Réformer le français
Quatrième article d’une série prônant une modernisation de
notre langue.
L’écriture phonétique
Il fut un temps, lointain il faut le dire, où le français était
écrit de manière phonétique.Au milieu du XIe siècle,
l’orthographe de l’ancien français commence à se fixer. Néanmoins, de
nombreuses variations persistent à cause de la transmission orale des
connaissances et des textes. Le plus souvent, les manuscrits servent d’aide-mémoire
aux conteurs. Ce qui signifie que l’écriture est très souvent phonétique. Par
exemple le tandem qui-ki se voyait
dans les textes.
Certains auteurs voudraient que l’on revienne à ce qui est à
leurs yeux un paradis perdu. Cette solution
peut sembler attrayante de prime abord, mais une réflexion plus approfondie
nous montre qu’il s’agit en fait d’une fausse bonne idée.
L’étymologie
Le français est une
langue à la fois phonétique et étymologique. En effet, bon nombre de mots s’écrivent
à peu près comme il se prononcent, l’un des obstacles étant la prolifération
des doubles consonnes, dont nous avons parlé dans le premier article de cette
série.
Les homophones
foisonnent dans notre langue, bien que moins nombreux que dans les langues orientales
comme le japonais. Il serait donc bien tentant de tout niveler. Ce serait
cependant faire fi de l’étymologie.
Prenons le ch grec qui se retrouve dans un certain nombre de mots. Sommes-nous prêts
à voir les graphies suivantes?
Ekimose; arkéologie; manikéen; psykiatre, arkange; kiromanie
Idem pour le ph.
Filosofie, farmacie, fénomène, grafisme, orthografe
Une écriture
entièrement phonétique balaierait aussi le th latin.
Téâtre, tèse, termique, ortografe
Certains feront valoir
que des langues comme l’espagnol ont justement fait le ménage de ce côté. Toutefois,
le français compte tellement de caprices orthographiques nettement plus
illogiques, qu’il faut choisir ses combats, comme on dit. Éliminer l’étymologie
gréco-latine n’est peut-être pas la meilleure idée.
Homophones les
plus courants
a) Le son o
On peut l’écrire de
plusieurs manières : o,
au, eau, sans compter les
lettres muettes en fin de mot qui multiplient singulièrement le nombre des
possibilités. Tout ramener à la lettre o donnerait les
orthographes suivantes :
Boire de l’o. Aimer l’otone. Un bo vase. Il s’est acheté une nouvelle oto. Il était tout peno devant sa bévue. Il est encore to pour commencer à travailler.
b) an et en
Ceux qui rêvent de révolutionner l’orthographe française ont
du pain sur la planche. Qui n’a pas hurlé devant des graphies capricieuses
comme intendance? Le son en écrit de deux manières différentes.
Autre cas d’espèce : indépendance. Les anglophones écrivent independence. On serait tenté de faire comme eux.
Pas besoin d’une
longue démonstration pour imaginer le nombre considérable de mots qui
changeraient subitement d’allure si les graphies étaient harmonisées dans un
sens ou dans l’autre. Qu’on en juge.
Anvelope, angager, évidemmant, tandremant.
Comme on le voit, c’est toute l’orthographe des adverbes qui
s’en trouverait bouleversée. La question est : sommes-nous prêts à un tel changemant?
Et nous n’avons pas encore parlé de la graphie ean, une graphie accidentelle, il faut
le dire.
Le e s’intercale
entre le g et le an pour adoucir la consonne.
Engeance, vengeance, engageant, nageant
Pour remédier à ces graphies quelque peu délinquantes, nous
devrions adopter le en afin d’éviter
le ean.
Engence, vengence, engagent, nagent
c) Le son in
Un autre son qui se décline en plusieurs graphies.
Intendant, pingre, mince
Peintre, teinture, geindre
Hautain, plantain, saint
Comme dans les cas précédents, la normalisation affecterait
des milliers de mots. Et les graphies ne manqueraient pas de surprendre…
Le pintre applique sans gindre de la tinture sur les murs, l’air hautin (hôtin?). Il a une patience de sint.
Parlons un peu de saint… qui se confond avec sein, ceint. Passer le rouleau
compresseur nous donnerait sin ou sint, selon que l’on
veuille ou non supprimer les lettres muettes.
Les lettres
muettes
Le français compte un nombre considérable de mots se terminant par des lettres muettes. Bien entendu, elles rendent l’orthographe plus compliquée. Mais ces lettres ne sont pas fortuites, bien au contraire.
Par exemple, écrire
fran au lieu de franc reviendrait à
arracher un bras à ce mot, puisque le féminin est franche et que le substantif est franchise.
Les cas semblables sont
innombrables.
Conclusion
Les timides rectifications
orthographiques de 1990 ont suscité un tollé en France et un peu partout dans
la francophonie. Trente ans plus tard, la résistance est encore vive, bien qu’un
nombre croissant de francophones s’insurgent contre les absurdités de notre orthographe.
Il est donc utopique
d’imaginer que l’on pourra bientôt, sans coup férir, passer un rouleau
compresseur sur les graphies du français. Cela ne signifie pas pour autant qu’il
faut conserver l’orthographe tel qu’il est actuellement.
Comme le
signalait Charles Müller, dans son article « À force de
purisme, on nuit à la langue française », paru dans L’Express, le 18
avril 2005.
En simplifiant
l’orthographe, on améliorerait l’image du français. Au moins pourrait-on donner
un signe de bonne volonté en supprimant les sottises les plus évidentes, comme
ce fameux événement qui doit son deuxième accent aigu au fait qu’un
imprimeur, en 1736, s’est trouvé à court d’accents graves.
Événement s’écrit maintenant évènement, mais la graphie erronée nénuphar
persiste. C’est pourtant une faute
de transcription apparue en 1935 et qui continue d’être perpétuée…
Dans les prochains
articles, nous verrons que l’on peut simplifier certains éléments inutilement
compliqués de l’orthographe du français.
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