Bruler Mein Kampf?

Au Canada, la réconciliation nécessaire avec les peuples autochtones devient un excellent prétexte pour les bien-pensants de la mouvance woke de poursuivre leur combat.

Comme le rapporte la journaliste Isabelle Hachey, Le comité d’évaluation du Conseil scolaire catholique Providence, en Ontario, « a retiré des encyclopédies pour des mots qui avaient mal vieilli, des bandes dessinées pour des dessins qui n’étaient pas assez représentatifs des Autochtones, des romans jeunesse qui ne passaient pas le test de cet obscur tribunal de l’Index. »

Radio-Canada révèle de son côté que près de 5000 livres jeunesse ont été retirés de 30 bibliothèques francophones du sud-est de l’Ontario. Certains ont été brulés au cours de cérémonies spirituelles inspirées par les Autochtones.

Parmi eux, Tintin en Amérique et Astérix et les Indiens.

Au Canada, on a commencé à bruler des livres dont on estime le contenu inacceptable, parce qu’ils dépeignent les Autochtones du Canada sous un jour défavorable. Même des citadelles de la bien-pensance comme Radio-Canada et La Presse s’en inquiètent. Certains Autochtones se sont dit perturbés de ce qui se fait en leur nom.

Bruler Mein Kampf?

Puisque l’on brule Tintin en Amérique, pourquoi ne fait-on pas la même chose avec Mein Kampf?

Contrairement à bien des gens qui en parlent, j’ai lu Mein Kampf d’un bout à l’autre. Je puis vous assurer que son contenu est nettement plus sulfureux que Tintin.

Mein Kampf est un torchon.

Il est atrocement mal écrit, plein de fautes de grammaire, de barbarismes; c’est une logorrhée assommante et répétitive, mal structurée. Comble de tout, l’ouvrage est d’une indigence intellectuelle consternante, ne comporte aucune bibliographie, aucune citation, aucun renvoi à des auteurs crédibles. Un ramassis d’affirmations non démontrées.

Les thèses avancées ne sont pas étayées. En voici quelques-unes :

  • La race aryenne est à l’origine de 75 pour 100 des progrès de l’humanité. L’auteur ne définit pas la race aryenne et son affirmation principale n’est pas appuyée par des statistiques probantes. Du vent.
  • Les Juifs sont un peuple malfaisant, un corps étranger dans la nation allemande. Les Juifs complotent à l’échelle internationale pour dominer le monde. Encore une fois, pas l’ombre d’une preuve n’est avancée.
  • L’histoire du monde est l’histoire de la lutte des races. Affirmation non démontrée et calquée sur le marxisme, pour qui la lutte des classes est le moteur de l’histoire.
  • Les races supérieures sont destinées à dominer le monde. La race allemande, qui en fait partie, doit contrôler un territoire suffisant pour asseoir sa suprématie. Elle a parfaitement le droit de coloniser les territoires fertiles de l’Est (Russie, Ukraine, etc.).
  • Les Russes et autres Slaves sont une race inférieure destinée à être dominée par les Aryens.

J’arrête ici.

Je demeure convaincu que si le peuple allemand avait pris la peine de lire Mein Kampf, il aurait vu quel fou furieux était Hitler et que le cours de l’histoire en aurait été changé.

Bruler Mein Kampf ?

Ce torchon écrit en prison était la bible du nazisme, dont les conséquences ont été effroyables. Alors comment expliquer qu’un tel ouvrage soit toujours vendu en libraire? Qu’attend-on au juste pour le bruler?

Croyez-le ou non, Mein Kampf a été réédité. Si, si, vous avez bien lu. Mais avec des pages explicatives, qui dénoncent les propos mensongers qu’il contient, avec toutes les mises en garde nécessaires. En outre, la traduction française a été révisée pour refléter fidèlement l’indigence de la langue d’Adolf Hitler. Contrairement à ce qu’on voyait dans la première édition, on n’a pas toiletté la version française pour la rendre plus digeste.

Les éditeurs européens nous montrent le chemin. Remettre l’ouvrage dans son contexte, expliquer, pour éviter de revivre le passé. Au lieu de jeter Tintin au feu, mieux aurait valu le garder en bibliothèque et expliquer à quel point sa vision des Autochtones était dégradante.

Et que dire de Tintin au Congo? Encore pire que l’autre, il projette une image infantilisante des Noirs. Va-t-on le garder pour le prochain autodafé?

***

Vous trouvez le français compliqué? Très compliqué? Inutilement compliqué? Vous lirez avec intérêt mon ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français. L’auteur y explique comment on pourrait moderniser l’orthographe et la grammaire de notre langue sans la dénaturer complètement.

On peut le commander sur le site LesLibraires.ca ou encore aux éditions Crescendo.

2 réflexions sur « Bruler Mein Kampf? »

  1. Excellent point. Je pense comme toi: il faut expliquer plutôt que de brûler et détruire. Les générations futures n’apprendont rien si on brûle et détruit tout ce qui offense… D’autant plus que ce qui offense englobe de plus en plus de choses…

  2. Autodafés nazis, autodafés woke-cancel, la boucle est bouclée, tout est admirablement dévoilé.

    Si le traitement des autochtones dans Tintin en Amérique ou au Congo ou ailleurs (les Asiatiques protestent toutefois moins) requiert une explication de texte, en quoi doit-elle consister : avertir que faire s’exprimer des Noirs en petit nègre, c’est dégradant ? Ou, littérale remise en contexte, rappeler que ces albums ne sont pas le produit d’un méchant homme malade (malaise de la comparaison (?) avec Mein Kampf, d’ailleurs) mais la simple et fidèle image des unanimes perceptions européennes à l’époque.

    Est-ce au premier degré que vous sanctionnez en 2021, avec un sérieux tout universitaire (« pas défini, pas de preuves… »), l’inanité des affirmations d’Adolf Hitler ?

    Le problème qu’il y a à re-tuer les monstres du passé, comme des enfants s’acharnant sur le cadavre d’un loup pour jouer les héros (« Si ! Il a bougé ! » « Moi, je joue Jean Moulin ! »), c’est que cela soulève des questions très dérangeantes sur ceux d’aujourd’hui :

    imaginons un livre prétendument incréé, incriticable sous peine de mort et surtout, pris au pied de la lettre, contrairement à ses concurrents, quant à ses préceptes – meurtre des Juifs, guerre aux infidèles, abaissement de la femme, entre autres. Ce livre là, au moins, serait tautologiquement bien écrit puisque canon de sa langue. Des myriades de meurtres, d’agressions, de pratiques barbares seraient commises, aujourd’hui, pas seulement hier, au nom de ce livre – à commencer envers ceux qui en critiqueraient une demi-ligne ou suggéreraient que ses injonctions, dépourvues de preuves et de chiffres, sont « du vent »…

    L’urgence, face à ce livre-là, serait-elle de doter la réédition de Mein Kampf, ce torchon, d’un appareil critique ?

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