On entend souvent parler du Conseil privé (Privy Council), mais pas de la bonne manière. Le plus souvent, c’est du Bureau du Conseil privé (Privy Council Office) dont il est question, en fait, du ministère du premier ministre.
Certains lecteurs s’étonneront que le chef du gouvernement dispose d’un ministère pour le servir. Pourtant, chaque ministre dispose d’une équipe de fonctionnaires qui le guident dans la gestion des affaires courantes et dans l’élaboration des politiques. Il ne faut pas confondre ces fonctionnaires avec les conseillers politiques, qui eux ne relèvent pas de la fonction publique. Ces conseillers ne veillent pas au bien-être des Canadiens, mais orientent le ministre afin que le parti au pouvoir soit réélu. Ils suivent généralement le ministre lorsqu’il change de portefeuille ou qu’il est battu à une élection.
Le premier ministre a lui aussi besoin d’une équipe chevronnée de professionnels qui restent en place lorsque le gouvernement change. Ils assurent la continuité. Le Bureau du Conseil privé donne des conseils au premier ministre lorsqu’il vient d’accéder au pouvoir et doit procéder à nominations importantes; il l’aide également dans la gestion des affaires de l’État.
Le chef du Bureau du Conseil privé est le greffier du Conseil privé (Clerk of the Privy Council). Il est en quelque sorte le sous-ministre du premier ministre. Il est le fonctionnaire le plus important de l’État. Un greffier du Conseil privé peut servir sous plusieurs premiers ministres, qu’ils soient libéraux ou conservateurs.
Alors, qu’est-ce que le Conseil privé? Son nom complet est Conseil privé de la Reine pour le Canada. Il se compose des ministres présents et passés, du juge en chef de la Cour suprême, des premiers ministres provinciaux ainsi que du président de la Chambre des communes et de celui du Sénat.
Le Conseil privé est un organisme essentiellement symbolique. En théorie, il peut conseiller la Couronne sur la gouverne de l’État. En pratique il ne fait rien. Peut-on imaginer d’anciens ministres libéraux et conservateurs donner des conseils à la reine ou au gouverneur général qui, de toute façon disposent de pouvoirs extrêmement limités, voire inexistants?
Inutile de préciser que le Conseil privé ne se réunit pour ainsi dire jamais. La dernière rencontre remonte à 1959…
Comme on le voit, on ne peut considérer l’appellation Conseil privé comme un diminutif de Bureau du Conseil privé, à cause des risques de confusion que ce raccourci pourrait entrainer.
Il en va de même pour le Conseil des ministres et le Bureau du Conseil des ministres en Ontario, qui sont souvent confondus. Le Conseil des ministres regroupe tous les ministres du gouvernement provincial, avec ou sans portefeuille.
Le Bureau du Conseil des ministres est le ministère qui soutient le premier ministre et ses ministres. Il est constitué de fonctionnaires qui restent en poste après un changement de gouvernement.
À cela s’ajoutent le Conseil exécutif, qui s’apparente au Conseil des ministres mais n’inclut pas les ministres sans portefeuille, et le Cabinet du premier ministre, dont le personnel politique soutient le premier ministre en vue de sa réélection.
J’ai appris des choses intéressantes dans ce billet, à savoir qu’il y a le Conseil privé de la Reine pour le Canada, ou le le QPC d’après son sigle en anglais et le Bureau du conseil privé ou le PCO selon le sigle en anglais également. Soit. Mais ce que je trouvé curieux c’est l’affirmation suivante:
«On entend souvent parler du Conseil privé (Privy Council), mais pas de la bonne manière. Le plus souvent, c’est du Bureau du Conseil privé (Privy Council Office) dont il est question, en fait, du ministère du premier ministre.»
Qui est ce «on»? et qu’est-ce que «pas de la bonne manière»? Est-ce qu’il faut entendre que le grand public entend souvent le terme Conseil privé tout seul et pense automatiquement au Conseil privé de la Reine alors qu’il faudrait penser au Bureau du Conseil privé? Or en faisant une petite recherche sur le terme «conseil privé» dans le journal La presse j’ai vu plus d’une centaine de références au Bureau du Conseil privé ou au greffier du Conseil privé, notamment à l’occasion du scandale SNC-Lavalin, et quelques références au Conseil de la Reine, toutes relatives à un certain Arthur Porter, comme suit:
«Arthur Porter a enfreint un guide d’éthique remis aux membres du Conseil privé de la reine lorsqu’il a versé des dons au Parti conservateur pendant qu’il siégeait au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (CSARS). (La presse, 4 mars 2013)»
En fait, il est rare de voir une occurrence de «conseil privé» tout seul, justement pour éviter toute équivoque. Et comme on n’entend pour ainsi dire jamais parler du Conseil privé de la Reine dont la dernière réunion remonte à 1981 selon Wikipédia et à l’occasion du mariage du Prince de Galles avec Lady Diana, il est peu probable que le terme conseil privé évoque pour le grand public cette institution-ci. Avec tout mon respect, j’ose dire que j’eusse écrit:
«On entend souvent parler du Conseil privé (Privy Council), mais il ne faut pas confondre deux institutions distinctes. Le plus souvent, c’est du Bureau du Conseil privé (Privy Council Office) qu’il est question, c’est-à-dire le ministère du premier ministre.»
Vos perceptions ne correspondent pas aux miennes. J’ai assez souvent entendu des journalistes parler du Conseil privé, alors qu’il s’agissait du Bureau du Conseil. Assez souvent pour écrire cet article, qui souligne une nuance inconnue du grand public. J’aurais pu écrire un article semblable sur la différence entre le Conseil du Trésor et le Secrétariat du Conseil du Trésor, deux organismes sensiblement différents.
J’aurais bien aimé avoir un exemple concret de l’utilisation jugée fautive de «conseil privé». Comme j’ai dit, je n’en ai vu aucun dans le site web du journal La Presse. Tous les usages indiquaient qu’il s’agissait de l’un ou l’autre sens. Si un journaliste écrit «conseil privé» au sens du Bureau du Conseil (privé), ce n’est pas forcément ambigu puisque les mots conseil privé se trouvent dans le titre du bureau. Tout dépend du contexte. Ça peut être une simple abréviation fort justifiable.
Une recherche dans le site web du Journal de Montréal donne grosso modo les mêmes résultats. La grande majorité des occurrences se réfèrent au Bureau du conseil privé et quelques rarissimes références au Conseil privé de la Reine. Par contre il y a deux occurrences intéressantes. Parlant d’une personne présente dans un gala de financement, le journal écrit:
Mme Paule Gauthier, C.P., O.C., O.Q., C.R. (domaine social), avocate associée Stein Monast s.e.n.c.r.l., membre du Conseil privé, Officier de l’Ordre du Canada, Officier de l’Ordre national du Québec, Commandeur de l’Ordre royal de l’Étoile polaire et consule générale du royaume de la Suède (HON).
J’ose croire que le C.P. postnominal désigne Conseil privé ou membre du Conseil privé, comme on le voit plus loin. Est-ce qu’il y a ambiguïté ici? Certainement pas. Les connaisseurs savent qu’il s’agit du Conseil de la Reine pour le Canada. Les ignorants, comme moi, ne savent pas du tout ce que désignent ces lettres. Est-ce que le terme conseil privé est mal utilisé? Non. Est-ce qu’il est mal ou pas du tout compris? Fort probablement.
Toujours dans le journal de Montréal, on trouve une annonce d’une firme de gestion financière qui s’appelle:
Stonegate Conseil Privé
Or, il s’agit ici d’une firme de conseil financier privé, sans doute pour des gens plutôt bien nantis. Est-ce que le terme conseil privé ici prête à confusion ? Je ne le crois pas. Il ne s’agit ni du Conseil de la Reine ni du Bureau du conseil privé.
Les mots conseil privé ne sont pas généralement mal utilisés par les journalistes. Ils sont plutôt mal connus du grand public. L’article ici présent vient expliquer très bien les différences entre les différents sens.