Le premier août marque la fête nationale de la Suisse. Voici quelques expériences que j’ai vécues dans le pays de Guillaume Tell. C’est le récit décousu d’un Québécois dans la vingtaine (à l’époque) qui veut rendre hommage à ce pays aux paysages époustouflants.
Le Musée de la pipe…
À Lausanne, je découvre dans une brochure touristique le Musée de la pipe. Il ne fait pas partie du circuit officiel et les droits d’entrée sont plus élevés qu’ailleurs, mais le jeu en vaut la chandelle. Le collectionneur Jacques Schmied a rassemblé plus de 2 000 pipes ! Il y a de toutes les sortes et certaines sont très originales. Malheureusement, le musée a fermé ses portes en 2010, lorsque M. Schmied est décédé. Je me demande bien où sont rendues toutes ces pipes.
Un drapeau du Québec
Dans une taverne en Suisse romande – je pense que c’était à Fribourg – j’aperçois un drapeau du Québec suspendu au plafond, en compagnie de plusieurs étendards régionaux suisses. Intrigué, je demande à un serveur ce que le drapeau de mon pays fait là. Perplexe, il est incapable de me répondre, n’ayant pas la moindre idée de ce qu’est au juste le Québec.
Toujours dans un restaurant, un client d’une autre table m’adresse la parole en patois local. C’est du français, mais je ne comprends pas un mot de ce qu’il me dit. Il met fin à la conversation, embarrassé.
Mes recherches de science politique m’ont amené à étudier le fédéralisme suisse ainsi que la question des nationalités. Les francophones suisses habitent une région nommée la Romandie. J’écris à l’association des Suisses romans pour obtenir un auto-collant de leur drapeau (les drapeaux me fascinent). L’association m’en envoie cinq par la poste ! Photo ici.
Un contrôleur bougon
Incident malheureux dans un train en direction de la Suisse alémanique. Le contrôleur annonce rapidement que les passagers allant vers telle ville doivent descendre à Olten. Mais je n’entends pas bien le message parce que le bonhomme n’articule pas bien et qu’il passe très vite dans l’allée. Un peu plus tard, je constate que j’aurais dû changer de train et il est trop tard. Je le dis au contrôleur qui est très sec avec moi. « Il fallait changer à Olten ! J’ai dit ! »
Par suite, j’ai eu l’intuition qu’il avait été désagréable avec moi à cause de mon accent québécois, qui pourrait être assimilé à celui d’un germanophone. Or, rivalité il y a entre Suisses romands et Suisses alémaniques. On se croirait au Canada…
Je porte plainte en allemand à la compagnie suisse de chemin de fer, dont le siège est à Berne, en Suisse alémanique. Je reçois un accusé réception en français et, plus tard, une lettre écrite en allemand m’avise que le contrôleur a été réprimandé.
Un couple froid
Des mal embouchés il y en a dans tous les camps.
Voilà quelques années, à Ottawa, cette fois-ci, j’entends un couple parler allemand sur la colline du parlement. Ayant planché des années pour apprendre cette langue, je me fais un plaisir de la parler lorsque les circonstances le permettent.
J’aborde donc le couple dans la langue de Goethe. Ils me disent venir de Suisse. Ils sont très froids et répondent sèchement, comme si je les dérangeais.
Heureusement, les Suisses alémaniques ne sont quand pas tous comme cela. Mais il faut savoir qu’ils parlent un dialecte germanique indéchiffrable; est-ce que le fait d’être abordés en allemand classique les insulte? Je ne sais pas.
Autre incident en Suisse allemande. Une germanophone insiste pour me répondre en anglais alors que je lui parle allemand. De deux choses l’une : elle est fière de pratiquer son anglais ou bien le fait de devoir répondre en allemand classique la dérange. Mystère.
Genève
J’ai visité Genève au début des années 1980. Cette ville internationale est l’une des plus chères d’Europe. Pourtant, j’ai réussi à me loger pour l’équivalent de 20 dollars, dans un hôtel modeste, mais très propre. Ma chambre n’avait cependant pas de fenêtre. Aujourd’hui, ce serait impossible, à ce prix. Même l’auberge de jeunesse exigerait plus !
Une jolie ville plantée sur le bord du lac Léman et à deux pas de la France.
Le décorum
L’un des éléments particuliers de l’Europe est le respect d’un certain décorum. Contrairement à ce que l’on voit en Amérique du Nord, la liberté individuelle et le confort à tout prix ne règnent pas en maitre. La plupart du temps, les gens s’habillent mieux qu’ici.
J’étais dans la vingtaine à cette époque et je me foutais pas mal d’être bien mis. Après tout, j’étais étudiant et je portais fièrement ma veste en denim. J’entre dans un beau restaurant à Zurich et le serveur me regarde d’un drôle d’air. Il me dit que j’ai une heure pour manger… Autrement dit, fous le camp. Certains auraient plié bagage, mais je suis resté quand même, car le menu était intéressant. Le service a été rapide…
Un monstre
Histoire épouvantable à Lugano, histoire que plusieurs croiront inventée. J’escalade le mont San Salvatore qui offre une vue splendide sur les alentours. J’aperçois soudain une abeille semble-t-il jaillie d’un film de science-fiction. Elle a la grosseur d’un petit chien, butine autour des fleurs; ses yeux sont très visibles ainsi que ses antennes. Une vision horrifiante.
J’ai une peau qui attire les insectes et je n’ai absolument pas envie que cet insecte monstrueux commence à tourner autour de moi… Je prends donc la fuite, sans même faire une photo, ce que je regrette amèrement aujourd’hui.
Évidemment, mon récit a fait sourire mes compagnons de travail, quelques années plus tard. Pourtant, on a retrouvé un rat géant mort dans la même région de Lugano, une dizaine d’années après ma visite et les scientifiques se perdaient en conjectures. Je ne serais pas surpris qu’une fuite radioactive dans une centrale nucléaire ait causé ces mutations surprenantes.
Les langues de la Suisse
Le canton des Grisons est une particularité dans le paysage contrasté de la Suisse. Le rhéto-romanche est la langue officielle de ce canton atypique. Cette langue est un mélange assez déroutant d’allemand et d’italien, qui confond tout être normalement constitué. J’ai beau parler allemand et italien, mais je ne comprends pas grand-chose de ce qui est écrit. Le rhéto-romanche est parlé par environ 60 000 personnes et se décline en cinq variétés.
Le rhéto-romanche, a un statut officiel en Suisse, avec l’allemand, le français et l’italien. Comme je parle ces trois langues, je me disais que j’étais bien armé pour visiter les Grisons. De petites surprises m’attendaient cependant.
Une question se posait : quelle langue utiliser avec les habitants?
Je trouve une petite auberge et, prudent, réserve ma chambre en allemand, la langue la plus parlée en Suisse. Je vais ensuite à l’Office du tourisme et on me répond en français. À l’heure du midi, je décide d’aller casser la croûte dans un bistro. Une jeune serveuse se plante devant moi et attend que je lui passe ma commande, sans me donner le temps de consulter le menu. Elle est unilingue italienne…
Soit dit en passant, l’italien est la langue officielle du canton du Tessin, une des plus belles parties de la Suisse.
La politique linguistique de l’Helvétie est très particulière. C’est l’unilinguisme cantonal qui prévaut. Autrement dit, un germanophone qui s’établit à Locarno, dans le Tessin, doit envoyer ses enfants à l’école italienne. Un Suisse roman qui part vivre à Zurich devra utiliser l’allemand avec l’administration cantonale. Un modèle assez différent de celui adopté au Canada.
Un État fédéral centralisé
La Confédération helvétique, son surnom, est souvent citée en exemple pour son système politique fédéral. On croit à tort que la Suisse est le pays le plus décentralisé du monde et que les cantons ont des pouvoirs élargis. C’est faux. Jusqu’en 1874, le pays était effectivement une confédération, c’est-à-dire une union d’États souverains. L’essentiel des pouvoirs était dans les cantons.
En 1874, la Suisse a adopté une constitution octroyant au gouvernement fédéral de Berne l’essentiel des pouvoirs législatifs. Les cantons disposent cependant d’une certaine marge de manœuvre, puisqu’ils administrent les lois fédérales.
La Suisse est donc une fédération, comme le Canada, pays qui se prend lui aussi pour une confédération…