Aimez-vous gazouiller? Vous arrive-t-il de partager des gazouillis? Avec vos followers? Postez-vous souvent des tweets dans Twitter?
Devant pareille cacophonie, le langagier ne peut que pousser des cris d’orfraie.
Encore une fois, deux mentalités entrent en collision de part et d’autre de l’Atlantique : la volonté de tout traduire, que l’on observe au Canada, et cette pulsion européenne d’aligner les mots anglais dans le discours, comme on enfile les perles.
En informatique, le contraste entre Canadiens et Français, Belges et Suisses est frappant. Des termes comme email, spyware, spam sont traduits de ce côté-ci de l’Atlantique, tandis qu’ils demeurent comme tels en Europe. En français : courriel, espiogiciel, polluriel.
Devant cette domination de l’anglais, on pouvait s’attendre à ce que le vocabulaire de Twitter soit massivement anglais. Il l’est. En même temps, les efforts de francisation montrent leur limite.
Bien sûr, l’Office québécois de la langue française et d’autres instances linguistiques suggèrent le terme gazouillis pour remplacer tweet. La traduction donne de l’urticaire à bien des langagiers nord-américains, pourtant dévoués à la défense du français.
Les choses se corsent lorsqu’on tente de traduire to tweet par gazouiller. Par exemple : « Il a gazouillé une bonne partie de l’après-midi. » Pour beaucoup, ce genre de traduction à tout prix sonne le glas de la traduction tout court. Après tout, a-t-on traduit hamburger et spaghetti? Bien des mots anglais sont passés en français parce qu’ils comblaient un vide ou étaient plus faciles à employer.
La fonction Retweet pose également un sérieux problème. Nul n’oserait dire qu’il a regazouillé un gazouillis. Bien entendu, on peut le redistribuer, voire le partager.
Mais nous venons de trébucher sur un autre anglicisme, partager n’ayant pas le sens de communiquer, diffuser, faire connaître en français. Toutefois, l’emploi généralisé de ce verbe dans de nombreux sites, comme Facebook, amènera tôt ou tard un infléchissement de son sens français. Comme pour réaliser, dans le sens de se rendre compte de quelque chose, d’une réalité. Cette évolution est fatale.
Les Québécois et autres Canadiens de langue française emploient également hashtag, ce mot-clic que les Français appellent parfois mot-clé diésé. Là encore, la brièveté de l’anglais fait des adeptes et le hashtag est fort populaire, au point de faire son entrée dans Le Petit Robert, où il rejoindra… tweet.
On peut donc dire qu’Européens et Canadiens emploient finalement le même vocabulaire pour Twitter, bien que ces derniers fassent davantage d’efforts pour franciser les termes de microblogage.
Notons quand même deux exceptions : follower, qui se dit abonné chez nous, et poster un tweet, qui est rendu par afficher, publier un tweet.
Si vous tweetez, vous faites partie de la Twittosphère (la majuscule est volontaire). Quelle belle trouvaille! Et si vous bloguez, vous faites partie de la blogosphère. Curieusement, le premier terme n’est pas encore entré dans le Robert, mais le second l’attend patiemment…
Je viens de voir une traduction européenne qui va ainsi : Retweeter un tweet sur Twitter. Je pense que « Redistribuer un gazouillis sur Twitter » convient mieux au Canada, pour le moment…