Question que tout langagier ou langagière finit par se poser un jour. L’un est plus concis, l’autre plus élégant. Ont-ils la même valeur ?
Commençons par le commencement : on s’entend pour dire que « Les vins de France » et « Les vins de la France » veulent dire exactement la même chose. Il pourrait donc s’agir d’une simple question stylistique.
Dans ce contexte, il se trouvera toujours une personne plus puriste pour favoriser « Les vins de la France » Une phrase qui parait plus complète et a plus de panache. En outre, ce dernier énoncé semble converger vers son pendant masculin, « Les exportations du Nicaragua. » Expression qui cache l’article le dans le partitif du. Les exportations de le Nicaragua.
Dans la vie courante, on pratique l’élision depuis très longtemps. On parle des vases de Chine, par exemple, et personne ne s’offusque de cette formulation. Le café de Colombie, l’ambassade de Turquie sont d’autres exemples.
Dire « Le café de la Colombie » ou « L’ambassade de la Turquie » serait correct et, d’après Marie-Éva De Villers, auteure du Multidictionnaire, cette formulation serait plus relevée. Ça se défend.
À croire que l’élision peut se faire sans aucune conséquence. Erreur : ce serait présumer que le français est toujours cohérent ; or il ne l’est pas.
Alors « Les vins de France », « Le café de Colombie », « Les déserts d’Afrique ». oui. Mais l’élision nous mène vers des sentiers plus rocailleux. Considérons les exemples suivants :
« Le riz de Thaïlande », « Les merveilles d’Inde », « La diversité ethnique de Bosnie »… oups ! Ça grince. Ne serait-on pas porté à dire : « Le riz de la Thaïlande », « Les merveilles de l’Inde », « La diversité ethnique de la Bosnie. » ?
Revenons à l’Empire du Milieu : On achète un vase de Chine et on analyse la politique de la Chine ; « La politique de Chine » parait un peu sec, n’est-ce pas ?
Je soumets donc aux lecteurs ma petite interprétation de la chose. La forme plus courte, avec élision, semble souvent désigner une chose typique d’un pays donné. Un vin de France peut être considéré comme un type de vin tout comme un vase de Chine est propre aux Chinois. Parler de la politique de la Chine ou de la France est peut-être plus général…
Conclusion
Nous nous enfonçons dans le cloaque de l’usage toujours difficile à cerner. Comme vous le voyez, votre question n’est pas aussi simple qu’elle le parait. S’il est clair au départ que les formes avec ou sans élision de l’article ont un sens semblable, il apparait rapidement que certaines formes sans article ne sont pas passées dans l’usage. Elles étonnent.
Le rédacteur et le traducteur devront consulter les oracles de la Grande Toile pour tenter de cerner cette anguille qu’on appelle l’usage. En cas de doute, privilégier la forme plus longue avec l’article.
Je vois une différence fondamentale entre « les vins de France » et « la politique de la France ». Dans le premier cas, la préposition « de » indique la provenance, et non l’appartenance ou une autre forme de lien.
J’observe que c’est une question qu’on se pose effectivement beaucoup au Québec et qui conduit à de nombreuses hésitations, mais que peu de gens se poseraient en France, où on parlera spontanément des vins d’Espagne, d’Italie, etc., mais en principe jamais des vins de l’Espagne ou de l’Italie.
Votre publication est intéressante mais, plus j’y pense, plus je crois que 2 choses fort différentes sont exprimées lorsqu’on utilise « de » ou « de la » / « du ».
En retournant aux racines du français, c’est-à-dire au latin, ou dans d’autres langues qui utilisent encore les cas (je pense à l’allemand ou au russe), aucun locuteur ne penserait que ces 2 expressions sont équivalentes. Je m’explique : le « de » annonce un génitif, ou complément du nom, tandis que « de la » / « du » annonce plutôt une provenance, possiblement en utilisant une préposition s’accompagnant d’un datif.
Sans être expert de la langue de Goethe, ne serait-il pas grammaticalement correct de dire « Wodka aus Russland » (préposition + datif) ou « Wodka des Russlands » (génitif)? J’en convient, le second semble peu usité… mais correct, n’est-ce pas?
N’en serait-il pas de même pour le français? Si on analyse ce qu’est un « vin de France », France serait complément du nom, tandis que « vin de la France » implique plutôt la provenance que l’appartenance.
Mais je préfère laisser aux experts le soin de me dire si je fais fausse route… Bonne journée!
Petite correction : dans l’expression « les exportations du Nicaragua », le mot « du » est un article contracté et non un partitif.