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Lunatique

Certains qualifient parfois le locataire de la Maison-Blanche de lunatique. Ont-ils raison? Ou bien s’agit-il d’un autre anglicisme insidieux?

La réponse appelle des nuances.

Si l’on s’en tient à la définition classique des dictionnaires, on peut dire que le président états-unien est d’humeur changeante, qu’il est versatile, au sens français du terme. Bref, tout le contraire d’une personne constante.

Souvent, on emploie le terme lunatique au sens de « cinglé ». C’est ici que nous glissons insidieusement vers l’anglais… mais pas tout à fait.

Le premier sens de lunatic est celui d’une personne dangereuse et stupide. Ce qui rejoint le titre d’un ouvrage du journaliste Normand Lester sur les États-Unis. En anglais, le terme est très fort, comme on le voit.

Par conséquent, traiter le président de lunatique, au sens de fou à lier, est quelque peu excessif en français.

Mais encore…

Car l’anglais a emprunté au français le sens originel du mot en question. Il suffit de consulter le Trésor de la langue française pour s’en convaincre. Si le premier sens donné est : « Qui est influencé par la lune… » le second est sans équivoque : « Qui est atteint de folie. »

Ce qui rejoint le sens anglais.

Les dictionnaires modernes s’en tiennent plutôt à la définition douce de lunatique et c’est pourquoi on devrait utiliser ce mot avec prudence. N’oublions pas qu’il existe des expressions imagées pour qualifier une personne qui n’a pas toutes ses facultés mentales. « Il lui manque des boulons. » étant l’une d’entre elles.

Au Québec, on peut recenser les expressions suivantes : colon, épais, moron, habitant, niaiseux, dur de comprenure, niochon, pas épais dans le plus mince, sans dessein. La matière abonde. Ceux qui veulent approfondir leur vocabulaire visiteront le site suivant.

La plus savoureuse vient toutefois de l’allemand : Il n’a pas toutes ses tasses dans l’armoire. J’adore.

États-Unien

Le président des États-Unis veut rebaptiser le golfe du Mexique, ce qui suscite la controverse. Ce n’est malheureusement pas la première fois que les États-Uniens pratiquent l’usurpation toponymique.

Le détournement du mot America est un cas flagrant. Au départ, il s’agissait d’un raccourci pour United States of America, mais le toponyme désignant un continent est rapidement devenu le nom officieux des États-Unis. Au point où le mot America a cessé d’être associé au continent, d’où l’apparition du néologisme the Americas, les Amériques en français.

Les hispanophones se sont insurgés et désignent les habitants des States sous le vocable de los Estadosunidenses. Le français a adopté États-Uniens.

États-Uniens est-il correct?

Beaucoup se posent cette question et craignent de commettre une erreur en employant cette expression. Eh bien ils se trompent.

D’entrée de jeu, on peut dire que le terme Américain est une impropriété. Est américain ce qui est relatif au continent américain. Mais il y a l’usage…

Il est évident qu’Amérique et Américain se sont imposés dans l’usage français, que l’on aime cela ou pas. Mais la présidence démentielle de nos voisins du sud devient un puissant incitatif à chercher d’autres mots.

Petite surprise pour les objecteurs : États-Uniens est parfaitement français.

L’expression États-Uniens, ou Étasuniens ou Étazuniens, est apparue en français en 1955, si l’on se fie au Petit Robert. Contrairement à ce que l’on peut croire, états-unien, employé comme gentilé ou comme adjectif, n’a rien de saugrenu ou de péjoratif, bien au contraire. On peut le voir régulièrement dans certains médias, dont Le Devoir, dans lequel il remplace avantageusement américain.

Il ne faut donc pas hésiter à l’employer.

Au fond, on remplace une impropriété par un néologisme pas si nouveau que cela. En outre, États-Uniens suit parfaitement la logique de notre langue. Ajoutons donc États-Uniens à notre arsenal anti-Trump. C’est bon pour le moral.

13

N’importe quel chef d’État ou de gouvernement se tiendrait debout, si un État voisin lui disait que son pays doit être annexé. N’importe lequel, sauf le premier ministre canadien Justin Trudeau. Celui-là n’a rien d’un Zelensky.

Le futur président Trump ne cache pas son mépris envers notre premier ministre en clamant que le Canada devrait devenir un État américain. Il a servi la même médecine au Danemark, à propos du Groenland, et au Panama, au sujet du fameux canal. Dans les deux cas, les dirigeants des deux pays ont répliqué en disant « Pas question ».

Le premier ministre canadien a participé à un dîner de cons au pain de viande en allant rencontrer le fou furieux que les Américains ont réélu en toute connaissance de cause. Quel contraste avec la présidente du Mexique qui a dit qu’elle allait répliquer au chantage économique de Donald Trump.

Bref, le Canada est lamentable. Il suffit de lire la presse internationale pour constater que notre pays n’a plus le lustre qu’il avait jadis. C’est à peine si on parle de nous de temps à autre.

13…

Si le premier ministre avait un tant soit peu de cran, il répliquerait sur le même ton ironique. Par exemple, ne serait-il pas logique que l’Alaska soit intégré au Canada pour devenir une nouvelle province? Ce qui mettrait fin à cette anomalie d’avoir un État américain séparé du reste du pays. Et de onze…

Ensuite, le Maine, qui porte d’ailleurs un nom français. Cet État excentrique ressemble beaucoup aux Maritimes; il est au fond plus canadien qu’américain. D’ailleurs on y relève de nombreux patronymes français. Et de douze.

La treizième province canadienne serait le Vermont, dont les affinités avec la région des Cantons de l’Est est évidente. Et le Vermont porte lui aussi un nom français. Il deviendrait la treizième province canadienne, sous le patronage du Québec pour l’aider à trouver ses marques.

Évidemment tout ceci n’est qu’élucubrations. Mais je souhaiterais voir notre premier ministre manier l’ironie ne serait-ce que pour river son clou au criminel réélu du sud. Malheureusement, il en est incapable. La présidente Sheinbaum du Mexique pourrait lui donner quelques conseils.

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Les allusions du président désigné des États-Unis font couler beaucoup d’encre au Canada. Notre pays aurait avantage à devenir le 51e État américain pour de ne plus payer de tarifs douaniers!!! On peut imaginer à quel point Trump s’amuse des réactions émotives de ce côté-ci de la frontière.

Et comme d’habitude Trump dit un peu n’importe quoi, sans réfléchir. Une réflexion élémentaire nous amène à une série d’évidences.

  • Le Canada deviendrait immédiatement l’État le plus populeux de l’Union avec 40 millions d’habitants.
  • La Californie et le Texas en ont respectivement 39 et 30 millions.
  • Le Canada compterait environ 65 grands électeurs, ce qui lui donnerait un poids très important dans le choix du président étasunien.
  • La Canada serait un État démocrate.
  • À l’échelle fédérale, le poids des démocrates augmenterait considérablement, au détriment des républicains. Excellent coup des trumpistes…

Détail qu’on oublie un peu trop vite : à peu près personne au Canada n’est intéressé à devenir un État américain, sauf peut-être les Albertains. Alors quoi? Envahir un pays ami? L’annexer de force?

Beaucoup de bruit pour rien, dirait Shakespeare.

Et si le Canada répliquait, au lieu de s’écraser? Lisez le prochain article intitulé 13

***

Ce billet est le dernier d’une longue série portant sur les États-Unis d’Amérique. Dans cette page, vous trouverez la liste des articles qui vous éclaireront sur le vocabulaire à employer en français lorsqu’on parle de la république américaine.

Président élu

Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis aura toutes sortes de conséquences. L’effet se fera également ressentir sur le plan de la langue.

Président élu

M. Trump a été élu le mardi 5 novembre, mais il ne prendra ses fonctions que le 20 janvier, lors d’une cérémonie protocolaire qui se déroulera au pied du Capitole. Entretemps, le nouveau président préparera la passation des pouvoirs et choisira les membres de son futur cabinet.

Pendant cette période, Joe Biden continuera d’être président des États-Unis, tandis que M. Trump sera le président élu. Cette expression est un calque de l’anglais president-elect. On ne peut cependant pas affirmer qu’il s’agit à proprement parler d’une grave faute de langue, car le républicain est bel et bien le président élu.

On voit aussi le terme président désigné, qui constitue une excellente solution de rechange, et ne suit pas la démarche de l’anglais. On pourrait aussi parler du futur président, comme le signale l’Office québécois de la langue française.

Inauguration

Il y a quatre ans, j’avais mené une guerre sainte contre cet anglicisme totalement inacceptable en français en alertant plusieurs journalistes canadiens.

En anglais on inaugure un président, mais transcrire cette expression dans notre langue me fait voir… orange.

Le plus souvent, on inaugure un édifice ou un monument. Rarement est-il question d’un concept abstrait, bien qu’on puisse inaugurer une nouvelle politique, comme le signale le Robert. Une inauguration peut être le commencement, le début de quelque chose. Mais inaugurer une présidence me parait quelque peu forcé en français.

La question qui se pose est la suivante : peut-on inaugurer un président? Est-ce que Donald Trump sera inauguré le 20 janvier prochain? La réponse me semble évidente : NON.  Il serait plus juste de parler de l’assermentation, de la prestation de serment du nouveau locataire de la Maison-Blanche.

J’ai étudié plus en détail l’emploi abusif d’inauguration dans un article précédent.   

Ordre exécutif

Lorsqu’il prendra ses fonctions, le nouveau président aura le pouvoir de faire adopter des décrets, appelés executive orders, en anglais. Là encore, le calque est tentant et beaucoup s’y laisseront prendre. Pourtant, les ordres exécutifs ne sont rien d’autre que des décrets.

Tarifs

Le futur président américain est protectionniste, comme ses prédécesseurs. Il projette d’imposer des tarifs élevés pour les importations, ce qui affecte le Canada. Sans doute un raccourci pour tarifs douaniers.

Il serait plus exact de parler de droits de douane.

Campagne

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la campagne électorale américaine nous réserve toutes sortes de surprises. Désistement de Biden, irruption de J.D. Vance… On ne s’ennuie pas. L’une de ces surprises est le sens donné au mot « campagne » lui-même.

Dans les médias francophones on lit régulièrement des phrases comme : « La campagne de Kamala Harris a réagi aux propos de Donald Trump. » Cette formulation étonne. La campagne étant l’ensemble des activités pour promouvoir la candidature de Mme Harris. La campagne n’est pas une personne en soit, ni une organisation.

On peut voir dans ce cas une petite ellipse pour éviter de dire les responsables de la campagne ou encore l’équipe de campagne. Certains tiqueront, car l’ellipse en question ne correspond pas aux définitions habituelles données dans les ouvrages de langue.

Certains y verront un autre cas d’influence de l’anglais, langue flexible par excellence. Car chez nos voisins États-Uniens, parle couramment de la campagne de la vice-présidente qui organise les rassemblements, publie des communiqués, réplique au camp Trump, etc.

Avouons-le, l’ellipse est séduisante parce que concise. Comment lui résister? Un peu comme avec Mme Harris…

Batte

Les amateurs de baseball du Québec l’ignorent, mais le mot batte existe bel et bien en français. Pourtant, c’est souvent l’anglicisme bat qui est utilisé. Le plus ironique dans tout cela, c’est que le mot anglais vient fort probablement du français… batte.

La langue anglaise a été durablement influencée par le français après la Conquête normande de 1066. Le français est devenu la langue de la Couronne et de l’administration pendant 300 ans. On estime à 60 pour 100 la proportion de mots d’origine française ou latine en anglais. C’est pourquoi il est logique de penser que bat est la version anglaise de batte.

Comme je l’ai indiqué dans un précédent article, le vocabulaire du baseball a été entièrement francisé au Québec, alors qu’on ne compte plus le nombre de fausses balles dans les traductions françaises d’outre-mer.

Ici, c’est le mot bâton qui est utilisé pour traduire bat. Selon le Robert, un bâton est un « long morceau de bois rond que l’on peut tenir à la main. », tandis qu’une batte se définit comme suit : « Large bâton pour renvoyer la balle (au cricket, au baseball). »

Encore une fois, on voit que les lexicographes français ne comprennent rien au baseball. La batte est effectivement large au cricket, mais pas au baseball. Fausse balle.

Alors bâton ou batte? Les deux mots peuvent s’utiliser, mais il serait plus juste de parler de batte.

Prononciation

La question devient encore plus intéressante quand on sait que les Québécois utilisent parfois le pseudo-anglicisme bat pour décrire l’instrument entre les mains du frappeur. Et le mot se prononce… batte.

Batteur

En toute logique, le joueur qui tient la batte est un batteur. Rien à voir avec Ringo Starr… Au Québec, c’est un frappeur, mais aussi un batteur, qui s’inspire non pas du français, mais bien de l’anglais batter, prononcé à l’américaine.

Plusieurs expressions familières ont germé sur le field of dreams.

  1. Passer au bat : passer un mauvais quart d’heure.
  2. Aller au bat : s’engager, régler un problème.
  3. Batter quelqu’un : lui donner une correction.

Neuvième manche

Pour ajouter au pittoresque de cet article, sans doute ésotérique pour un public européen, mentionnons qu’un projet de nouveau stade de baseball à Montréal portait le nom bucolique de Stade Labatt… Ça ne s’invente pas.

Autres prédictions pour 2023

Grande-Bretagne

Le roi Charles III arrive en trottinette électrique pour son couronnement. Les services de sécurité ont eu un mal fou à le suivre, surtout quand il s’arrête à un kiosque pour manger un fish and chips sur le pouce.

À l’abbaye de Westminster, la confusion règne : la couronne royale a disparu ! Le prince Harry, qui a refusé d’assister à la cérémonie, a envoyé une vidéo à Scotland Yard pour révéler que c’est lui qui a dérobé la couronne et l’a emportée en Californie. « Mon père n’a jamais voulu me la prêter pour que je joue avec quand j’étais petit. C’est pas juste. »

Des témoins affirment avoir vu Meghan Markle la porter dans une discothèque de Los Angeles.

Le nouveau souverain annonce au lendemain de la cérémonie qu’il renonce à être le chef de l’Église anglicane. « L’État n’a pas à adhérer à quelque religion que ce soit ». Il instaure des séances de méditation zen lors des rencontres de la famille royale.

Charles III décide de convertir les châteaux de Balmoral et de Buckingham en Air B and B pour renflouer les coffres de la Couronne. Le roi déménage discrètement au 10 Downing Street où il loue un sous-sol meublé. Camilla claque la porte et se prend un appartement de luxe dans Kensington.

Musée des beaux-arts d’Ottawa

Poursuivant sa politique de rééducation du public, le Musée interdit l’admission aux personnes blanches et instaure la gratuité pour les personnes racisées. La direction présente un plan de décolonisation complète de l’institution qui passe par l’élimination de toutes les œuvres d’artistes blancs et leur remplacement par des productions autochtones, quelle qu’elles soient.

Les œuvres d’artistes blancs seront toutes brûlées dans une cérémonie d’expiation au cours de l’été 2023.

Réaction de l’Assemblée des premières nations : « Nous n’en demandions pas tant. »

Russie

L’arme russe s’enlise en Ukraine et Poutine est forcé de lever de nouvelles troupes. La population russe, totalement indifférente à l’Ukraine, prend conscience que l’intervention russe est finalement une guerre d’usure, contrairement à ce qu’affirment les médias nationaux. Les manifestations contre la guerre prennent de l’ampleur.

Sur le front, des mutineries éclatent. Les soldats en ont marre d’être mal nourris, sous-équipés et de voir que les corps de leurs collègues morts au combat ne sont même pas rapatriés dans la mère patrie et sont enterrés dans des fosses communes.

Des unités se mutinent et décident de rentrer en Russie. Des troupes fidèles au président essaient de les en empêcher. Des combats entre soldats russes éclatent, sous l’œil médusé des troupes ukrainiennes.

Les services secrets qui ont mis Poutine au pouvoir constatent que la guerre est perdue et que la Russie est déshonorée partout dans le monde. Mais ce sont surtout les sanctions qui touchent les oligarques qui font mal et c’est l’élément qui fait pencher la balance. Il est temps de se débarrasser de Poutine. Le président est assassiné dans sa datcha où il passait du bon temps en compagnie de prostituées mises à sa disposition par le Qatar. Officiellement, Poutine a succombé à la covid.

Le nouveau gouvernement s’empresse de retirer ses troupes d’Ukraine, tout en refusant de négocier quoi que ce soit avec Zelinsky. Pendant ce temps, le Kremlin doit faire place à une grave menace : des graffitis inquiétants sont apparus un peu partout sur les murs de Moscou : Démocratie.

Pendant ce temps aux États-Unis…

Joe Biden quitte la présidence en juillet 2023 après s’être perdu deux fois dans la Maison-Blanche et après avoir déclaré la guerre au Liechtenstein. La vice-présidente Kamala Harris lui succède et devient la première femme présidente des États-Unis. Les ventes d’armes augmentent et le Texas menace de faire sécession.

Du côté des républicains, Donald Trump continue de clamer qu’il a gagné en 2020, mais ses partisans s’éloignent peu à peu de lui, lassés par son discours passéiste. Les choses se compliquent lorsque le FBI découvre que l’or de Fort Knox a été discrètement transféré à Mar-a-Lago. Trump clame : Fake news !

Des milices paramilitaires d’extrême droite, des suprémacistes blancs ainsi que des complotistes et toute une nébuleuse conspirationniste affluent à Mar-a-Lago pour protéger l’ancien président. Ils sont armés jusqu’aux dents. Le FBI tente de pénétrer dans la résidence mais est repoussé par des tirs de roquettes. On compte plusieurs morts. Les Américains cherchent des roquettes dans tous les magasins; Wal-Mart a vendu toutes les siennes.

Le 6 janvier, l’armée est appelée en renfort, mais attend les heures de grande écoute avant de lancer l’assaut. L’opération est spectaculaire et filmée sous tous les angles par les drones des différents médias. Une immense explosion fait voler la résidence en éclats tandis qu’une pluie de dorures tombe sur les soldats américains.

Dans les débris, on retrouve les lingots d’or ainsi que 15 000 courriels de Vladimir Poutine. Les enquêteurs découvrent aussi des enregistrements porno tournés à Moscou, dont Trump est la vedette à son insu. Ils sont immédiatement mis en ligne sur PornHub, une entreprise canadienne.

L’ancien président demeure introuvable et les spéculations vont bon train. CNN annonce qu’il a été recueilli par un sous-marin russe; Fox News dit que Trump est mort, mais qu’il va ressusciter le troisième jour.

L’Église trumpienne du Troisième Jour est immédiatement fondée et les dons affluent. Des flagellants trumpistes parcourent les rues du Bible Belt et annoncent la fin du monde. Certains affirment que Trump a fait des guérisons miracles.

Les ventes d’armes montent en flèche.

Libertarien

Le Canada est le seul pays du G7 qui laisse sa capitale, Ottawa, être assiégée par des manifestants opposés aux mesures sanitaires depuis maintenant presque trois semaines, sans le moindrement réagir. Une sorte de 6 Janvier au ralenti se déroule chez nous et les divers gouvernements, tout comme les instances policières, sont paralysés de stupeur.

L’occupation du centre-ville d’Ottawa est devenue un véritable cirque, avec comptoirs de nourriture et structures pour les enfants. Certains ont installé un spa sous un froid sibérien. Ne manque plus qu’un spectacle de Céline Dion. Un Disneyland canadien mais avec de troublants drapeaux américains sudistes et quelques croix gammées.

Il est maintenant clair que le siège de la capitale canadienne, inimaginable ailleurs, a été financé à plus de 50 pour 100 par des Américains. Des militants déterminés clament qu’ils n’obéiront jamais aux ordres des policiers et entendent demeurer sur place tant que le gouvernement Trudeau, légitimement élu l’automne dernier, ne sera pas renversé. Là, on est très loin des protestations contre les mesures sanitaires, mais il est question d’un coup d’État planifié par des libertariens.

Une notion d’extrême droite

Ce mot est une curiosité linguistique aussi bien que politique. Il vient de l’anglais libertarian. Au sens strict du terme, il est question d’appliquer le libéralisme économique sans entrave, ce qui passe par la dérèglementation généralisée de l’économie et, en fin de compte, par l’abolition de l’État et de toutes les contraintes qu’il impose. Les libertariens prônent la liberté individuelle totale. N’est-ce pas l’essence du discours que l’on entend à Ottawa?

Bien sûr, la majorité des manifestants de la capitale n’ont pas poussé la réflexion aussi loin, mais certains l’ont fait à leur place.

L’extrême gauche

Cette liberté dans tous les azimuts rejoint celle que vise aussi l’extrême gauche. La doctrine marxiste-léniniste présente l’État comme l’instrument de l’oppression que la classe dominante exerce sur la population pour assurer sa domination. L’un des buts d’une révolution socialiste est d’abolir la classe parasitaire que sont les capitalistes pour donner le pouvoir aux travailleurs. L’État socialiste assure cette transition et doit être aboli ensuite pour laisser place au communisme. Les anarchistes sont plus pressés et prêchent pour l’abolition immédiate de l’État. Plus de gouvernement, plus d’administration nulle part.

Une convergence des extrêmes?

Apparemment, libertariens, anarchistes et communistes convergent dans leur désir d’instaurer une liberté totale, mais ce n’est pas le cas. La gauche veut l’abolition de l’État pour mettre fin au libéralisme économique, tandis que la droite veut créer un monde dans lequel les entreprises pourront s’enrichir sans aucune restriction.

Aux États-Unis, les libertariens appuient généralement Donald Trump; au Canada ils sont derrière Maxime Bernier et la frange radicale du Parti conservateur, qui a ouvertement appuyé les camionneurs.

L’occupation d’Ottawa est une percée majeure pour les libertariens canadiens et américains. Soyez assurés que plusieurs groupes extrémistes ont bien noté que le gouvernement Trudeau veut défendre l’Ukraine mais qu’il est incapable de rétablir l’ordre dans sa propre capitale.

Chirurgical

La notion d’attaque chirurgicale est apparue lors de la Guerre du Golfe en 1991. Cette expression n’est rien d’autre qu’un artifice de propagande visant à faire croire que ces attaques de haute précision épargnaient miraculeusement les civils.

Le terme venait bien de l’armée américaine et il s’est infiltré dans la langue française, au point de trouver sa place dans Le Petit Robert : « Attaque, frappe chirurgicale, d’une extrême précision. »

Le contexte est militaire, certes, mais le terme en l’objet a rapidement débordé dans d’autres domaines, particulièrement lorsqu’il est question de précision. Quelques exemples glanés dans le Web :

Ce cas montre bien que si on comprend les mécanismes du cerveau, on peut intervenir en thérapie avec une précision chirurgicale.

Des centaines de robots travaillent avec une précision chirurgicale : ils mettent en place les différentes pièces de tôlerie.

Des palettes localisées derrière le volant, et qui permettent des changements de rapports d‘une précision chirurgicale.

Le mot « chirurgical » est évocateur : on voit tout de suite le médecin qui manie le scalpel avec grand doigté, cherchant à épargner les tissus sains. Cette expression est reportée à des frappes militaires censées obtenir le même résultat, comme je l’ai dit.

Il n’en demeure pas moins que l’expression vient de la langue états-unienne et que bien des langagiers voudront la contourner. Alors, que dire?

En paraphrasant le Robert : d’une extrême précision, d’une grande précision; des mesures (très) ciblées, ultra précises; bien centrées, des mesures focalisées. Et pourquoi pas « des mesures qui s’attaquent directement au problème »? Je sais, le mot tabou problème vient d’être prononcé… Pour une fois, épargnons-nous ces ridicules enjeux

Comme on le voit, ce n’est pas une opération bien compliquée d’éviter le mot « chirurgical ».

Prochain article : le Téléjournal de Radio-Canada, massacré par les publicités envahissantes.

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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français.  Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.

On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.