Tant le Robert que le Larousse considèrent que désappointer est un anglicisme.
L’Inquisition a condamné bien des innocents, on le sait, et désappointer mériterait un deuxième procès. Pourquoi? Parce que les mêmes ouvrages mentionnent l’origine du mot, qui vient de l’ancien français désappointer.
Un anglicisme?
À l’origine, désappointer est bel et bien un mot français. Mais il a perdu son sens originel qui était :
1. Destituer quelqu’un de sa charge.
2. Couper les points de fil ou de ficelle qui tiennent en état les plis de cette pièce.
Jadis, désappointer avait aussi le sens de décevoir, mais il semble que cette définition était devenue caduque, à une certaine époque. Sous l’influence de l’anglais, le verbe en question aurait pris le sens plus courant de décevoir, déconcerter ou dépiter.
D’ailleurs, c’est ce que précise le Larousse :
Tromper quelqu’un dans son attente, dans ses espérances ; dépiter, décevoir : Son refus m’a désappointé, j’attendais autre chose.
Un mot français
Il est intéressant de noter que le Multidictionnaire de la langue française de Marie-Éva de Villers ne considère pas que désappointer est un anglicisme. Cette autrice traque à peu près tous les anglicismes qui pullulent dans la langue québécoise.
Au fond, désappointer n’a fait que reprendre l’un des sens qu’il avait jadis. L’anglais lui a tout simplement donné un petit coup de pouce.
Je ne vois pas pourquoi certains anglicismes seraient moins graves et plus excusables que les autres sous prétexte que le mot anglais est d’origine française et que, dans un lointain passé, le mot français avait bel et bien le sens (contemporain) anglais en français aussi.
La plupart des locuteurs canadiens qui commettent cet anglicisme le commettent non pas parce qu’ils connaissent l’ancien français et souhaitent le remettre au goût du jour, mais tout simplement parce qu’ils sont influencés par l’anglais. L’anglicisme n’a donc rien d’excusable et mérite d’être dénoncé autant que les autres.
C’est malheureusement avec de telles excuses qu’on laisse le français se dénaturer ici au Canada sous l’influence de l’anglais et qu’il perd peu à peu son identité propre.
C’est, je regrette de devoir le dire, une forme de « vichysme » linguistique. Il n’y a pas deux poids, deux mesures. Si quelque chose se dit ici au Canada en français sous l’influence de l’anglais et ne se dit pas en France et ailleurs dans la francophonie, c’est un anglicisme, point barre.
Cela dit, dans ce cas-ci, il faut quand même nuancer. Ce qui se dit (et surtout s’écrit) encore bel et bien en français contemporain, c’est le participe passé adjectival « désappointé(e) ». Mais c’est à réserver au registre littéraire. Et le verbe lui-même est à proscrire et l’adjectif aussi, en dehors du registre littéraire.