Le président réélu Donald Trump nourrit le projet de déporter des millions d’immigrants illégaux et ses sbires ont déjà mené des rafles dans certaines villes étasuniennes.
Nos médias canadiens francophones ont donc repris le terme anglais deportation pour le transposer dans notre langue, sans se poser plus de question, fidèles à leur habitude. L’ennui, c’est que l’anglais a un sens légèrement différent.
En fait, le gouvernement Trump expulse des immigrants sans papiers qui travaillent dans la restauration et cueillent les oranges de Floride. En anglais, deport a ce sens adouci, si on peut dire, par rapport au français.
Les termes déporter et déportation sont des faux amis parfaits. On les voit et on les entend partout et le piège qu’ils recèlent passe le plus souvent inaperçu. À peu près tout le monde l’ignore, mais il y a une énorme différence entre déporter quelqu’un en français et faire la même chose en anglais.
Déporter en français
En fait, que signifie déporter? Voyons le Robert : « 1. Infliger la peine de déportation. 2. Envoyer à l’étranger dans un camp de concentration. » Déportation : « 1. Peine politique afflictive et infamante qui consistait dans le transport définitif du condamné hors du territoire continental français. 2. Internement dans un camp de concentration à l’étranger. »
Quelques exemples frappants en français : les Juifs déportés à Auschwitz; les Acadiens déportés par les Anglais au Nouveau-Brunswick. On voit donc que le mot a un sens très fort en français. On déporte quelqu’un lorsqu’on l’arrache à sa terre natale et qu’on l’envoie au bagne ou dans une contrée étrangère. Malheureusement, cette nuance intéresse très peu nos scribes.
L’anglais peut avoir le même sens, mais il est aussi utilisé dans un sens plus général.
Le cas des États-Unis
Malheureusement le projet utopique de Donald Trump accapare toute l’attention et personne ne voit le faux ami. Le gouvernement américain expulse ou renvoie des immigrants sans papiers, qui n’ont pas obtenu la citoyenneté américaine.
On pourrait parler de déportation, si la nouvelle administration d’extrême droite s’en prenait à des citoyens américains et les forçait à quitter leur propre pays.
Conclusion : prudence avec déporter et déportation.
Déportation. Merci. Vous frappez juste. C’est fort éclairant.
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Bravo pour votre travail. Vous êtes à vous seul le cahier Que dire?… du Service de linguistique de Radio-Canada des années 1980 où l'on trouvait le bulletin hebdomadaire des conseillers linguistiques Camil Chouinard, Jean-Marie Laurence, Manon Laganière, Robert Dubuc et autres.
J'étais abonné. Je les ai encore, et il m'arrive de les lire parfois.
Merci de cette excellente mise au point!