La propagation alarmante du coronavirus a mené à l’apparition du concept de distanciation sociale. Les autorités invitent les citoyen.ne.s à éviter les contacts en public ou en groupes restreints et à maintenir une distance d’au moins un mètre avec les autres personnes. La notion concomitante est le confinement, en vigueur dans certains pays, dont la France et l’Italie.
Certains s’interrogent sur le terme distanciation sociale. Est-ce un anglicisme? De prime abord, on pourrait penser que oui, puisque l’on dit en anglais social distancing. Le calque parait évident.
L’expression éloignement social cohabite avec distanciation sociale. Le Lexique sur la COVID-19 du Bureau de la traduction la propose comme traduction de social distancing.
Cette proposition est très sensée puisque le mot éloignement peut être défini par le fait de se tenir à l’écart.
Mais faut-il rejeter le mot distanciation?
Au sens figuré, nous dit le Petit Robert, distanciation marque un « Recul pris par rapport à quelqu’un, quelque chose. ». On voit donc que l’expression distanciation sociale n’est pas aussi fautive qu’on le croit. Son seul défaut est de ressembler un peu trop à l’anglais.
Parmi les suggestions observées : cohésion sociale, éloignement physique. La première me parait un peu douteuse; la seconde est plus intéressante.
Par conséquent, je ne pense pas que distanciation sociale soit à condamner. Qu’en pensez-vous?
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Dans un autre article, vous trouverez une liste des expressions à éviter au sujet de la pandémie de COVD-19.
André,
Vous me volez les mots de la bouche!
Je crois que TERMIUM Plus privilégie “isolement social”, mais on dirait que c’est un brin trop fort. On dirait que “distanciation” apporterait une certaine nuance.
Je serais d’avis pour l’accepter en comparaison à l’expression Aplanir la courbe où là, il faudrait vraiment adopter Aplatir la courbe.
Merci pour cet article!
J’avoue qu’à priori « distanciation » ne me choquait pas, mais c’est justement en lisant les définitions (dont celle que tu as recopiée ci-dessus) que j’ai constaté que ça ne collait pas : cette idée de « recul » par rapport à quelqu’un ou quelque chose est figurative; en ce sens, « distanciation » serait plutôt synonyme de « détachement », et donc une impropriété. Le dictionnaire Antidote donne d’ailleurs le terme « distanciation » comme un équivalent du terme anglais « detachment ».
Bref, il semble préférable d’éviter d’utiliser l’expression « distanciation sociale » à cet égard.
J’ai posé au Bureau de la traduction la question de savoir pourquoi « distanciation sociale » n »était pas donné comme autre désignation dans le Lexique sur la COVID-19 vu que le terme est tout de même répandu, et voici ce que l’on m’a répondu :
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« Nous avons certaines réticences quant à l’utilisation du « distanciation sociale », construit à partir de « distancier », paronyme de « distancer ».
Le terme « distancier » signifie « prendre du recul » par rapport à quelque chose, de nature souvent abstraite. Il est lié au substantif « distanciation », qui est une technique employée au théâtre.
L’équivalent français de « social distancing » se construirait mieux à partir du concept de « distancer »; or, le substantif « distancement » est très rare et s’emploie presque exclusivement dans le domaine des sports hippiques.
C’est pourquoi nous recommandons le terme « éloignement social », plus transparent et, surtout, moins discutable d’un point de vue grammatical.
Pour plus de renseignements concernant les paronymes « distancer » et « distancier », jetez un coup d’œil à l’article « Distancer et distancier » dans la Banque de dépannage linguistique de l’Office québécois de la langue français. »
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La question maintenant est de savoir comment s’appelle une personne qui pratique l’éloignement social : « un pratiquant/une pratiquante de l’éloignement social? »
Je remarque que de jour en jour, on entend de plus en plus le terme de «confinement» au Québec. À RDI, du moins. Peut-être devrions-nous donc l’ajouter à ce lexique, du moins à Termium.
Le monde réel (l’usage, si vous préférez) l’a adopté. Il suffit de gougoler « distanciation sociale » pour s’en convaincre. I ne sert à rien de se battre contre des moulins a vent :).
Mon cher André,
Je n’hésite pas une seconde à être critique à l’égard de ce choix. Comme l’a très bien exposé l’interlocuteur précédent, on se distancie d’une attitude, d’une position, de quelque choses d’abstrait. Prendre ses distances ne signifie pas mettre de la distance.
On a déjà vu le même type d’abus de langage en France lorsque François Hollande a renoncé à briguer un second mandat. Tout le monde, la presse en tête, s’est alors précipité pour employer à mauvais escient renoncement au lieu de renonciation, et ce mot est désormais employé à toute les sauces.
Oups, quelque chose, et non quelque choses…
Merci d’avoir fait cette vérification!
Je suis assez surpris que Monsieur Racicot ait adopté si facilement cette expression.
« Distanciation sociale » évoque pour moi l’image d’une déconnexion face à la société.
Par exemple, je dirais que qu’un sans abris a une distanciation sociale en comparaison de vous et moi.
Malheureusement, je n’ai pas encore trouvé une expression qui pourrait remplacer celle qui m’agace depuis plusieurs semaines.
Distanciation physique me semble déjà mieux ou pourquoi pas tout simplement distance physique.
« Distance physique », ou « distance sanitaire », ou « distance de sécurité »…. La « distanciation » c’est tout autrechose.
Moi la question qui me traverse l’esprit, c’est : pourquoi ?
Pourquoi cette expression précisément ?… Rien n’est anodin, dans les mots.
Paresse intellectuelle
Méconnaissance de sa langue
Manque d’esprit critique
Omniprésence de l’anglais
Vous avez raison, distanciation c’est autre chose.
« Son seul défaut est de ressembler un peu trop à l’anglais. » … Ridicule cette croisade contre l’anglais … En France au contraire, on considère enrichissant et valorisant d’inclure des termes anglais dans la langue française, et ainsi rapprocher les deux langues cousines que sont l’anglais et le français. En effet, on sait que 76% de substantifs anglais proviennent directement du français, et que les anglais eux, n’en font pas une maladie.
Si vous viviez au Canada vous comprendriez tout de suite. Nous sommes environ 9 millions de francophones entourés par 29 millions de Canadiens anglais et de 320 millions d’Américains anglophones. Pour nous, parler français, traduire l’anglais est un acte de survie quotidienne.
Le terme « éloignement sanitaire » m’apparait approprié.
En effet cet éloignement est conseillé pour un motif sanitaire.
Oui, sanitaire, ou physique, mais pas sociale. Il n’est aucunement question de se couper de la société ou de rompre ses liens sociaux, mais de se tenir à distance physique ou sanitaire (ou salutaire? 🙂 de ses congénères.
Une distanciation sociale, au pied de la lettre, impliquerait de cesser de fréquenter les réseaux sociaux.
https://www.lefigaro.fr/langue-francaise/actu-des-mots/distanciation-sociale-de-quoi-parle-t-on-20200405
Très intéressante discussion. Depuis que j’ai entendu cette expression ( distanciation sociale) pour la première fois il y a un a deux mois environ et même si on n’arrête pas de l’entendre constamment,
Bonjour André (et les autres!),
Je crois et je dis, depuis le début, que « distanciation sociale » est à éviter. Ce terme appartient à la psychologie et désigne un repli sur soi, un retrait de la société, l’éloignement d’autrui. Malheureusement, on a vite adopté ce terme incorrect (on n’est pas des ermites), comme on parle maintenant de « testé positif à » et « déclaré positif à ».
Je ne peux que soupirer bruyamment chaque fois que je lis ou que j’entends ces mots…
Bonjour Julie,
J’ai envie de faire un « copier-coller » de de votre commentaire et de le signer.