrent bien.

Des anglicismes communs

Certains anglicismes se voient aussi au Québec. En voici quelques-uns.

Le pilote et son copilote travaillent dans un cockpit, que l’on pourrait traduire par poste de pilotage. Mais, avouons-le, cette expression est rare au Canada français.

Autre anglicisme commun, les terminaux. On voit certes aérogares, mais l’anglicisme s’est bien intégré au français.

Des anglicismes inusités en Amérique francophone

Le plus fréquent est crash, un écrasement d’avion. L’enthousiasme des locuteurs européens lui a donné des ailes et il est devenu verbe : « L’avion s’est crashé en banlieue de la ville. » Le verbe écraser semble devenu désuet.

Les voyageurs en classe business ont peut-être plus de chance de s’en tirer. Au Canada, les plus fortunés voyagent en classe affaires.

Les aéroports ont tous des boutiques duty free, c’est-à-dire des boutiques hors-taxe.

Depuis un bon bout de temps, les compagnies dites low cost font partie du paysage. Ici, on dit des transporteurs à rabais. Le Robert suggère à bas prix.

Les voyageurs chercheront des trucs pour se protéger du jetlag, c’est-à-dire du décalage horaire, comme le propose l’Office québécois de la langue française.

Et les petits derniers

Dans une de ses dernières vidéos, Karine nous parle des stop-overs, ces escales de plus longue durée. Vous atterrissez à Istanbul, y passez la nuit et visitez la ville, avant de reprendre un autre vol pour Dubaï. Il s’agit en fait d’une longue escale, d’une escale allongée.

Les agents welcome, vous connaissez? Ce sont des agents qui vous accueillent à l’aéroport. Pourtant facile à traduire : les agents d’accueil.

Conclusion

Karine de Falchi ne lira probablement ce billet. Si elle le faisait, elle serait surement irritée. Ses anglicismes témoignent d’un engouement envers l’anglais que l’on voit sans cesse en France et ailleurs en Europe. Elle n’est pas seule à blâmer; elle suit la tendance avec la fougue de sa jeunesse.

Je vous recommande quand même d’écouter ses vidéos qui sont une mine de renseignements.

Finaliser

Finaliser constitue un parfait exemple d’intégration d’un anglicisme dans notre langue. On jurerait qu’il s’agit d’un mot authentiquement français, ce qui n’est pas le cas.

Origine et définition

Le mot vient de final, on s’en doute. L’anglicisme finaliser serait apparu en 1936, si l’on en croit le Robert, qui définit ce mot ainsi : « Mettre au point de manière détaillée; présenter sous sa forme quasi définitive. »

On finalisera un projet, une proposition.

Finaliser s’est bien intégré parce qu’il ne heurte pas les règles d’écriture du français, contrairement à shampoing et thriller (prononcé srilère en Europe francophone). Bref, aucun problème à le lire ou à le prononcer. Comme on dit au Québec, on ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis.

Synonymes

Certains voudront éviter finaliser, soit parce qu’il s’agit d’une importation états-unienne, soit parce qu’ils cherchent une figure de style plus relevée.

À ceux-là je propose les mots suivants : mettre au point; mettre la dernière main à; terminer, achever.

On pourrait penser aussi à parfaire.

Finaliser nous rappelle une petite vérité trop souvent oubliée, à savoir que le français possède suffisamment de ressources pour déjouer bien des emprunts à l’anglais.

Escalader

Les médias canadiens semblent avoir bien du mal avec le verbe escalader. Le conflit entre l’Iran et Israël en est une belle preuve. Certains scribes se demandent si cette guerre va « escalader », si l’État hébreu va « escalader » ses attaques contre la république islamique.

Toute personne qui maitrise un tant soit peu le français se rend bien compte qu’il y a ici une dégringolade du français, et non une escalade…

Dans mes jeunes années à Radio-Canada, un reporter disait que les postiers allaient « escalader » les moyens de pression.

Bref, encore une petite incursion de l’anglais dans nos terres. En anglais, escalate signifie qu’une chose augmente en intensité.

Définitions

Le Larousse est clair : « Gravir quelque chose avec effort, par ses propres moyens, pour atteindre le sommet ou passer par-dessus : Escalader un talus. »

Donc, on escalade quelque chose, un obstacle, pour passer par-dessus. Il ne saurait être question de pousser un objet vers le haut. On passe par-dessus lui, on le gravit.

En conséquence, Israël ne peut pas « escalader » les attaques, il peut les intensifier. Le conflit peut s’étendre, prendre de l’ampleur.

Bromance

La rupture tonitruante entre le président états-unien et son ange de la mort, Elon Musk, met en évidence le terme bromance, largement utilisé dans les médias. Bien entendu, aucun effort de traduction, de ce côté-ci de l’Atlantique comme en Europe.

Il s’agit (d’un autre) mot-valise de l’anglais, issu de brother et de romance. Donc, une idylle entre frères, sans connotation sexuelle.

Le terme se voit dans d’autres sphères que la politique. Dans le merveilleux monde du tennis, on a évoqué une bromance entre Nick Kyrgios et Nolan Djokovic, lorsqu’ils se sont affrontés en finale de Winbledon. Les deux hommes se détestaient mais ont appris à se connaitre en s’affrontant pour le championnat.

Bromance n’est pas simple à traduire, car le français est moins friand de mots-valises que l’anglais. Les solutions suivantes sont néanmoins envisageables.

  • Amitié virile
  • Copinage
  • Belle amitié
  • Amitié fraternelle
  • Complicité fraternelle
  • Relation étroite

Malheureusement, notre paresse collective et la fascination envers l’anglais auront probablement le dessus sur toutes les suggestions, si créatives soient-elles.