En politique, on croit souvent réinventer la roue alors qu’on ne fait qu’appliquer de vieilles recettes avec une nouvelle sauce. Ce phénomène s’observe souvent par l’emploi du préfixe néo. Comme on dit souvent au Québec : « Faire du neuf avec du vieux. »
Néoprogressiste
Le terme néoprogressiste vient de faire son apparition pour remplacer l’omniprésent woke dont j’ai parlé dans un article précédent.
Le problème avec woke? Beaucoup sont d’avis qu’il s’agit d’un mot fourretout mal défini. En outre, il a pris une allure péjorative à cause de l’extrémisme de certaines personnes ou organisations qui défendent la culture de l’annulation envers ceux qui les contredisent.
Bref, les wokes n’ont pas nécessairement bonne presse et c’est pourquoi certains auteurs préfèrent parler de néoprogressisme. Cette nouvelle appellation ne change rien au phénomène, car les idées défendues par les wokes rejoignent en grande partie celles de l’extrême gauche traditionnelle.
Le définancement de la police
En 1917 Lénine publie L’État et la révolution dans lequel il présente l’État comme un appareil de répression visant à maintenir la domination de la bourgeoisie. Une fois la révolution accomplie, dit Lénine, la police deviendra superflue parce que les ouvriers seront au pouvoir.
La filiation consciente ou inconsciente entre l’élimination des policiers dans un régime communiste et l’idée de réduire le nombre de policiers par la diminution des crédits me parait évidente.
Au départ, l’idée est bonne : donner plus d’argent aux services sociaux pour combattre la misère, la maladie mentale, au lieu de multiplier le nombre de policiers pour protéger la paix publique. Les policiers n’ont pas les connaissances nécessaires pour traiter des cas de maladie mentale, d’où certains cas désolants de bavure des forces policières.
Mais est-il justifié de réduire les forces policières en pleine guerre de gangs de rue qui se canardent allègrement dans les lieux publics? C’est la question que se posent bien des gens.
Wokisme et pensée marxiste
Il serait extrêmement réducteur de dire que les néoprogressistes ne sont rien d’autre qu’une copie conforme des marxistes de jadis. Ils cherchent à imposer des thèmes qui auraient fait sursauter Marx ou Lénine : la décolonisation, le racisme, le féminisme (bien que très tolérant envers l’islamisme), la théorie des genres, l’appropriation culturelle, etc.
Les thèmes ont évolué, certes, mais la dynamique est la même : se sentir plus conscientisé que la moyenne et avoir la volonté d’imposer à la société un nouveau système de valeurs. Bref, le néoprogressisme est une forme d’extrême gauche, surtout s’il s’accompagne d’une intolérance aigüe aux points de vue opposés. La culture de l’annulation ressemble étrangement au sort réservé aux « ennemis du peuple », fusillés sous Staline ou déportés dans des goulags. Rien de nouveau sous le soleil.
Le progressisme
Mais attention! Il ne faut surtout pas confondre néoprogressisme et progressisme. La gauche traditionnelle est un aiguillon indispensable dans nos sociétés. Elle a été à l’origine de la Révolution française, de la fondation des grands syndicats et de l’État providence, des progrès accomplis dans la cause des femmes, de la lutte contre le racisme, etc.
Il est toujours sain d’ouvrir la discussion et de brasser des idées. Celles avancées par les néoprogressistes méritent d’être discutées, à condition de pouvoir le faire, ce qui est de moins en moins le cas, particulièrement dans les institutions d’enseignement.
Mais revenons à la question d’hier dans mon article sur le néofascisme : les fascistes trumpistes ou bolsonariens sont-ils si « néo » que cela? On pourrait poser la même question pour les néoprogressistes wokes. Sont-ils si différents des militants marxistes d’hier? Je n’en suis pas certain.
Article sur l’origine du mot « woke »