De seconde main

Bien des consommateurs achètent des véhicules de seconde main parce qu’ils sont moins chers. En lisant cette phrase, les langagiers crient à l’anglicisme, accusation étayée par les mises en garde qu’on peut lire dans Le dictionnaire des anglicismes et le Multidictionnaire.

Pourtant, l’expression existe bel et bien français. Alors qu’en est-il?

Dans le premier ouvrage, surnommé le Colpron, il est fait état d’une voiture usagée, traduction exacte de second hand car. Comme on le voit, l’anglais s’est encore une fois abreuvé à la fontaine du français. Dans l’opus de Marie-Éva de Villers, seconde main signifie indirectement et non pas usagé.

Cette définition rejoint celle figurant dans le dictionnaire de l’Académie qui parle d’un bien acquis indirectement, sans passer par un intermédiaire.

Le Petit Robert précise : « Voiture de première, de seconde main, qui a eu un, deux propriétaires précédents. » Il va sans dire qu’une telle voiture est forcément usagée. Mais on voit tout de suite que l’expression en l’objet n’est pas la traduction exacte de l’anglais second hand.

C’est donc dire que la langue de Shakespeare a donné à seconde main un sens légèrement différent, phénomène tout à fait normal lorsqu’une langue fait des emprunts à sa voisine.

Par conséquent, on peut acheter une voiture de seconde main uniquement si elle a eu deux propriétaires précédents, sinon il faut parler d’une voiture usagée.

Je reviens à la définition du Trésor de la langue française, qui parle de l’acquisition indirecte d’un bien. Par exemple, une collectionneuse pourrait acheter une statue médiévale de seconde main par l’intermédiaire d’un antiquaire. Dans ce cas, il ne s’agit évidemment pas d’une statue usagée.

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André Racicot vient de faire paraître un ouvrage Plaidoyer pour une réforme du français.  Ce livre accessible à tous est la somme de ses réflexions sur l’histoire et l’évolution de la langue française. L’auteur y met en lumière les trop nombreuses complexités inutiles du français, qui gagnerait à se simplifier sans pour autant devenir simplet. Un ouvrage stimulant et instructif qui vous surprendra.

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2 réflexions sur « De seconde main »

  1. Bonjour André,

    J’apprends avec surprise en vous lisant que l’expression « de seconde main » sous-entend qu’il y a eu deux propriétaires précédents. Et je dois bien me rendre à l’évidence en consultant Le Petit Robert. Ce la dit, je suis à peu près convaincu que 65 millions de Français seraient de prime abord aussi surpris que moi, car dans l’usage, on parle de véhicule de seconde main pour désigner tout véhicule d’occasion. Il suffit de faire une recherche sur « véhicule de seconde main site:fr » pour l’observer. À la réflexion, je pense que le glissement vient de la confusion avec l’expression « acheter en seconde main », la seconde main étant alors soi-même. Cela dit, je vous concède que l’acheteur d’un véhicule d’occasion dira couramment « c’était une première main » pour dire que le nouvel objet de toutes ses attentions n’avait eu qu’in seul propriétaire auparavant.

    Et puisque nous faisions un parallèle avec la France, on parle là-bas de véhicule d’occasion. Le terme « véhicule usagé » (calque de used) y serait nécessairement perçu de façon péjorative, car pour le Français, il n’y a qu’un pas entre usagé et usé.

    Dernier point, Le Petit Robert semble aussi recenser le sens anglais de première/seconde main : « DE PREMIÈRE MAIN : directement, de la source. Recevoir, tenir de première main. Une information de première main. Érudition, ouvrage de première main, où l’information est puisée aux sources; de seconde main, par l’intermédiaire d’autres auteurs », ce qui conduit une fois de plus à s’interroger sur la poule et l’œuf.

    Cordialement

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