Dans cette chronique, j’ai souvent déploré le français parfois raboteux des médias et leur peu d’ouverture à l’idée de se corriger. Il ne faudrait cependant pas imaginer que tous les journalistes sont des rustauds qui se fichent de notre langue. Beaucoup ont à cœur sa bonne santé et son épanouissement.
Le dernier projet de loi présenté par le gouvernement du Québec sur la laïcité nous rappelle l’existence de ce que l’on appelait jadis la clause grand-père. Il s’agissait bien sûr d’un calque de l’anglais grand father clause.
Mais les journalistes semblent avoir adopté l’expression clause des droits acquis. En clair, les personnes qui portaient le voile ou tout autre signe religieux dans leur milieu de travail pourront continuer de le faire, tandis que les nouveaux employés devront le retirer.
Grand-papa a cédé la place à d’autres traductions possibles : clause d’antériorité, clause des droits acquis, clause de protection des droits acquis.
Cette évolution vers une langue française plus naturelle est rafraichissante.
On peut ici tracer un parallèle avec l’affreuse clause nonobstant devenue la disposition de dérogation. Comme quoi, les médias arrivent à se corriger, quand ils le veulent bien.
Merci pour cette clause de dérogation!
Par pure curiosité, j’ai tenté de retrouver les sources de cette expression « clause du grand-père » toujours utilisée en France hexagonale dans le domaine législatif.
Tant en français qu’en anglo-américain et sous différentes formes, on arrive aux dernières années du XIXe siècle mais les sources les plus anciennes sont états-uniennes. Il s’agissait alors du statut des gens de couleur après la guerre de Sécession.
Voir par exemple cet article de ‘The Independant’ de 1899 (p.3306) dans laquelle la tournure est encore entre guillemets.
https://books.google.fr/books?id=ldLGAAAAMAAJ&pg=PA3227&dq=%22grandfather+clause%22&hl=fr&newbks=1&newbks_redir=0&sa=X&ved=2ahUKEwjs2r385pyRAxXeK_sDHRUzJYwQ6AF6BAgJEAM#v=onepage&q=%22grandfather%20clause%22&f=false