Bon matin

« Bon matin! » On entend fréquemment cette salutation à la radio et ailleurs. Beaucoup n’y voient que du feu, car elle semble s’inscrire dans la logique de la langue.

Après tout, ne dit-on pas « Bonsoir »? Et « Bon avant-midi » ou « Bon après-midi »? Alors où est le problème?

Le problème est le suivant : Bon matin suit une double logique; la première, celle de l’anglais Good morning; la seconde, une logique naturelle. Je m’explique.

Dans un premier temps, on peut considérer l’expression comme un calque de l’anglais. Certains ne seront pas d’accord. Pourtant, les dictionnaires bilingues sont sans équivoque : ils traduisent good morning par bonjour. Pas de Bon matin nulle part. C’est un indice que cette expression ne s’emploie pas dans le reste de la francophonie. Si vous n’êtes toujours pas convaincu, faites une recherche dans Google.

Dans un second temps, on peut dire que Bon matin suit une certaine logique naturelle. Si on peut dire « Bonsoir », pourquoi pas « Bon matin! »? En effet.

Pour compliquer les choses, parlons un peu des termes avant-midi et après-midi. Là encore, une petite recherche vous permettra de constater que ces mots ne peuvent servir de salutation dans le reste de la francophonie.

Autre constatation, avant-midi est un régionalisme du Canada et de la Belgique. On parle plutôt de matinée ou de matin.

En conclusion, Bon matin s’inspire de Good morning; il s’agit d’un calque, comme il y en a tellement dans le français au Canada. Est-ce que aux oreilles de ceux qui l’utilisent il a plus de retentissement que bonjour? La question reste posée. Va-t-il s’incruster dans l’usage canadien au point de faire son apparition dans les dictionnaires? Cela reste à voir.

Les lecteurs consulteront avec intérêt la capsule linguistique du Bureau de la traduction à ce sujet.

D’ici là, je vous souhaite le bonjour.

 

 

 

9 réflexions sur « Bon matin »

  1. Bonjour André,
    Vous savez que les anglicismes me donnent des boutons, mais étrangement, je trouve celui-ci sympathique. Cette salutation matinale bien enracinée est aujourd’hui devenue typiquement québécoise (voire un peu exotique pour des francophones nés ailleurs), et j’y suis plutôt favorable. D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un de ces anglicismes qui évincent une manière bien française de dire les choses, dont le sens est impropre ou qui appauvrissent notre langue.
    Le problème des anglicismes, outre ce que je viens de nommer, ce n’est pas que certaines expressions inspirées de l’anglais (ou d’autres langues) percolent dans notre langue, comme cela a toujours été le cas historiquement, mais c’est leur nombre, leur invasion. Mais « Bon matin »? Ça ne me gêne pas plus que « ciao », que l’on entend souvent également et que l’on ne songerait pourtant pas à critiquer.

  2. Bien d’accord avec Philippe. On a trop tendance à pousser les hauts cris dès qu’une expression ressemble à de l’anglais. On dit aussi « bonne nuit », suivant la forme de « good night ». Alors je n’ai rien contre « bon matin ». Ce qui me dérange sérieusement, par contre, c’est le « weekend », alors que la fin de semaine existe!

  3. BON MATIN/BONNE MATINÉE/BONJOUR

    Bonjour !

    J’avais jusqu’ici l »impression que si « Bon matin ! » était assez inhabituel en France, « Bonne matinée ! » y était beaucoup plus courant. Or je viens de relever sur google environ 600 000 occurrences de « Bon matin ! » contre 150 000 pour « Bonne matinée ! ».

    Petite surprise, mais il faut tenir compte que les résultats google concernant les faits de langue – et les autres – peuvent varier considérablement d’un jour à l’autre, et que ces « Bon matin ! » sont peut-être surtout québécois ?

    Quoiqu’il en soit, je n’ai rien contre l’une ou l’autre formule pourvu qu’elle ne se substitue pas abusivement à la formule «  »Bonjour ! ».

    Je m’explique : rien que de très naturel selon moi que de souhaiter « Bonne matinée ! » (« Bon matin ! » ne fait pas encore partie de mon usage personnel) à une personne qu’on doit revoir dans l’après-midi ou dans la soirée si l’on veut vraiment exprimer l’idée que la première partie de sa journée sera bonne. Par contre*, la logique civile (pas la langue) veut sans doute qu’au moment d’aborder quelqu’un on le salue par un souhait de bonne journée : pourquoi, en effet, limiter chichement son souhait à une partie de journée ?

    Par ailleurs, même si « Bon matin ! » ou « Bonne matinée ont pu s’introduire dans l’usage francophone sous l’influence des anglophones, cela n’en fait pas linguistiquement des anglicismes : seulement la marque de coutumes qui évoluent. Il serait regrettable que la chasse aux anglicismes nous amène à appauvrir la langue française et affaiblir ses capacités d’assimilation ou de représentation des réalités sociales.

    Les grammairiens de France, volontiers dogmatiques (cela n’épargne même pas ceux qui se contentent de recenser l’usage), ont trop souvent tendance à codifier et moraliser les façons de parler : « C’est du bon français » », « C »est du mauvais français », « Dites … mais ne dites pas.. »). Nous tenons cette habitude de Vaugelas, de l’Académie et des innombrables auteurs de dictionnaires et lexiques des difficultés de la langue française : en son temps, elle a rendu les plus grands services à la langue, et elle peut encore lui en rendre de très grands, mais il ne faut pas en faire une religion.

    Toute langue repose sur l’usage et la raison, certaines langues davantage sur l’une que sur l’autre. Il m’a toujours semblé que le français et en général les langues latines étaient volontiers analytiques et avaient donc tendance à privilégier la raison par rapport à l’usage, favorisant ainsi à la fois la codification et, paradoxalement, la liberté linguistique (car une fois les règles bien établies on reste libre de faire tout ce qu’elles n’interdisent pas – c’est-à-dire qu »on reste libre de son style). Comme toujours, la première grande règle est de s’exprimer clairement de manière à être exactement entendu de tous. La seconde grande règle est de s’exprimer élégamment, mais comme la notion d’élégance est très subjective et chronologique, ce n’est déjà pas mal de respecter la première.

    Bon matin, amis québécois ! JR
    __________
    *Expression dont certains puristes voulaient encore récemment nous interdire l’emploi en lui préférant l’absurde « En revanche »… JR

  4. Ce que j’ai pu comprendre et qui a attiré mon attention quand je suis arrivé au Québec, c’est que bon matin c’est pour saluer en arrivant et bonjour c’est pour saluer en se séparant; une autre façon de dire bonne journée en quelque sorte. Ce n’est pas pour me déplaire.

  5. Moi c’est plutôt le calque de bonne nuit qui me fascine !!! Car je ne connais pas beaucoup de Québécois qui ne disent pas « bonne nuit » à ses enfants avant qu’ils se couchent. C’est pourtant Good Night !!!

    1. Il arrive fréquemment que des expressions identiques existent dans les deux langues, sans que ce soit nécessairement des anglicismes. Le fait qu’on retrouve une expression semblable en anglais peuvent tout aussi bien découler d’un gallicisme (l’anglais nous a aussi emprunté des mots ou des tournures). Plus probablement, ces expressions communes peuvent exister depuis tellement longtemps dans les deux langues qu’on ne sait plus qui les a empruntées à qui. Sans oublier qu’il se peut aussi que des gens aient eu des deux côtés une façon identique de nommer des choses semblables.
      La similarité d’un terme ou d’une expression doit amener le linguiste averti à s’interroger, mais pas nécessairement à sauter aux conclusions.
      En ce qui concerne « Bonne nuit ». cette expression n’a rien d’un calque, et elle s’emploie quotidiennement en France depuis aussi loin que je me souvienne…Mon émission favorite quand j’étais enfant (et ça ne nous rajeunit pas), à une époque où nous n’avions encore qu’une chaîne en noir et blanc que l’on regardait sur des écrans dont les coins n’étaient même pas encore carrés s’appelait « Bonne nuit les petits! »
      Il n’y a pas plus d’anglicisme là qu’il n’y en a quand les Allemands se souhaitent Gute Nacht ou les Italiens Buona notte! Cette civilité correspond simplement à une nécessité de la vie en communauté. Il ne faut pas non plus oublier que le deuxième millénaire en a été un de migrations en Europe et que les langues se sont plus ou moins joyeusement voisinées et entremêlées durant des siècles. Les expressions ont pu être localisées à ces époques lointaines.

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