Les récentes dénonciations d’agressions sexuelles commises par des personnalités du monde du spectacle donnent froid dans le dos. Les victimes hésitent à porter plainte devant la justice, parce qu’elles seront forcées de passer sous les fourches caudines de la police et du système judiciaire.
Ces femmes cherchent à protéger leur modestie écrivent nos scribes dans les médias.
Les journalistes ne sont pas des traducteurs, je l’ai déjà écrit, mais il me semble que certains d’entre eux pourraient se poser des questions lorsqu’ils font des traductions littérales de l’anglais. J’ai encore du mal à croire que personne dans les salles de rédaction n’ait tiqué devant l’emploi de modestie.
Tiens! Allons-y par l’absurde.
Anne-Marie ne veut pas allaiter son bébé dans un centre commercial : elle est trop modeste pour cela.
Par modestie, Richard a enfilé une robe de chambre en ouvrant la porte à des voisins qui venaient s’enquérir de sa santé.
Tout le monde voit bien que ça ne colle pas.
Dans le langage courant, modestie rime avec modération.
Revenons à nos victimes d’agressions sexuelles. Peut-on vraiment dire qu’elles pèchent par modération? Qu’est-ce qui les retient de se défendre? Un excès de retenue? Non. Deux choses, en fait : la terreur qu’inspire aux victimes les appareils policier et judiciaire qui broient les femmes; mais aussi la pudeur.
Les victimes ne veulent pas que leur vie intime soit épluchée par les carnassiers en toge qui défendent les agresseurs. Bref éviter la curée après l’humiliation.
On constatera que les dictionnaires définissent modestie par pudeur, mais ils précisent bel et bien qu’il s’agit d’un emploi vieilli. On l’entend encore dans ce sens au Lac-Saint-Jean et sans doute ailleurs au Québec. Toutefois, les textes traduits au Canada ne font pas dans l’archaïsme mais bien dans le calque.
Comme cela arrive souvent, l’anglais a emprunté ce mot au français et en a gardé un sens plus ancien. Les faux amis représentent une menace constante à la qualité des traductions, et il est facile de tomber dans le piège.
Mais il me semble que les scribes pourraient se poser plus de question au lieu de traduire comme des machines.