Mon amie Delphine va à la fac, elle étudie à l’Université de la Sorbonne en sociologie. Cette auguste institution se fait appeler dans les médias sociaux Sorbonne Université.
Mon ami Alexandre va à l’université, il étudie la sociologie à l’Université Laval de Québec. Dans les médias sociaux, cette institution se fait appeler… Université Laval.
La différence entre les formulations française et québécoise saute aux yeux.
Fac
Le mot fac est un diminutif de faculté, une composante de l’Université. Aller à la fac, c’est fréquenter l’université, une façon plus familière de dire la chose. Cette expression française en est une parmi tant d’autres que les Québécois doivent décrypter lorsqu’ils lisent un livre ou regardent un film de l’Hexagone.
Sorbonne Université
Cette formulation étonne et suscite des grincements de dents. Pourquoi? Parce qu’elle ressemble beaucoup à l’anglais : Oxford University. La concision proverbiale de l’anglais permet de créer une formule choc, qui se retrouve dans Sorbonne Université. Je me demande ce que la Française Académie en pense.
Je ne saurais dire si cette tournure est vraiment inspirée de l’anglais ou si elle se veut tout simplement plus moderne, mais à des oreilles québécoises elle est vraiment suspecte.
Chez nous personne ne dirait Laval Université, Montréal Université. L’institution qui se risquerait à adopter une telle appellation serait vivement dénoncée.
Rappel à mes lecteurs européens qui pourraient être irrités par mes propos : le Québec francophone vit à côté du géant américain et du Canada anglais : c’est environ sept millions de francophones contre 350 millions d’anglophones, ce qui nous rend plus frileux envers les emprunts à l’anglais. Imaginez la France encerclée par presque trois milliards de germanophones, qui ferait partie de l’Empire allemand, sans même être un pays. Comment vous sentiriez-vous par rapport à la langue allemande?
Master
Cette nouvelle appellation est maintenant employée à l’échelle de l’Europe, parce qu’il fallait uniformiser le nom des diplômes ; celui du deuxième cycle universitaire a pris le nom de master. Au Québec on l’appelle encore maitrise.
La terminologie des études est sensiblement différente chez nous. Le diplôme de premier cycle universitaire est un baccalauréat. À force d’en entendre parler, les gens plus éduqués, au Québec, savent que le bac est le diplôme qui couronne la fin des études secondaires en France. Nos téléjournaux parlent assez souvent des fourches caudines que représentent les examens du bac.
Le diplôme de premier cycle en France est une licence, titre que prenait jadis le premier grade universitaire au Québec.
Les deux pays se rejoignent au niveau du doctorat, aussi appelé Ph. D., souvent prononcé à l’anglaise, ici, pi-hetch-di. Mais comme en France nous faisons aussi notre doc.
Bien des étudiants du Québec séjournent en France pour étudier à l’université, ce qui est toujours une expérience enrichissante. À présent, les Français affluent dans les universités québécoises, ce qui leur permet de faire connaissance avec l’Amérique en français. D’ailleurs certains d’entre eux choisissent de rester au Québec, malgré la bureaucratie byzantine que les autorités de l’immigration imposent aux nouveaux arrivants. Hélas.
Faque
Les cousins qui atterrissent ici entendront souvent les Québécois glisser un faque dans leur discours. Il n’est nullement question d’université, ici. Faque n’est rien d’autre que la contraction de cela fait que…
Faque c’est tout pour aujourd’hui.
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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.
On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.
Aucune irritation, l’encerclement linguistique du Québec est bien connu ; du respect, plutôt, pour cette resistance, qui a ici tant de collabos.
Sorbonne Université, comme Béjart ballet, c’est plus qu’un soupçon d’anglicisme – mais c’est grammaticalement indémontrable, n’est-ce pas ? Aussi la fine pique Française Académie est-elle bien sentie.
C’est curieux comme situation: Oxford University s’appelle maintenant University of Oxford. Idem pour l’université où j’ai étudié: Cambridge University s’annonce maintenant comme University of Cambridge. Mais ses presses n’ont pas changé de nom: Cambridge University Press.
La mode a atteint d’autres universités en France. J’ai fait une recherche là-dessus récemment mais j’ai oublié les exemples que je pourrais vous citer.
L’.académicien Jean-Marie Rouart a dénoncé l’appellation Sorbonne Université à la radio hier.
Merci de votre commentaire.