Écrire et traduire les adresses

Tout le monde se pose la question : faut-il traduire les adresses canadiennes? Il serait à la fois simple et tentant de dire oui, puisque le Canada possède deux langues officielles, mais nous devinons tous que ce n’est pas aussi simple. Le guide de Poste Canada donne certaines indications à ce sujet.

Il faut tout simplement utiliser son gros bon sens et se demander qui lira chacune des parties de l’adresse.

Par exemple, j’envoie une correspondance en Saskatchewan, province qui compte un faible nombre de francophones. Il va de soi que je ne traduirai pas les termes génériques comme street, building, etc. Toutefois, si je m’adresse à un organisme où le français a droit de cité, il devient envisageable que certaines composantes de l’adresse soient dans notre langue. Ainsi :

Mr. John Snow

Agricultural Industry Services

Department of Agriculture and Agri-Food

21 Harvest Drive

Saskatoon, Saskatchewan  S1P 6L3

Se traduit de la manière suivante :

Mr. John Snow

Services à l’industrie agricole

Ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire

21 Harvest Drive

Saskatoon (Saskatchewan)  S1P 6L3

Nous obtenons donc une adresse hybride. À la première ligne, nous nous adressons à John Snow en employant le titre de civilité anglais, par respect. Les deuxième et troisième lignes constituent la traduction officielle du nom du service et du ministère. La quatrième ligne, l’adresse comme telle, sera lue par le postier et le facteur; peu de chance que ces deux personnes comprennent le français. De toute manière, Saskatoon n’a pas le français comme seconde langue officielle : il est donc vain de traduire.

La situation est différente lorsque la lettre est envoyée au Nouveau-Brunswick, province officiellement bilingue. On pourra alors traduire l’adresse au complet, y compris le nom des rues.

À ce sujet, une remarque s’impose. Certains génériques comme street, boulevard, road, drive se traduisent. Il faut cependant se garder d’en faire autant avec les éléments spécifiques. Par exemple, Nightingale Road ne peut être rendu par chemin des Rossignols; il faudra plutôt écrire chemin Nightingale.

Revenons à notre question initiale : faut-il traduire les adresses canadiennes? Oui, mais dans les régions où habitent une forte concentration de francophones. On peut alors considérer que le facteur qui y distribue le courrier peut lire les adresses en français. Ce sera le cas dans l’est ontarien, notamment, à Saint-Boniface au Manitoba et dans d’autres localités francophones de cette province. Il en sera de même dans les Maritimes et ailleurs au Canada, toujours lorsque s’y trouve une masse critique de francophones.

Comment ne pas parler de la capitale canadienne? Bien que non officiellement bilingue, Ottawa propose un affichage dans les deux langues officielles. Les affiches de noms de rue y sont libellées en anglais et en français, de sorte que certains noms composés d’adjectifs ordinaux sont entièrement traduits : Second Street devient Deuxième Rue.
Sur ces affiches, on peut lire rue Laurier Street.

 Anglicismes à éviter

 Les pièges sont nombreux, sachons les reconnaître.

  • Numéro civique est un calque et se dit numéro de rue, de porte ou numéro tout court.
  • Cinquième plancher est un autre calque; dire plutôt cinquième étage.
  • L’abréviation apt. devrait s’écrire app., de même, blvd. doit être remplacé par boul. Et avenue s’abrège av. dans notre langue, et non ave.
  • Une suite est une chambre d’hôtel luxueuse, pas un bureau.
  • Une station « N » n’est rien d’autre qu’une succursale N — sans guillemets.
  • Enfin, un courrier n’est jamais enregistré, il est recommandé.

Écriture des adresses

L’anglais et le français énoncent les éléments de la suscription de façon différente.

Tout d’abord, notons que le numéro de porte est suivi de la virgule dans notre langue. Cette virgule ne joue aucun rôle syntaxique : elle ressemble à une mouche perdue sur l’enveloppe. Il convient de noter, d’ailleurs, que les francophones européens ne l’utilisent presque plus. En outre, le guide précité de Poste Canada n’en met pas dans les exemples qu’il affiche.

Ensuite, les génériques désignant le type de voie de circulation, comme rue, avenue, chemin, rang, etc., s’écrivent avec la minuscule initiale. Ainsi en va-t-il avec les termes suivants : étage, pièce, bureau, tour, complexe, immeuble, etc. Ils prendront la majuscule uniquement s’ils sont inscrits en début de ligne.

Le point cardinal, lui, peut s’abréger; on l’écrit toujours avec la majuscule initiale.

Lorsque l’élément spécifique de l’adresse est un nom composé, soit un nom de personne ou un substantif et un ou plusieurs adjectifs, ces éléments sont liés par un ou des traits d’union. Dans ces cas, tous les éléments de l’adresse, sauf les articles, les pronoms et les prépositions ou les adverbes, prennent la majuscule initiale.

rue Jean-Brillant

avenue des Grands-Châteaux

impasse des Oiseaux-qui-Chantent

Le nom de la province est mis entre parenthèses. Toutefois, Poste Canada recommande l’utilisation d’un code à deux lettres, valable dans les deux langues. À vous de décider.

Le code postal doit être sur la même ligne que le nom de la province et situé deux espaces après.

Il faut aussi observer scrupuleusement l’ordre des éléments, souvent écrits un peu n’importe comment. Le principe à retenir est que l’on passe du particulier au général.

Ce qui donne ceci :

Monsieur G. Tabarnique

Opticien

Clinique d’ophtalmologie du Lorgnon

2e étage, pièce 100

Complexe Lebigleux, tour Y

2020, boulevard Bellevue O.

Beloeil (Québec)  H3C 2L4

J’espère que vous y voyez plus clair maintenant.

15 réflexions sur « Écrire et traduire les adresses »

  1. Titre de civilité en français : abrégé ou entier ?

    À propos du dernier exemple (« M. G. Tabernique »), je crois que selon la règle appliquée en France il faudrait d’écrire « Monsieur » en entier, parce qu’on s’adresse à la personne.

    Mais si l’on parle de la personne, il convient d’abréger : « J’ai rencontré M. Tabernique ».

    Est-ce que ce n’est pas la même chose au Canada ? JR

  2. Merci, M. Racicot, pour ce rappel de rédaction et traduction des adresses en français. J’ai un seul commentaire à émettre :

    Dans l’exemple français du 21 Harvest Drive à Saskatoon (Saskatchewan), vous avez ajouté une virgule après le numéro de rue 21. Or, selon le Guide du rédacteur des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, la virgule ne doit pas apparaître dans l’adresse si celle-ci n’a pas été traduite. Ledit guide donne l’exemple suivant :
    « 350 Chickadee Road (et non 350, Chickadee Road) » — voir la section I du chapitre 8 « La correspondance », p. 188.

    La règle a-t-elle peut-être changé, je l’ignore, mais c’est la règle indiquée dans l’édition que j’ai.

  3. J’ignore si la règle est différente ou s’il y a une erreur généralisée, mais en France on ne met jamais de trait d’union dans un nom de rue formé de plusieurs mots. J’en ai été choquée au début, alors que mon professeur de français de secondaire 3 m’avait appris cette règle que je n’ai jamais oubliée.

    1. J’ai effectivement constaté qu’en France on écrit rue Victor Hugo. Au Canada, on mettrait le trait d’union.

  4. ADRESSE/TRAIT D’UNION

    À propos du commentaire de Martine Boudreau :

    Je crois qu’ effectivement la règle générale est de ne pas employer le trait d’union, mais qu’il y a une exception pour la partie de l’adresse qui consiste en un nom propre.

    Sur cette base, c’est bien « rue Jean-Brillant » (avec trait d’union) qu’il faut écrire, et sans doute aussi « avenue des Grands-Châteaux », si « Grands-Châteaux » est l’appellation d’un lieu-dit.

    De même, pour » rue des Oiseaux-qui-Chantent » : si les « Oiseaux-qui-Chantent » est un lieu dit comme ça paraît être le cas, trait d’union. Sinon, il faudrait écrire « rue des oiseaux qui chantent », sans trait d’union et sans majuscule.

    André ?

    JR

  5. Je constate que dans Le Monde tantôt on emploie le trait d’union dans les cas qui nous occupent, tantôt pas, ce qui semble montrer qu’en France l’usage varie… ou que la règle (du trait d’union pour les noms propres en partie d’adresse) n’est pas respectée.

    Mais voici qui décide, peut-être la question.

    Grévisse (« Le bon usage », 12ème édition, 1986) explique : « La fonction du trait d’union est de constituer une suite de mots en unité » (# 107), et il donne les exemples de « la rue Saint-Pierre » etde « la ville de Saint-Étienne » (NB : la même logique est à l’œuvre dans ces deux exemples ).

    Hanse (« Nouveau dictionnaire des difficultés du français moderne », 1987) confirme spécifiquement la règle pour les noms de rue, de bâtiments, etc. (voir à l’article « trait d’union » : « la gare Anatole-France », « le lycée Louis-le-Grand », « l’allée du Champ-de-Mars ».

    Il me semble donc que l’usage canadien décrit par André correspond à une règle valable aussi en France – mais j’admets que mes références sont un peu anciennes. Il faudrait vérifier. JR

  6. Un cas particulier : est-ce qu’on doit mettre une minuscule ou une majuscule initiale pour les rues numérotées?
    6025, 15e rue ou 6015, 15e Rue?

    1. Il faut écrire 15e Rue. Pourquoi? Parce le mot « rue » n’est pas un élément générique dans ce type d’appellation : il en est le nom propre et prend donc la majuscule. Un peu comme dans « rue des Piverts », où Piverts est le nom propre, l’élément déterminatif.

  7. Faut-il traduire l’adresse d’une conférencière anglophone qui s’adressera à des Néo-Brunswickois francophones? Il s’agit plus précisément de l’adresse de l’université australienne où elle enseigne. Je sais qu’il est possible de traduire certains éléments de l’adresse, mais le résultat me semble faux. Mon gros bon sens me dit de tout laisser tel quel.

    1. Votre gros bon sens a bien raison. Il est préférable de ne pas traduire les adresses australiennes.

  8. Merci de cet excellent récapitulatif. Dans les textes que je traduis pour le public francophone de la Colombie-Britannique, on mentionne souvent des adresses (telle conférence aura lieu à tel endroit, tel chantier est situé à telle adresse, telle station de métro se trouve à l’intersection des deux routes que voici, etc.). Mon gros bon sens me dit que la plupart des francophones en Colombie-Britannnique vivent quand même en anglais et qu’ils auraient moins de mal à trouver l’adresse s’ils la cherchent en anglais. Mon âme francophone se sent brimée. Que me conseilleriez-vous?

    1. Je pense qu’il ne faut pas pousser le zèle trop loin. Employer des appellations qui sèment la confusion n’est pas le résultat que l’on souhaite. Il faut donc se servir de son jugement.

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