Le conflit au Proche-Orient est devenu un prétexte commode pour répandre la haine des Juifs. La gauche pro-Palestine aussi bien que l’extrême droite traditionnelle ne s’en privent pas. Les propos et les actes antisémites se multiplient et la politique radicale du gouvernement Nétanyahou ne fait que jeter de l’huile sur le feu.
Antisémitisme est un bien vilain mot, non seulement par le phénomène qu’il décrit que par son étymologie. La haine des Juifs est malheureusement très courante et ceux qui l’entretiennent visent précisément le peuple que l’on qualifiait jadis d’israélite, autre terme qui peut être péjoratif.
Au commencement était le verbe. Haïr, détester un peuple appelle normalement le suffixe « phobe » : francophobe, anglophobe, etc. Curieusement, la haine des Juifs a donné antisémitisme, que l’on peut considérer comme une impropriété. Si l’on décompose l’expression, on peut lire « contre les Sémites ». Or, les Sémites sont un ensemble de peuples du Proche-Orient ayant parlé dans l’Antiquité des langues sémitiques, notamment les Hébreux et les Arabes. Bref, ce mot ratisse large.
Nous avons donc une impropriété, car l’antisémitisme vise spécifiquement les Juifs, et non les Arabes. Il rejoint les rangs de mots comme Américains, largement accepté pour désigner les habitants des États-Unis, mais incorrect. Mais tenter de lui substituer États–Uniens suscite un déluge de réticences, bien qu’il soit parfaitement correct.
Par quoi pourrait-on alors remplacer antisémitisme?
Il serait plus approprié de parler de judéophobie, que le Larousse définit comme l’« hostilité systématique à l’égard des Juifs ». Cependant, la judéophobie est une épidémie de sauterelles sur le plan linguistique, car elle peut englober la haine des Juifs, tout comme l’antijudaïsme ou l’antisionisme, qui sont des phénomènes d’un autre ordre.
Je reviens au mot Israélite. Il désignait autrefois le peuple de l’Israël biblique; de nos jours, il peut remplacer le mot Juif, mais, attention, il est souvent employé par les judéophobes.
Et qu’en est-il des Hébreux? Les Israéliens, les habitants d’Israël, parlent l’hébreu, mais on ne peut les appeler Hébreux pour autant. Les Hébreux étaient dans des temps anciens un peuple sémitique chassé de ses terres par les Romains.
Prochain article : Proche et Moyen Orient
Bonjour André,
Tes articles sont toujours très intéressant et très instructifs.
Je voulais toutefois attirer ton attention sur quelques coquilles dans ton article :
Au commencement était le verbe. Haïr, détester un peuple appelle normalement le suffixe « phobe » : francophobe, anglophone, etc. — Serais-tu anglophobe, par hasard 🙂
Par quoi pourrait-on alors remplacer antisémitisme?
Il serait plus approprié de parler de « judéphobie », — judéophobie 🙂
Bonne journée,
Claudine
Merci de ces indications. Pour me faire pardonner, je viens de manger un exemplaire de la Torah et un autre du Book of Prayers anglican…
Mr Racicot, vous êtes pertinent et toujours intéressant!
C’est décevant, que la lague écrite et parlée soit mise a mal, est- ce réversible?
Je suis peu optimiste……
Réversible? Parfois oui, un usage plus juste s’implante. Mais bien des erreurs persistent.
André, Nétanyahou n’est pas un radical. Il sait que tant que le Hamas reste au pouvoir à Gaza, l’existence de l’État d’Israël est menacée et qu’un cessez-le-feu n’est pas encore possible.