L’écriture et la traduction des noms d’universités peut être source d’embêtements multiples pour les langagiers.
Majuscule ou minuscules?
Un problème qui se pose souvent en français. Tout naturellement, nous avons tendance à écrire Université Laval, Université de la Colombie-Britannique avec la majuscule au générique Université, car ce sont là, après tout, des noms d’organisations.
On constate toutefois que dans bien des textes émanant d’Europe ou d’ailleurs le générique ne prend pas toujours la majuscule, surtout dans les appellations étrangères. On verra par exemple :
L’université de Grenade, mais l’Université de Grenoble
Pis encore, j’ai lu récemment l’université de Lyon. Il semble donc que la règle n’est pas claire pour tous les francophones. Certains d’entre eux reportent aux noms d’universités la frilosité très française quant à l’utilisation de la majuscule.
Si on accepte la règle sous-jacente de garder la majuscule initiale aux noms d’universités françaises, il devient absurde d’énoncer le nom des universités étrangères en minuscule, ce qui nous conduit à un manque flagrant d’uniformité. Une université étrangère est autant une organisation qu’une université française, belge ou canadienne.
D’autres feront valoir que l’université de Grenade est un nom traduit, ce qui expliquerait la minuscule initiale. Je pense que cette position est indéfendable, comme je l’expliquerai ci-dessous.
Conclusion : il faut écrire Université avec la majuscule initiale.
Énonciation
Le générique Université est suivi du partitif de lorsqu’il précède un toponyme.
L’Université de Montréal, l’Université d’Oxford, l’Université de Tokyo
Une erreur courante consiste à faire l’apposition du toponyme et du générique, comme dans Université Oxford. C’est UNE FAUTE. Il s’agit d’une énonciation à l’anglaise.
En fait, il y a apposition uniquement lorsque l’élément qui suit le générique n’est pas un toponyme; le partitif de disparait alors.
L’Université McGill, l’Université Simon Fraser, l’Université Humboldt à Berlin
Traduction
La grande question que se pose inévitablement toute personne appelée à rédiger un texte sur les réalités étrangères est la suivante : ai-je le droit de traduire les noms des organisations étrangères, particulièrement ceux des universités?
La réponse est très simple : OUI. Parce que nous traduisons couramment le nom d’organisations politiques étrangères et que personne n’y voit de problème.
Pensons aux organismes politiques. Le Parlement du Japon s’appelle la Diète. Vous viendrait-il à l’idée de l’écrire en japonais? Qui vous comprendrait, sauf les Nippons? Selon la même logique, nous écrivons les Centres de contrôle et de prévention des maladies, le ministère des Affaires étrangères de Pologne, l’Agence suédoise de développement et de coopération internationale.
Nous n’avons guère le choix, autrement il nous faudrait lire dans nos textes les appellations suivantes : Centers for Disease Control and Prevention, Ministerstwo Spraw Zagranicznych, Styrelsen för Internationellt Utvecklingssamarbete.
Puisque nous traduisons déjà les noms d’autres organisations étrangères, pourquoi faudrait-il s’abstenir pour les noms d’universités étrangères?
Dans un texte, on écrira sans honte l’Université de Helsinki et non l’indéchiffrable Helsingin Yliopisto. Je pense que cet exemple est suffisamment éloquent pour que la question soit tranchée.
Pourtant, j’ai souvent répondu aux questions suivantes lorsque je travaillais au Bureau de la traduction.
- Ces traductions ne sont pas officielles en français. C’est vrai; et puis après? Comme je l’ai indiqué, on traduit déjà, et depuis longtemps, les noms officiels d’autres organisations étrangères.
- Ne serait-il pas plus prudent de conserver le nom anglais du texte que je traduis?
S’il s’agit d’une université d’un pays non anglophone, le fait de garder le titre anglais revient à traiter le français comme une langue inférieure.
Je m’explique. Prenons l’Université d’Oslo, appelée en norvégien Universitetet i Oslo. Cette appellation a été traduite dans votre texte anglais par University of Oslo. Serait-il vraiment acceptable de garder ce titre en français, alors qu’il s’agit d’une traduction vers l’anglais? Si on traduit vers l’anglais, et que cette traduction n’a rien d’officiel dans cette langue, pour quelle raison au juste faudrait-il être plus prudent en français?
Certains objecteront que, pourtant, on conserve certains titres américains.
Appellations hors norme et des États-Unis
Un premier point à établir : Doit-on traduire tous les noms? NON.
Le nom des institutions américaines n’est pas toujours traduit. Certaines bien connues le sont : le Congrès et ses deux chambres, la Maison-Blanche et Garde nationale, la Réserve fédérale. D’autres, au contraire, voient leur nom décliné en anglais. Pensons au FBI, à la CIA, à la Food and Drug Administration.
Il n’y a ni règle ni logique ici, seulement l’usage, cet ivrogne qui s’accroche aux réverbères quand il titube un peu trop.
Alors, nous verrons l’Université de la Californie à Los Angeles, mais le Massachusetts Institute of Technology, entre autres. Il serait possible de traduire cette dernière appellation par l’Institut de technologie du Massachusetts et ce titre serait parfaitement valable. L’ennui étant que cette traduction est peu courante. Toutefois le langagier qui souhaiterait recourir au français pour être plus clair ne saurait être blâmé, à mon humble avis.
Il en va autrement pour d’autres appellations moins limpides. Par exemple le Boston College. La traduction le Collège de Boston suscite un malaise, parce qu’en français un collège n’est habituellement pas une institution universitaire.
On peut également penser à la London School of Economics, bien connue sous ce nom. Là encore, une traduction vers le français semblerait un peu forcée.
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