État

Petit quizz au lendemain des élections fédérales au Canada.

Vrai ou faux ?

  1. Justin Trudeau a remporté les élections et, à titre de chef d’État, il formera le prochain gouvernement.
  2. Le premier ministre choisit les membres de son Cabinet.
  3. Le premier ministre nomme les ministres.
  4. La gouverneure générale Julie Payette pourrait demander à Andrew Sheer de tenter de former un gouvernement puisqu’il a obtenu la pluralité des voix.

Toutes ces affirmations, sauf la 2, sont inexactes.

Il est vrai que Justin Trudeau a remporté les élections et qu’il formera le prochain gouvernement. Mais il ne le fera pas en tant que chef d’État.

Le premier ministre choisit les membres de son Cabinet, certes, mais il ne les nomme pas. La gouverneure générale assermente les ministres lors d’une cérémonie. C’est à elle que revient la nomination officielle des membres du Cabinet.

La quatrième affirmation relève de la politique-fiction. La gouverneure générale est la chef d’État du Canada. À ce titre, elle doit se tenir loin du jeu politique. Elle n’a pas à décider que notre système électoral est injuste envers les conservateurs ; elle n’est pas nommée pour redresser les torts des uns et des autres.

Or la tradition veut que le premier ministre dispose de certaines prérogatives, dont celle de garder le pouvoir et de tenter de former un gouvernement qui recevra l’assentiment de la Chambre des communes. C’est seulement s’il n’y parvient pas que la gouverneure générale pourra demander à Andrew Scheer de former un gouvernement et de se présenter à la Chambre pour en obtenir la confiance.

Un ancien gouverneur général du Canada, lord Bing, a refusé en 1926 au premier ministre sortant MacKenzie King le déclenchement d’un nouveau scrutin peu de temps après l’élection d’un gouvernement minoritaire. Le fait qu’il n’a pas obtempéré au désir du premier ministre en poste a déclenché une crise constitutionnelle. Par la suite, les autres chefs de l’État canadien se sont bien gardé de répéter cet affront.

Le fameux conflit Bing-King est abondamment commenté sur le Web.

La notion de chef d’État

Elle suscite beaucoup de confusion. Est chef de l’État la personne qui nomme officiellement les ministres du gouvernement, reçoit les lettres de créance des diplomates étrangers et surveille le respect de la constitution et des institutions par ceux qui gouvernent.

Au Canada, ce rôle revient… à la reine d’Angleterre, qui est aussi la reine du Canada et donc le chef d’État de notre pays. La souveraine délègue ses pouvoirs à la gouverneure générale, Julie Payette, qui joue le rôle de vice-reine.

Le mot État s’écrit avec la majuscule initiale lorsqu’il désigne une autorité administrative ou encore un pays

Il est dans les prérogatives de l’État d’assurer l’ordre public.

Les États membres de l’Onu disposent d’un siège à l’Assemblée générale.

La notion de gouvernement

Au sens élargi, le gouvernement est l’ensemble des institutions publiques pour assurer le fonctionnement d’un État. Le gouvernement englobe les ministères, la fonction publique, les organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux.

L’État le poursuit pour détournement de fonds.

Au sens restreint, le gouvernement est le Cabinet ministériel qui dirige le pays.

Le gouvernement du Canada assure la protection de ses ressortissants à l’étranger.

On aura remarqué que le mot gouvernement s’écrit toujours avec la minuscule initiale, sauf dans les proclamations et dans les textes diplomatiques.

Comment démêler les deux notions

Ce n’est pas toujours facile, car certains chefs d’État sont aussi chefs de gouvernement. C’est notamment le cas du président des États-Unis. Le président de la France, lui, est aussi chef d’État, mais c’est lui qui forme le Cabinet et il en dirige les réunions. Le premier ministre est officiellement chef de gouvernement, mais il est en quelque sorte une émanation du président de la République qui peut le renvoyer quand il le souhaite.

Les rois, reines, empereurs, sultans, etc. sont des chefs d’États qui ont le plus souvent des pouvoirs extrêmement limités. Tout comme les présidents de l’Allemagne, de l’Italie, d’Israël, qui font ce que les Français appellent des «inaugurations de chrystanthèmes». Ils jouent un rôle essentiellement protocolaire. Le gouvernement est alors dirigé par un premier ministre, parfois appelé président du Conseil.

Alors pourquoi autant de rois, de présidents dépouillés de pouvoir? Tout simplement pour assurer la pérennité de l’État et veiller au bon fonctionnement des institutions. Bien des pays estiment qu’il est préférable que chef d’État et chef de gouvernement soient deux personnes distinctes.

Une réflexion sur « État »

  1. Puisque ce blogue traite avant tout de l’usage du français, j’aimerais revenir sur un petit détail qui, par ailleurs, ne change rien à la qualité de ce texte. Est-ce que l’affirmation suivante est vraiment fausse?

    3. Le premier ministre nomme les ministres.

    Je dirais que non. En fait, il s’agit de s’interroger sur l’usage des mots «nommer» et «nomination» en français. Dans notre système politique, la formation du Cabinet se fait en deux étapes. Le premier ministre choisit ou désigne un certain nombre de personnes à une charge ministérielle. Ces personnes sont ensuite assermentées par la gouverneure générale et deviennent officiellement ainsi ministres.

    Le premier ministre décide qui fait quoi. Il me semble que c’est bien l’acte de nommer les ministres. Ainsi peut-on lire dans le document officiel Pour un gouvernement ouvert et responsable publié en 2015 par le bureau du Premier ministre Justin Trudeau les passages suivants:

    «Le premier ministre choisit les ministres de la Couronne, qui, avec lui, constituent le Conseil des ministres. Ces derniers sont nommés à titre amovible par le premier ministre.

    Les ministres rendent des comptes au premier ministre : tous sont nommés par le gouverneur général sur recommandation du premier ministre qui peut demander leur démission en tout temps.»
    https://pm.gc.ca/fr/nouvelles/notes-dinformation/2015/11/27/gouvernement-ouvert-et-responsable

    Voici la version anglaise:

    «Ministers of the Crown are chosen by the Prime Minister and along with him constitute the Ministry. They all serve at the pleasure of the Prime Minister.

    Ministers are accountable to the Prime Minister: they are appointed by the Governor General on the advice of the Prime Minister and the Prime Minister may ask for their resignation at any time.»

    Il est intéressant de noter l’anglais utilise plutôt le verbe «to appoint» et ses dérivés comme équivalent du français «nommer». Et on sait qu’en anglais il y a deux verbes distincts «to name» et «to nominate» avec des nuances intéressantes qui par ailleurs ont donné la forme critiquée en français «nominer». Mais ça c’est une autre histoire.

    Quand le premier ministre prépare sa liste de, disons candidats ministres, il met des noms à côté des charges. Il les nomme, les ministres. Par ailleurs, au cours d’une cérémonie haute en couleurs, les candidats ministres seront assermentés par la gouverneure générale.
    Il y a donc un certain flou dans l’usage du verbe «nommer» et on le voit au niveau provincial dans les textes officiels où on peut lire les lignes suivantes, s’agissant du Québec:

    «Le premier ministre préside le Conseil des ministres. C’est à lui qu’appartient la prérogative de nommer celles et ceux qui formeront le Conseil.»
    https://www.quebec.ca/premier-ministre/equipe/conseil-des-ministres/

    «En vertu de la Loi sur l’exécutif, le Conseil exécutif du Québec est composé des personnes que le lieutenant-gouverneur juge à propos de nommer».
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_ex%C3%A9cutif_du_Qu%C3%A9bec

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